Le Festival des chrétiens d’Orient revient à Paris pour sa deuxième édition les 5 et 6 juillet. Organisé par l'Œuvre d’Orient à l’abbaye d’Andecy, à moins de deux heures de Paris, ce festival rassemblera chrétiens de rites latin et orientaux, autour de leurs chants, de leurs traditions liturgiques et de leur espérance. À l’heure où leurs Églises souffrent encore au Proche-Orient, cette célébration collective témoigne d’une autre réalité : en France, ces communautés sont bien vivantes et enracinées.
Longtemps perçus comme des communautés lointaines, les chrétiens d’Orient vivent aujourd’hui une réalité bien tangible sur le sol français. Derrière cette appellation se cache une riche mosaïque d’Églises venues du Liban, de Syrie, d’Irak, d’Égypte, d’Éthiopie, d’Inde ou encore d’Europe orientale, qui ont trouvé refuge ou enracinement durable en France. Si leur présence reste discrète dans l’espace public, leur vitalité liturgique et communautaire est indéniable.
Qui sont ces chrétiens d'Orient et combien sont-ils ? Difficile à dire en réalité, puisqu'il n'existe pas de statistiques officielles — la laïcité républicaine s’oppose à des statistiques communautaires et ne permet pas de recensement officiel des populations selon le critère religieux, ce qui rend les données approximatives—. Les chiffres reposent donc sur les estimations des Églises elles-mêmes ou de l’Ordinariat des catholiques orientaux résidant en France qui regroupe les Eglises orientales n'ayant pas d'évêque en France.
Des communautés discrètes mais dynamiques
Parmi les plus nombreux figurent les Maronites, originaires du Liban, avec environ 50. 000 à 60.000 fidèles répartis entre Paris, Lyon, Marseille et d’autres grandes villes. Suivent les Chaldéens, d’origine irakienne, très présents à Sarcelles (2.400 familles), mais aussi à Marseille, Lyon, Pau ou Strasbourg. À Pau, une paroisse a d’ailleurs été créée en octobre 2024, "un beau signe de vitalité", souligne le père Jean-Marie Humeau, vicaire épiscopal de l’Ordinariat des Orientaux.
Les Syriaques catholiques, venus de Syrie ou d’Irak, animent des paroisses actives à Strasbourg (400 familles), Paris (175), Lyon (130), Lille (70) ou Tours (70). Les gréco-catholiques melkites, eux, sont établis notamment à Paris (300 familles) et Marseille (80). La petite communauté copte catholique, originaire d’Égypte, rassemble une quarantaine de familles. Les catholiques de rite guèze (érythréens et éthiopiens) sont présents de façon plus diffuse sur le territoire. Les Syro-malabars, originaires d’Inde, comptent quant à eux environ 600 étudiants, principalement en région parisienne.
Deux Églises arméniennes témoignent d’un enracinement profond. Parmi les quelque 500.000 Français d’origine arménienne, la grande majorité est rattachée à l’Église arménienne apostolique, très présente en Île-de-France, à Lyon et Marseille. L’Église arménienne catholique, plus modeste, regrouperait quant à elle environ 30.000 à 35.000 fidèles.
Un lien profond et durable
Le lien entre la France et les chrétiens d’Orient ne date pas d’hier. Il plonge ses racines dans l’histoire des croisades et s’est renforcé sous l’Empire ottoman, lorsque la France s’imposa comme "protectrice des chrétiens d’Orient". Dès le XVIIe siècle, les consuls français soutiennent les missions catholiques et les Églises orientales en difficulté. Ce rôle s’est poursuivi au fil des siècles, notamment par le biais de l’Œuvre d’Orient, fondée en 1856 pour venir en aide aux communautés chrétiennes de la région. Cette solidarité s’est traduite aussi par l’accueil de réfugiés lors des grandes vagues migratoires du XXe siècle, puis avec les conflits récents en Irak ou en Syrie. Aujourd’hui encore, la France reste une terre d’asile privilégiée pour ces Églises, qui y trouvent un espace de liberté pour vivre leur foi et transmettre leur héritage.
Cette vitalité s’accompagne d’un enjeu essentiel pour les Eglises orientales liées à Rome : préserver leur identité propre, tout en favorisant leur enracinement dans l’Église catholique de France. "Nous, les catholiques latins, avons parfois du mal à envisager que des Églises puissent fonctionner différemment", reconnaît le père Jean-Marie Humeau, vicaire de l’Ordinariat des catholiques orientaux, qui recommande d'éviter "une latinisation des chrétiens d'Orient". Cette diversité touche à la liturgie, à la spiritualité, mais aussi au mode de vie ecclésiastique — certains prêtres orientaux, à la différence des latins, peuvent être mariés. Pour ces Églises, l’enjeu n’est donc pas de se fondre dans le moule, mais leur intégration avec leurs spécificités, insiste le père Humeau.
