"Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur notre mère la terre, qui nous soutient et nous gouverne, et produit divers fruits avec les fleurs colorées et l’herbe." Depuis les paysages d’Ombrie où ce chant a jailli jusqu’à ceux que nous contemplons dans notre quotidien, la parole de Frère François nous invite à la responsabilité. La terre brûle, disait un ancien président. En Mayenne, d’ici 2050, préviennent un certain nombre de spécialistes, le hêtre aura disparu de notre environnement. Les forêts, havres de fraîcheur en ces temps de canicule, souffrent du manque d’eau. Parmi les différentes essences, l’une des plus affectée est le hêtre. Il continuera d’orner nos bois et nos campagnes dans le nord du pays mais devrait partout ailleurs ne demeurer que dans nos herbiers.
Notre manière de consommer
Tout cela peut paraître insignifiant aux yeux des défis qui nous entourent. Et surtout, nous pouvons nous trouver bien impuissants devant ces questions vertigineuses. Avec juste raison : nos propres États eux-mêmes, avec toute la puissance symbolique qu’ils véhiculent, semblent inopérants. Il paraît utile de rappeler quelques petites choses que nous connaissons bien pourtant, comme, par exemple, l’importance de ne pas rajouter du désordre à la pagaille. Ainsi, le fait de ne pas pouvoir régler les problèmes à grande échelle ne nous dispense pas de ne pas ajouter à ces problèmes notre propre part. Avant de réparer, il faut essayer de ne pas casser davantage.
L’un des premiers lieux d’action concrète qui nous soit donné est notre manière de consommer. Plutôt que de culpabiliser la grand-mère qui roule au diesel pour aller de son village au supermarché, il y aurait chez chacun de nous un examen de conscience sérieux à entreprendre sur les produits que nous achetons : leur utilité, leur mode de production, l’impact écologique qui en découle… Les biens que nous accumulons dans nos placards et nos greniers finissent par nous aveugler sur la beauté de la vie, et sur la manière dont celle-ci donne à la création cette splendeur que les vacances d’été donnent aux plus chanceux la possibilité de retrouver par flashs. Il faut être pauvre pour contempler, et pour être pauvre il faut avoir une âme de pauvre.
Son chemin de vie
"L’être humain semble ne percevoir d’autres significations de son milieu naturel que celles de servir à un usage et à une consommation dans l’immédiat" disait Jean-Paul II (Redemptor hominis, 15). De cette posture-là, nous pouvons, nous devons nous convertir. Le "livre de la nature, écrivait Benoît XVI, est unique et indivisible (Caritas in veritate, 51) : il est impossible de n’avancer que de manière parcellaire sur un seul aspect car tout se tient, environnement, vie, sexualité, famille, relation sociale."
Le "que voulez-vous que j’y fasse" est devenu la dérobade facile. Elle nous évite de réfléchir et, pour le croyant, de demander la grâce d’y voir clair et d’agir en conséquence.
Cette écologie intégrale, chaque personne peut chercher à en faire son chemin de vie. Il nous appartient d’oser être cohérent dans nos manières de vivre avec l’Espérance dont nous avons été revêtus pour la porter au monde. Car l’Espérance est bien ce manteau qui habille nos pauvres corps en soulignant leur dignité. Manteau que nous devons partager avec ceux qui sont nus d’espoir et de reconnaissance. Ce vêtement-là vaut bien plus que ceux des grandes marques qui assaillent nos désirs et conditionnent nos pulsions. Il est la bure de François ou la cape de Martin qui expriment que nous sommes sur cette terre non pour nous approprier et pour posséder mais que tout doit être orienté en vue du bien de l’autre. Sans quoi il n’y a ni justification à la propriété, ni légitimité d’aucun système financier.
La grâce d’y voir clair
La beauté de la création nous révèle celle de son auteur. Un auteur qui ne cesse d’œuvrer dans le présent, en chaque souffle, chaque être. "Le climat est un bien commun pour tous et de tous" (Laudato si’, 23). Sur le plan international, les conflits et les inégalités économiques sont, en partie, des conséquences directes de nos indifférences répétées et dont nous ne nous sentons même plus coupables, perdant ainsi la possibilité de nous en guérir. Le "que voulez-vous que j’y fasse" est devenu la dérobade facile. Elle nous évite de réfléchir et, pour le croyant, de demander la grâce d’y voir clair et d’agir en conséquence.









