Sept associations spécialisées dans la protection de la famille et de l’enfance (Juristes pour l’Enfance, SOS Éducation, Le Syndicat de la Famille, les Mamans Louves, Au Cœur de l’humain, Enfance et Compagnie, Famille et Liberté) ainsi que 300 parents d’élèves avaient déposé un recours devant le Conseil d’État le 21 février dernier. Ils demandaient l’annulation du programme tel qu’il a été publié le 6 février 2025 par le ministère de l’Éducation nationale. "Nous ne nous opposons pas sur tous les points, avait précisé à Aleteia Matthieu le Tourneur, juriste et directeur de projet de Juristes pour l’Enfance, mais voulons montrer en quoi le programme, tel qu’il est rédigé actuellement, viole un certain nombre de principes et de droits acquis présents dans des textes de lois nationaux et internationaux tels que le Code civil, le Code de l’Éducation, le Code de la santé publique, le Code pénal, mais aussi la Déclaration universelle des droits de l'Homme, la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, etc…"
Le Conseil d’État a rendu sa décision ce 27 juin. Il a rejeté les requêtes dont il était saisi, estimant que le programme EVARS est conforme à la volonté du Parlement. Selon les rapporteurs, l’arrêté et la circulaire attaqués respectent le principe de neutralité du service public de l’enseignement, la liberté de conscience des élèves et de leurs parents, le droit des parents à éduquer leurs enfants selon leurs convictions et plus généralement, leur autorité parentale. Le Conseil d’État relève que c’est le code de l’éducation qui prévoit que des séances d’information et d’éducation à la sexualité doivent être organisées pour les élèves, et juge que l’arrêté et la circulaire qui mettent en œuvre le programme EVARS ne sont contraires à aucune des normes juridiques invoquées par les requérants.
L'information aux parents demeure floue
Sur l’épineuse question de l’information aux parents de la tenue des séances, les rapporteurs soulignent que "les établissements doivent au minimum informer chaque année les parents d’élèves des objectifs de cet enseignement, rien n’interdisant qu’ils aillent d’ailleurs au-delà de cette seule information". Plus d'informations, comme le nom de l'association intervenante par exemple, seraient effectivement bienvenues. Le Conseil d’État croit bon de préciser aussi que les parents peuvent faire des demandes d’information ou des demandes d’entrevues.
Réagissant à la décision du Conseil d'État, l'association Juristes pour l'enfance s'est offusqué que le principe de primauté éducative des parents et leur autorité soient écartés. "Lorsque la loi dispose que la formation scolaire complète l’action de la famille, cela suppose a minima que les parents soient tenus informés de manière détaillée du contenu et des modalités de cette formation scolaire. L’EVARS est le seul domaine qui ne fera pas l’objet de l’information complète donnée par chaque enseignant en début d’année lors de la réunion scolaire de rentrée", s'insurge-t-elle.
Respect ou non de l'âge des enfants ?
Les rapporteurs publics soulignent également que le programme est décliné pour chaque niveau scolaire. Mais pour Juristes pour l'enfance, le respect des stades du développement psychoaffectif des enfants n’est pas assuré, "d’une part parce que le programme ne pourra pas faire l’objet d’une adaptation à chaque cas singulier contrairement à ce qu’affirme le Conseil, et d’autre part parce que des parties du programme sont en soi inadaptées à l’âge des enfants ou un apprentissage collectif". Quant au Syndicat de la Famille, autre association requérante qui a réagi à la décision du Conseil d'État, il souligne que les arguments ne sont pas suffisamment étayés et que cette décision est subjective, "voire dans le déni des enjeux du débat". Au sujet de l'âge, il souligne : "Ce n’est pas parce qu’il est affirmé en introduction [du programme] qu’il est adapté à chaque âge, ni même parce qu’il fait des différences par âge, qu’il l’est de manière suffisante et ajustée".
Selon le Conseil d'État, le programme repose sur des notions résultant de l’état de la science ou de l’état du droit. Les requérants maintiennent quant à eux que le programme ne respecte pas le principe de neutralité. "Contrairement à ce que prétend le Conseil d’État, enseigner l’existence d’une identité de genre distincte du sexe biologique ne reprend pas l’état de la science", soulignent-ils. Contrairement à ce qu'a jugé le Conseil d'État, le Syndicat de la famille estime que le programme porte atteinte à l’intégrité physique et psychique des personnes, soulignant qu’exposer une distinction entre le sexe et le genre à partir de la classe de 5e, comme le programme le prévoit, "c’est ouvrir auprès d’élèves qui approchent de l’adolescence des doutes vertigineux sur leur propre identité".
Dès sa première présentation, le programme en question a suscité de nombreuses polémiques, et ce même au sein du gouvernement fin 2024. Après la censure du gouvernement Barnier, une troisième version du texte a été élaborée. Évoquant la dernière mouture, Élisabeth Borne, ministre de l'Éducation nationale, s’était félicitée, au micro de France Inter le 23 janvier dernier, d’un programme "très attentif à apporter les bonnes informations en fonction de l’âge de l’élève, qui doit permettre de transmettre des valeurs très importantes de respect de soi, de respect de l’autre, de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes". Pascale Morinière, présidente des Associations familiales catholiques (AFC), avait salué une "réécriture moins idéologique" du texte, mais conservait néanmoins de "grosses réticences" à son sujet. Il sera néanmoins appliqué dans tous les établissements scolaires à la rentrée 2025.