"Juste parmi les nations". Plus de soixante ans après sa mort, l'abbé Robert Crespin a reçu à titre posthume le jeudi 12 juin cette médaille honorant son dévouement et son courage pendant la Seconde Guerre mondiale. Il s'agit de la plus haute distinction civile de l'État d'Israël, décernée à environ 4.300 Français depuis 1963. Ancien prêtre de la commune de Châlette-sur-Loing dans le Loiret, ce prêtre décédé en 1961 avait sauvé cinq Juifs de la déportation.
Parmi eux, un bébé de neuf mois, Ami Levinsky, victime d'une rafle en 1942 en même temps que sa mère et peu après son père. Tous deux sont internés au camp de Beaune-la-Rolande, raconte le journal La République. Grâce aux efforts de l'abbé Crespin et à des démarches administratives, ce dernier est venu chercher le petit garçon avant de le confier à une amie de ses parents, Madame Gorkin, à Châlette-sur-Loing. Mais celle-ci est à son tour arrêtée en 1944, et l'abbé met alors de nouveau tout en œuvre pour sauver l'enfant. "J’ai demandé à un docteur un certificat pour affirmer qu’on lui faisait [à Ami Levinsky] des piqûres d’insuline. Un officier de la Gestapo m’a donné la permission d’aller chercher Ami en prison pour que j’en prenne la responsabilité", écrit le prêtre dans une lettre.
En février 1944, l’abbé Crespin envoya quelqu'un prévenir la mère d’un habitant, nommé Amold Kremenstein, que les Allemands étaient sur le point de les arrêter. Suzanne Dress, chargée du bureau de poste, les cacha dans une maison à Clémont-sur-Sauldre. Ils y restèrent jusqu’à la Libération.
Le 23 février 1944 survint une dernière rafle. L'abbé Crespin l’apprit dès la fin de sa messe. Il envoya aussitôt prévenir une femme dont le mari avait été enlevé en juin 1942, et qui restait seule avec trois enfants, lui conseillant de quitter immédiatement sa maison et de se réfugier chez une personne seule habitant une rue retirée.
Le lendemain de la mort de l'abbé Crespin, le journal local soulignait son dévouement : "Personne n'a perdu à Châlette le souvenir de ce prêtre à la soutane fatiguée, qui emporta dans ses bras des enfants juifs traqués par la Gestapo, les abrita dans son presbytère et les cacha chez des communautés dévoués".
Une vie de service
L'abbé Crespin avait demandé lui-même le baptême à l'âge de huit ans, et sa vocation sacerdotale s'est manifestée très jeune, à treize ans, relate le diocèse d'Orléans. Ordonné en 1918, il devient vicaire à Montargis, puis curé. Mais il est aussi aumônier, catéchiste, initiateur de la JOC (jeunesse ouvrière chrétienne) dans le département. Fin 1938, il est nommé curé de Châlette-sur-Loing, et peu après le début de la guerre, l’abbé Crespin s'illustre par un dévouement sans faille auprès des habitants de la commune. "Pendant plusieurs mois, de nombreux prisonniers français peuvent s’évader, dont un certain nombre, grâce aux stratagèmes de l’abbé Crespin", rapporte encore le diocèse qui affirme que "des milliers de personnes ont pu profiter des conseils, de l’aide, et de la direction spirituelle de ce père et guide, qu’était l’abbé Robert Crespin." Décédé le 30 juin 1961, il repose au cimetière de Montargis.