Il arrive qu’une personne puisse se convertir en écoutant un témoignage ou un enseignement. Soudain, elle reçoit une grâce et son cœur fait l’expérience bouleversante de la rencontre avec Dieu. Quiconque a vécu une telle expérience sait qu’elle fait entrer alors dans un monde radicalement nouveau. L’Esprit saint insuffle une nouvelle vie et le cœur se remplit d’une joie profonde, d’un bonheur intense, semblable à celui des disciples qui s'exclament : "Nous avons trouvé le Messie !" (Jn 1, 41).
Très souvent, cette rencontre passe par le biais d’un médiateur : un prêtre, un catéchiste, un enseignant, un accompagnateur spirituel… Et il est tout à fait normal d’éprouver une profonde gratitude envers celui ou celle qui a été l’instrument de cette rencontre avec le Seigneur. Néanmoins, il existe un risque insidieux : que ce cœur brûlant d’amour pour Dieu s’attache à la personne qui l’a conduit à Lui. Sur le plan psychologique, il est compréhensible de ressentir une affection envers cette personne - car quel plus beau cadeau peut-on recevoir que la rencontre avec Dieu ? Cette personne peut alors devenir alors une figure de référence très importante. Or, comme l’expliquait le pape François, dans son Angélus du 15 janvier 2023, il est nécessaire de rester vigilant contre les dérives possibles de cette situation.
Le risque de l’attachement affectif
En effet, lorsqu’un prêtre, un accompagnateur, un catéchiste devient une figure de référence, il peut commencer à exercer une grande influence. La personne convertie peut même penser que suivre le Seigneur, c’est obéir et croire aveuglément tout ce qu’enseigne la personne qui l’a conduit au Christ, ou c’est rester confinée dans le groupe où elle s’est convertie. Pourtant, il est fondamental de ne pas confondre l’instrument de Dieu avec Dieu lui-même.
Il arrive que certains prêtres ou accompagnateurs spirituels ne prennent pas pleinement conscience de cette dynamique. Une telle méconnaissance les rend parfois insuffisamment prudents face à certains attachements excessifs. Lorsqu’ils ne sont pas corrigés, ces liens peuvent dériver vers des dépendances affectives, des situations de confusion spirituelle, voire — dans les cas les plus graves — des abus de conscience.
Jean-Baptiste, un modèle d’humilité et de détachement
Le pape François invitait ainsi à méditer l’exemple de saint Jean-Baptiste qui "ouvre la porte et s’en va". Une fois sa mission accomplie, il s’efface pour laisser la place à Jésus : "Il a prêché au peuple, il a rassemblé des disciples et les a formés pendant longtemps. Pourtant, il ne lie personne à lui-même. Et cela est difficile, mais c'est le signe du véritable éducateur : ne pas lier les gens à lui-même".
Le véritable éducateur a pour mission d’aider à mûrir humainement et spirituellement. La personne convertie doit comprendre alors que s’il a pu être, à un moment donné, un instrument de la Providence, c’est Jésus seul qu’il faut suivre.
Faire grandir dans la liberté
Le pape avait rappelé aux éducateurs l’importance de ne pas lier l’autre à soi : "Attirons-nous les autres vers Jésus ou vers nous-mêmes ? Et encore, en suivant l'exemple de Jean : savons-nous nous réjouir du fait que les gens prennent leur chemin et suivent leur appel, même si cela implique un certain détachement par rapport à nous ?"
Chacun doit garder cette liberté intérieure envers la personne qui d’une manière ou d’une autre lui a fait découvrir le Christ. S’il est important d’être reconnaissant et d’écouter des conseils, il est nécessaire de se rappeler l’exemple de Jean-Baptiste : un véritable guide ne cherche pas à attirer le regard sur soi, mais à l’orienter vers le Christ.