À Assise, dans les rues de la ville de saint François et de sainte Claire, le visage de Carlo Acutis trouve très bonne place derrière les vitrines. Aux côtés des croix de San Damiano en bois, des représentations du loup de Gubbio ou bien d’autres objets à l’effigie du Poverello, le jeune adolescent au polo rouge apporte sa jeunesse aux devantures nombreuses. "Nous avons vu de plus en plus de pèlerins venir à Assise à partir de sa béatification en 2020", témoigne Armando, qui tient une boutique à une centaine de mètres de la tombe du bienheureux. "Les ventes d’objets avec Carlo Acutis représentent 30% de mon business désormais", reconnaît ce natif d’Assise, qui imagine que la canonisation va faire venir encore plus de pèlerins. Dans son magasin, on retrouve des statues de toute taille du futur saint, ainsi que des posters, des tableaux, des chapelets ou bien des cartes postales.
Dans une autre rue de la vieille ville, un restaurateur abonde : "Assise attirait du monde sans Carlo, avec Claire et François. Désormais la ville capte plus de jeunes". Selon le diocèse d’Assise, un million de personnes sont entrées en 2024 dans l’église Sainte-Marie Majeure, où repose le corps de l’adolescent.
Un démarrage "timide" à Rome
Pour le moment, la renommée de Carlo Acutis demeure moindre à Rome. Dans les magasins d’articles religieux du Borgo, tout près du Vatican, les vendeurs témoignent d’une évidente sympathie pour l’adolescent au polo rouge dont des statuettes et des images apparaissent sur certaines étagères. "Mais c’est encore timide, nous espérons qu’il y aura plus d’acheteurs durant la semaine de sa canonisation", remarque une vendeuse, qui reconnaît que Carlo Acutis fait, pour le moment, moins recette que Jean Paul II ou le pape François quand il était sur le trône de Pierre.
Silvia Feliciani, responsable du magasin officiel du Jubilé 2025, explique que des tee-shirts et polos à l’effigie de saints sont vendus aux pèlerins ainsi que quelques images pieuses, reprenant au verso une citation de Carlo Acutis en italien, en anglais, en français, en espagnol, en portugais et en polonais : "Être toujours uni à Jésus, tel est le but de ma vie". "Mais nous ne participons pas à proprement parler à un véritable merchandising autour de Carlo Acutis, nous voulons rester respectueux", assure la jeune femme. "C’est surtout par affection pour Carlo que nous mettons ces images à la disposition des pèlerins, car il aide beaucoup de gens dans cette période assez sombre. Carlo Acutis est très connu dans toute la communauté catholique mondiale, son visage est désormais bien connu de tous", explique-t-elle.
L’enthousiasme des libraires
Pour sa part, Francesco Trotta, directeur de la Librairie San Paolo, sur la Via della Conciliazione qui mène à la place Saint-Pierre, se réjouit de voir l'intérêt du public pour Carlo Acutis, auquel est dédiée une étagère spécifique depuis la fête de Pâques. "Nous avons de nombreux livres sur Carlo Acutis, de tous styles : certains ouvrages sont destinés à un public plus adulte, d’autres sont accessibles pour les enfants, notamment un manga édité à l’origine en France", souligne-t-il, remarquant l'intérêt de pèlerins venus de très loin, y compris d’Australie ou des Philippines. "Son rayonnement rassure beaucoup les parents qui s’inquiètent de la vie de foi de leurs enfants à l’adolescence, et qui sont heureux de trouver une figure sur laquelle s’appuyer", explique-t-il. Il remarque aussi que, depuis sa béatification en 2020, de nombreux curés de paroisse cherchent à offrir aux jeunes des biographies de Carlo Acutis adaptées à leur âge, "pour leur confirmation et surtout pour leur première communion, puisque Carlo avait mis l’eucharistie au centre de sa vie et la considérait comme une autoroute vers le Paradis", souligne le libraire.
Dans l’autre librairie tenue par les éditions San Paolo, près de la porte Sainte-Anne menant au Vatican, une statue de Carlo Acutis grandeur nature accueille les visiteurs. De nombreuses familles se font photographier près de cette statue conçue, avec l’accord de la famille Acutis, par la société Shalom. Cette entreprise dont le siège se situe dans la province d'Ancône, au nord-est de l'Italie, a aussi édité des livres sur le futur saint, sans contrat d’exclusivité puisque de nombreuses autres sociétés ont élaboré des livres et des objets de dévotion dédiés au futur saint. Sœur Rita, religieuse des Filles de Saint Paul en service dans cette librairie, remarque l’enthousiasme de nombreuses familles françaises. Un intérêt qu’elle relie au phénomène étonnant du retour vers la foi de nombreux jeunes adolescents qui parfois, eux-mêmes, finissent par convaincre leurs parents de revenir vers la religion catholique, parfois délaissée plusieurs décennies auparavant.
Le risque d’un trafic de reliques
D’une façon plus malsaine, la presse italienne a fait état fin mars d’une plainte déposée par l'évêque d’Assise, Mgr Domenico Sorrentino, suite à la mise aux enchères sur internet d’une relique présumée du futur saint, une mèche de cheveux qui aurait été achetée par un anonyme ayant déboursé 2.110 euros. Ce commerce, strictement interdit par le droit canonique, préoccupe également le Vatican. Le dicastère pour les Causes des saints aurait tenté d’intervenir, sans succès. Cette affaire fait étrangement écho aux tensions entourant la mort de saint François d’Assise, le 3 octobre 1226. Les chroniques de l’époque racontent que de nombreuses personnes avaient tenté de s’approcher de la cité ombrienne dans l’intention de voler quelques reliques du futur saint, alors que son agonie était encore en cours. Encore près de huit siècles plus tard, Assise demeure donc une terre de sainteté et de simplicité… mais aussi de convoitises.

