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Face aux examens, le mérite des héritiers

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Épreuve de philosophie du baccalauréat, juin 2023.

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Henri Quantin - publié le 11/06/25
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Si la continuité familiale dans les succès aux examens se vérifie souvent, les jeunes candidats ont toujours travaillé dur pour réussir, rappelle l’écrivain Henri Quantin, lui-même professeur en hypokhâgne et khâgne.

"Le portrait de sa mère", "son père tout craché"… Prononcées devant un berceau, les formules toutes faites sont la plupart du temps inoffensives. Sauf adultère ignoré ou manipulation génétique cachée, l’identité des parents ne fait aucun doute et ceux-ci peuvent se sentir flattés de la ressemblance perçue. Le bébé, de son côté, ne peut guère donner son avis et, même s’il hurlait pour protester, ses cris de dénégation auraient peu de chances d’être compris.

Continuité familiale

Les années passant, il se peut que le rappel régulier d’une ressemblance réjouisse moins l’enfant. Quitter paisiblement son père et sa mère est sans doute plus difficile à celui à qui on rappelle mécaniquement qu’il a ses parents sous les yeux chaque fois qu’il se regarde dans la glace. À tout prendre, si on tient à piocher dans les lieux communs de la sociabilité minimale, dire "Comme tu as grandi !" ou "Quand je pense que je t’ai connu tout petit" est sans doute plus constructif : réflexe agaçant, peut-être, mais témoignage indirect d’une évolution fructueuse, là où le rappel de l’air de famille va rarement sans une part régressive.

En va-t-il de même pour l’esprit et pour le corps ? En cette période d’examens et de concours, les réussites et les échecs des enfants connaissent aussi leurs formules, plus ou moins figées, fondées sur la continuité familiale. Laissons de côté les règlements de compte par personne interposée : je veux croire que rares sont ceux qui disent à un candidat malheureux qu’il est aussi bête que son père, aussi nul en anglais que sa mère ou que son inaptitude à résoudre une équation est congénitale. Même en guise de consolation, l’efficacité du propos est assez réduite, ce qui explique que beaucoup lui préfèrent un silence gêné.

Travailler dur

Face à une réussite, en revanche, les rappels de la filiation sont fréquents : "Les chiens ne font pas des chats", "Tel père, tel fils", "Avec les parents qu’il a, ça ne m’étonne pas"… Nouvelle flatterie pour les parents, vingt ans après celles du berceau ? C’est oublier que si un nouveau-né n’est pas pour grand-chose dans sa naissance, le lauréat d’un concours a généralement travaillé dur pour en arriver là. Plus mécaniques que réellement nuisibles, ces sentences n’en retirent pas moins tout mérite à l’étudiant, comme si la réussite à un concours exigeant se transmettait automatiquement de génération en génération. Nul ne niera, certes, que celui à qui on a mis une tronçonneuse dans les mains dès cinq ans a plus de chance qu’un autre de devenir bûcheron, du moins s’il est encore en vie. L’existence de familles de polytechniciens ne relève pas non plus du pur mythe gauchiste. Ce n’est pas une raison pour donner raison, sans examen et sans même s’en rendre compte, à la théorie marxisante des héritiers de Bourdieu. N’y a-t-il pas une sorte de déterminisme d’atmosphère dans cette tendance à ramener immédiatement la réussite d’un enfant au pedigree de ses parents ?

Féliciter en vérité

"J’en étais sûr", "Je n’avais pas le moindre doute"… Tu as bien de la chance, a-t-on envie de répondre, parce que, lui, justement, il en a eu beaucoup, de doutes, quand il a eu trois sur vingt à son premier devoir, quand on lui a suggéré de se réinscrire sur Parcoursup ou quand il a vu réussir, dès la première tentative, son voisin qui prétendait ne rien avoir fait de toute l’année. Ces jours-là, être "son père tout craché", le "portrait de sa mère" ou le fils de parents brillants lui est plus apparu comme un fardeau que comme une bénédiction.

Bref, féliciter en vérité suppose de ne pas affirmer, dans le même temps, que la réussite était acquise d’avance, par déterminisme social ou par atavisme. Cela dit, souhaitons à tous les étudiants en attente de résultats d’entendre plus de formules creuses devant leurs succès que de silences gênés devant leurs échecs.

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