"Affairés sans rien faire" (2Th 3, 11). Tel est le jugement négatif que pose saint Paul à propos de certains membres de la communauté de Thessalonique, leur rappelant que l’oisiveté est la mère de tous les vices. Peut-être un tel jugement est-il régulièrement posé sur les séminaristes. Non pas tant qu’ils ne font rien durant les sept ou huit ans que dure la formation avant de devenir prêtre, mais parce que les fidèles sont souvent ignorants de la réalité de la vie au séminaire. Alors que 90 prêtres sont ordonnés en France autour de la solennité des saints Apôtres Pierre et Paul ce dimanche, il n’est pas inintéressant de se pencher sur la "fabrication" des prêtres d’aujourd’hui.
Depuis février 2022, tous les séminaires français sont régis par la même Ratio nationalis institutionis sacerdotalis (Organisation nationale pour la formation sacerdotale), adaptation française d’un texte romain de 2017 intitulée "Former des prêtres pasteurs et missionnaires" grâce à quatre axes de formation (humaine, spirituelle, pastorale et intellectuelle) et quatre périodes : une année de fondation spirituelle, souvent improprement appelée "propédeutique", deux à trois ans de "formation de disciple-missionnaire", trois à quatre ans de "configuration au Christ" et une année de "synthèse vocationnelle" qui correspond à l’année qui sépare l’ordination diaconale de l’ordination sacerdotale.
Des études académiques…et des "stages"
Pendant la majeure partie de ces années, les séminaristes suivent des études académiques couronnées par le baccalauréat de théologie, diplôme canonique équivalent du niveau licence, après deux ans à dominante philosophique et trois ans à dominante théologique. L’idée est de faire en sorte que les futurs prêtres, qui entrent au séminaire avec des niveaux d’études très variés, puissent avoir l’intelligence de la foi et la capacité de la transmettre. La journée au séminaire est ainsi rythmée par les cours, les examens, le travail personnel, les lectures… ce qui est une joie pour certains, une douleur pour d’autres, en particulier ceux qui ont déjà quelques années d’études derrière eux.
Si cet aspect est celui qui rapproche le plus les futurs prêtres des autres étudiants et structure le quotidien, il ne peut pas vraiment être détaché de la vie pastorale. Effectivement, tout au long des années au séminaire, chacun a de multiples occasions de se confronter réellement à la vie de prêtre et de se mettre dans la posture de celui qui écoute, qui accompagne, qui enseigne. Dès l’année de fondation spirituelle, pour des temps plus ou moins longs, ces stages conduisent les séminaristes dans des aumôneries d’hôpital, au catéchisme, à l’EHPAD, dans des camps de jeune, au service d’une paroisse… ou, souvent, à la fin de la "formation de disciple-missionnaire" pour une année complète dans une paroisse ou comme volontaire dans une association caritative, parfois à l’étranger. Comme pour les étudiants classiques, cette expérience permet de gagner en maturité et de découvrir une autre culture, une autre manière de vivre sa foi.
La prière au cœur du programme
Ce qui fait le cœur de la formation, même s’il est plus difficile de s’en rendre compte extérieurement, ce sont les piliers humain et spirituel. "La prière est la respiration de l’âme", dit l’adage, et elle rythme le quotidien du séminaire, qu’elle soit liturgique ou personnelle. Le plus souvent, les laudes et les vêpres, ainsi que la messe, sont dites ensemble. Les "petits" offices (lectures, milieu du jour, complies) sont généralement dits seuls. Il y a aussi l’oraison silencieuse, la lectio divina, le chapelet… pratiques encouragées et introduites dès l’année de fondation spirituelle pour que la vie intérieure se développe. Beaucoup de séminaristes se lèvent ainsi aux aurores pour prier trente minutes ou une heure face au Seigneur avant d’entamer la journée. Un bien qui ne fait pas de bruit mais permet de donner du sens au reste des activités.
Même si les modalités varient selon les séminaires, le dernier aspect structurant du quotidien dans les maisons de formation est la vie communautaire, qui permet de se frotter au caractère des autres… et au sien, en vue d’une croissance en maturité. Aujourd’hui, les formateurs privilégient pour cela la formation d’équipes (par promotion, par cycle de formation…) ou de petites communautés pour que la formation humaine soit réelle et que les personnalités se révèlent aux yeux de ceux qui voteront pour l’ordination des candidats au sacerdoce. À Paris, par exemple, le séminaire est ainsi organisé en "maisons" d’une dizaine de séminaristes, où chacun a un service pour tous et où les repas et la liturgie sont préparés en binôme. La plupart du temps, la vie matérielle des séminaires est aussi laissée à la charge des futurs prêtres… pour que chacun garde les pieds sur terre, et se prépare à habiter un presbytère. Les affaires d’ampoules y côtoient en effet les demandes de baptême, la préparation de l’homélie et la patience envers tous !
