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Les auditions des influenceurs “problématiques” dévoilent la face cachée de TikTok

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Mathilde de Robien - publié le 14/06/25
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Si les auditions d’influenceurs controversés mardi 10 juin à l'Assemblée n’ont pas aidé à faire avancer les travaux de la commission d’enquête, elles ont néanmoins révélé au grand jour des facettes de TikTok dont les non initiés n’avaient pas idée.

Alex Hitchens, AD Laurent, Nasdas, Julien et Manon Tanti… Des influenceurs poids lourds sur les réseaux sociaux et largement controversés en raison de leurs contenus jugés inappropriés par les députés en charge de la commission d’enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs. Ils ont été auditionnés à l’Assemblée nationale mardi 10 juin afin de partager avec les parlementaires leur expérience de la plateforme chinoise. Des auditions qui se sont révélées lunaires, houleuses même, sans réelle interrogation sur la santé mentale des jeunes, mais qui ont néanmoins apporté un éclairage instructif sur le réseau social qui cumule, en France, pas moins de 18 millions d’abonnés. Un éclairage qui est loin d’être flatteur : flou juridique laissant libre cours à tout type de discours, créateurs de contenus sans scrupule, machine à fric… Ces auditions révèlent de manière glaçante la face cachée de TikTok.

1Un grave flou juridique

Le flou juridique qui entoure l'usage des réseaux sociaux bénéficie à TikTok et à ses influenceurs. En effet, qui, du créateur de contenus ou de la plateforme qui héberge, est tenu responsable des contenus publiés ? Personne ! La responsabilité n’est pas clairement définie. Par conséquent, TikTok véhicule toutes sortes de discours, et notamment des discours d’incitation à la haine et à la violence, sans être sanctionné. Il règne sur TikTok un relativisme flagrant ! Chaque influenceur décide si ses propos sont répréhensibles ou pas.

Alex Hitchens, Isac Mayembo de son vrai nom, l’a clairement affirmé lors de son audition lorsque la rapporteur, Laure Miller (EPR), a qualifié ses contenus de "contestables". Il s’en est offusqué : "Mes contenus ne correspondent à aucune infraction, ni aucune qualification juridique, ça dépend de la perception de chacun, je ne trouve pas mes propos problématiques". Quand on sait qu’Alex Hitchens, expert en séduction, est légitimement taxé de masculinisme en raison de ses propos haineux envers les femmes, il apparaît clairement que les contenus TikTok passent sous les radars.

2Un véritable hydre de Lerne

À l’instar de l’Hydre de Lerne, ce monstre marin de la mythologie grecque à plusieurs têtes dont deux repoussaient lorsqu’Héraclès en coupait une, les comptes TikTok sont incontrôlables. En témoigne cette récente réponse du même Alex Hitchens à Aurore Bergé, ministre en charge de l’Égalité entre les femmes et les hommes. Son compte a été banni de TikTok le 12 juin suite à son audition à laquelle il a mis fin de son propre chef, coupant la visioconférence sous les yeux et à la barbe des députés. Le même jour, il publie sur X, interpellant la ministre : "La censure ne fonctionnera pas. Et même si vous comptez faire bannir d’autres comptes, mon équipe prépare une cinquantaine de nouveaux comptes dès la semaine prochaine. Bonne chance."

3Un "je m’en foutisme" flagrant

Sur TikTok, personne ne s’estime responsable et les créateurs de contenus se défaussent à la fois sur les parents et sur la plateforme censée modérer. Nul ne semble avoir à l’esprit que bon nombre des utilisateurs sont des mineurs et que les contenus visionnés peuvent les choquer et les sidérer. (Ce qui est, en passant, le propre d'une vidéo TikTok : "Ce qui fonctionne le mieux, c’est le contenu qui choque", souligne lui-même Alex Hitchens).

Ainsi, Adrien Laurent, acteur pornographique connu sous le nom d’"AD Laurent", affirme devant les députés : "Si des élèves de CE2 accèdent à cette plateforme, c’est un problème de contrôle parental et de responsabilité de TikTok, pas de la mienne". Son compte a été suspendu mi-mai, Aurore Bergé évoquant des "vidéos décrivant des pratiques sexuelles violentes et sans consentement". Quant à Alex Hitchens, il s’est défendu en disant : "Je ne suis pas modérateur, je ne peux pas trier les personnes qui regardent mon live".

4L’absence de modération

Autre enseignement qui ressort de ces auditions : l’absence de modération de la part de la plateforme TikTok. D’une part, les moyens ne sont clairement pas mis en œuvre pour contrôler efficacement les contenus, et d’autre part, les influenceurs savent comment contourner la modération, au prétexte de la sacro-sainte liberté d'expression. Alex Hitchens a donné quelques exemples très précis : épeler le mot "pute" pour que la vidéo ne soit pas supprimée, employer un mot pour un autre (tel que "poutrer" au lieu de "coucher") ou encore multiplier les comptes sur lesquels les mêmes contenus sont publiés afin que les signalements demeurent sans effet.

5Une machine à fric

La commission a enfin tenté de connaître les montants des revenus liés aux activités sur TikTok. Si les influenceurs auditionnés sont restés très évasifs, il en ressort néanmoins que la plateforme peut s’avérer une source de gains faramineux pour les comptes les plus suivis. Plusieurs canaux permettent de gagner de l’argent : la monétisation selon le nombre de vues et de followers – selon les créateurs, la rémunération s’élèverait de 4 à 8 dollars pour 1.000 vues dans le cadre du Creator Rewards Program -, la promotion des produits d’une marque (partenariat), et les "cadeaux". Le couple Tanti, qui diffuse à large échelle leur quotidien avec deux jeunes enfants, a également évoqué les "matchs". Il s’agit d’un "duel" entre deux influenceurs qui s’affrontent en live et pendant lequel les spectateurs peuvent offrir des "cadeaux", dons virtuels achetés avec de l'argent réel, pour signifier leur soutien à leur créateur préféré. Ces dons sont monétisables par les créateurs, et la plateforme TikTok prélève une commission de 50%.

Pendant l’audition de Julien et Manon Tanti, le président de la commission Arthur Delaporte (PS) a avancé le chiffre de 40.000 dollars (soit 37.000 euros) par mois de revenus liés à TikTok, chiffre que n’a pas démenti Julien Tanti. Quant à Nasdas, star du quartier Saint-Jacques à Perpignan, connu pour son influence sur des mineurs précaires et ses vidéos dans lesquelles il distribue de l’argent, il a affirmé qu’en termes de chiffre d’affaires, "il était à des centaines de milliers d’euros", avant de préciser que "tout n’allait pas dans sa poche". La commission d'enquête est donc appelée à trancher : la santé mentale des enfants vaut-elle plus que les intérêts financiers de TikTok et des influenceurs ? Les parlementaires doivent rendre leur rapport d'ici mi-septembre.

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