Faire venir l’Esprit saint dans un corps sain, le magistère sportif des papes

"En mai dernier, nous avions suivi de près l’élection du nouveau pape en espérant qu’il aimerait le sport… et nous sommes gâtés !", se réjouit Isabelle de Chatellus, chargée de mission ‘sport’ pour la conférence des évêques de France. Elle demeure aussi la directrice du projet "Holy Games", qui a été pérennisé après les Jeux olympiques de Paris afin de poursuivre l’accompagnement de l’Église pour le monde du sport. Avec Léon XIV, le monde a en effet découvert un pape sportif, qui avant son élection se rendait même régulièrement dans une salle de sport proche du Vatican. Sa passion pour le baseball donnera lieu ce samedi à une messe célébrée en son honneur à Chicago dans le stade des White Sox, son équipe favorite et durant laquelle sera diffusé un message vidéo du pape. Le football et le tennis intéressent aussi beaucoup le nouveau pontife, qui avait réservé au tennisman italien Jannik Sinner, numéro un mondial, l’une de ses premières audiences privées, profitant de sa présence au tournoi de Rome.

Sa rencontre avec le club du Napoli, vainqueur du récent championnat d’Italie de football, et sa réception chaleureuse des coureurs du Giro d’Italia durant leur passage au Vatican le dimanche 1er juin, ont confirmé cet amour du pape pour les sportifs. "Vous êtes des modèles pour les jeunes du monde entier", a lancé Léon XIV aux cyclistes du Tour d’Italie, dont certains semblaient aussi émus que lui lors de cette rencontre très affectueuse. C’est avec une tonalité très paternelle que le nouveau pape a aussi inscrit ce passage du Giro d’Italia dans son magistère, visant à encourager une certaine unité entre le corps et l’esprit… voire l’Esprit, pour se situer dans une démarche d’ouverture à la foi. "J’espère que, comme vous avez appris à prendre soin du corps, vous êtes aussi attentifs à l’esprit, en portant toujours attention à la personne dans son intégralité : le corps, l’esprit, le cœur et l'âme", a-t-il souligné devant les coureurs. 

Si Pie XII, en 1946, et Paul VI, en 1974, avaient eux aussi eu l’occasion de bénir les coureurs du Giro d’Italia, ce passage cette fois-ci inédit des coureurs à l’intérieur même des Jardins du Vatican, qui avait été autorisé par le pape François, a émerveillé son successeur. "Je pense qu’avec sa culture à la fois nord-américaine, sud-américaine et indirectement italienne et française, le sport a fait partie de l’éducation du nouveau pape", remarque Isabelle de Chatellus.

Original dans son approche et dans sa propre pratique sportive, Léon XIV s’inscrit aussi pleinement dans la continuité de ses prédécesseurs. "Depuis le début du XXe siècle, presque tous les papes ont vu dans le sport un réel enjeu de société, d’éducation, de développement, avec un regard attentif aux dérives du sport et au fait qu’il ne perde pas ses valeurs originelles", souligne la chargée de mission. Pie XI, qui a régné de 1922 à 1939, fut ainsi l’un des premiers papes à relier l’engagement physique et l’enseignement spirituel. Cet alpiniste chevronné avait inauguré en 1890 un nouveau passage pour accéder au Mont Blanc. Les nombreux séjours montagnards de Jean Paul II et de Benoît XVI s’inscriront également dans cette lignée. Pie XII, très attentif à son entretien physique, était lui aussi très attentif au monde du sport. En recevant en 1956 les joueurs de l’Athletic Bilbao, Pie XII rend hommage aux "sincères amateurs d’une activité" à laquelle ces footballeurs se dédient "avec âme et vie, y mettant une fougue juvénile, un effort authentique".

Si Jean XXIII, avec sa bonhomie et sa rondeur, sembla plus proche du "no sport" churchillien que de l’ascèse de ses prédécesseurs, le sport redevint un sujet d’investissement pour Paul VI et surtout pour Jean Paul II. Avant la Seconde Guerre mondiale, le jeune "Lolek" avait en effet joué au poste de gardien de but pour un club de sa ville, le MKS Cracovie. Son pontificat sera marqué par de nombreuses rencontres avec des sportifs, et par son suivi attentif des compétitions internationales : dans un contexte d’isolement de son pays natal sur la scène internationale, il regarda à la télévision avec une émotion particulière le match Pologne-Italie en demi-finale de la Coupe du monde 1982, remportée par les Italiens 2-0. Au premier tour, les Polonais avaient bien résisté aux futurs vainqueurs de la compétition, tenant un très honorable 0-0.

Benoît XVI, pour sa part, n’était pas un "footeux" mais s’intéressait beaucoup à la Formule 1, particulièrement populaire en Allemagne durant les années de domination de Michael Schumacher. L’une des rares personnalités extérieures à la famille à avoir pu rencontrer le champion automobile après son grave accident de ski survenu en décembre 2013 fut le secrétaire de l’alors pape émérite, qui veilla à lui faire remettre un chapelet. 

Ce week-end jubilaire sera notamment l’occasion d’une passation symbolique de la Croix olympique des Jeux de Paris à l’Athletica Vaticana, le club sportif du Vatican. Une délégation d’une vingtaine de personnes viendra de France pour l’occasion, sous la conduite de Mgr Emmanuel Gobilliard, évêque de Digne et référent sport au niveau de la conférence des évêques de France. Seront notamment présents Aurélien Diesse, champion olympique de judo par équipes aux Jeux de Paris, et Thomas Bach, président sortant du Comité international olympique, qui quittera son mandat dans quelques semaines. Cette croix olympique, qui fut bénie par le pape François en 2013 lors des JMJ de Rio, poursuivra ensuite son chemin vers Milan pour les Jeux olympiques d’hiver de 2026, puis Los Angeles pour les Jeux olympiques d’été de 2028.

Outre la messe célébrée ce dimanche à 10h par Léon XIV à la basilique Saint-Pierre, plusieurs tables rondes sont organisées à Rome dans le cadre de ce Jubilé du sport. Sont notamment annoncées les participations de l’ancien pilote de Formule 1 Felipe Massa (Brésil), du champion olympique du 200 mètres au Jeux de Paris Leslie Tebogo (Botswana) ou encore de l’escrimeuse italienne Valentina Vezzali, six fois championne olympique et 16 fois championne du monde du fleuret, qui est l’athlète la plus titrée dans l'histoire de son sport.