Un constat amer, mais lucide. Pour Clément Beaune, Haut-commissaire à la Stratégie et au Plan, les élèves français ne sont pas bons parce que la valorisation des enseignants est insuffisante. C’est la conclusion des deux notes publiées le 18 juin et remises à la Ministre de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne. Deux études qui mettent en évidence le dysfonctionnement, depuis plusieurs décennies, du système éducatif français. Un constat amer parce que ces rapports remettent en question non pas le système éducatif en lui-même mais la perte de sens liée au métier d'enseignant et dont témoigne un bon nombre de professeurs.
La première note, intitulée Niveau scolaire : faut-il s’inquiéter ?, établit sur 16 pages le constat de la baisse "alarmante" – c’est l’adjectif employé par Clément Beaune dans son édito – du niveau des élèves. Le rapport s’appuie sur les résultats de deux dispositifs d’enquête nationaux, l’enquête Lire, écrire, compter (LEC) et le Cycle des évaluations disciplinaires réalisées sur échantillons (CEDRE) et sur trois enquêtes internationales, le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), la Trends in International Mathematics and Science Study (TIMSS) et l’étude Progress in International Reading Literacy (PIRLS).
Il en ressort, d’une part, que le niveau des élèves français baisse, particulièrement en mathématiques et, dans une moindre mesure, en sciences, et d’autre part, que le niveau global est faible. Un décrochage marqué en mathématiques, et en primaire, par rapport aux autres pays. Enfin, cette faiblesse est générale, quels que soient le milieu social, le sexe ou les capacités des élèves. "En 2017, un enfant de cadre est moins bon en calcul qu’un enfant d’ouvrier en 1987", résume Clément Beaune.
Interrogé par le Figaro sur les raisons de ce décrochage français, Clément Beaune avance ce qui pour lui est l’une des raisons principales : la formation des enseignants. "Il est clair que la baisse du niveau est multifactorielle", reconnaît-il. "On pourrait évoquer les écrans, les questions d’autorité et d’encadrement, les difficultés des élèves étrangers… Mais tout cela, on le voit ailleurs aussi. Les élèves français ne sont pas si différents des élèves allemands ou finlandais. La question de la formation des enseignants est sans doute sinon la clé, du moins l’une des clés principales."
Malaise des enseignants
La formation, certes, mais pas seulement. La crise du métier d’enseignant est bien plus profonde. La seconde note émise par le Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan, intitulée Enseigner : une vocation à reconstruire, un équilibre à restaurer, s’inquiète de la perte d’attractivité du métier. À la rentrée 2024, 3.200 enseignants manquaient à l’appel dans les établissements du secteur public et privé. Les candidatures sont aujourd’hui insuffisantes pour couvrir les postes offerts aux concours, entraînant une dégradation des taux de sélectivité. Par ailleurs, les départs volontaires en cours de carrière, longtemps marginaux, sont en forte augmentation. La croissance est depuis une décennie assurée par une augmentation continue du recours aux contractuels (+43% entre 2015 et 2022 dans le secteur public) "plus précaires, moins expérimentés, parfois moins légitimes aux yeux de leurs collègues et des parents". La note évoque également un phénomène de "démissions silencieuses", qui se traduit par le rejet de projets collectifs et la difficulté à trouver des professeurs principaux.
Pourtant, à en croire les résultats des enquêtes qualitatives, les enseignants aiment leur métier ! Mais d’autres sentiments prédominent : sentiment de déclassement dans la société, de délaissement par l’institution, et la difficulté à "bien faire son travail". Pour le Haut-commissaire à la Stratégie et au Plan, un chiffre résume le malaise français : seulement 7% des enseignants estiment que leur profession est valorisée dans la société. C’est quatre fois moins que la moyenne de l’OCDE. "Valoriser n’est pas seulement rémunérer", souligne Clément Beaune, évoquant des sujets tels que le rapport avec les parents, le soutien de la hiérarchie, l’association aux réformes, la qualité de la formation, les conditions de travail ou encore l’autonomie.
Si les recommandations du Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan pour relever le niveau des élèves ne sont attendues qu’en 2026, il y a fort à parier qu’une des mesures phares consistera à rendre le métier d’enseignant plus attractif. Selon le Haut-commissaire, l'expérience internationale montre que les systèmes éducatifs les plus attractifs pour les enseignants sont ceux dans lesquels les élèves réussissent le mieux. Mais reste à savoir comment. La grande difficulté, c'est que la réponse au malaise éducatif ne réside pas dans d'énièmes réformes académiques mais dans une transformation de la société tout entière : implication des parents comme éducateurs de leurs enfants, respect de l'autorité, régulation de l'usage des écrans, reconnaissance des enseignants, condamnation de la violence...









