Pas facile de donner un âge à Maria. Son visage lumineux et son regard profond, comme la foi qui l’habite, lui donnent une jeunesse et une sérénité qui tranchent avec l’environnement dans lequel elle vit. Car Maria Ruiz, d’origine espagnole, vit aujourd’hui à Jérusalem, la Ville sainte. Elle est même, depuis novembre 2023, vierge consacrée du Patriarcat latin. Dans la vie quotidienne, cette femme vivante est surtout artiste iconographe : elle écrit, c’est le terme consacré, des icônes.
Un travail qui, dans la fidélité au cadre monastique qui lui a fait découvrir cet art, a été dès l’origine un "chemin de prière, explique Maria, qui prend toute ma personne, à la fois physique, sensoriel, émotionnel." Sa foi en est devenue plus incarnée et plus concrète : "Je vois le visage de la personne avec laquelle je suis en train de parler dans la prière, ajoute celle qui ne se départit jamais tout à fait de la mystique contemplative, et je fais attention à des détails que la vélocité de l’existence nous fait oublier".

Du missel arabe à une exposition sur la "lumière de la grâce"
Même si Maria avait déjà consacré sa vie à Dieu quand elle a découvert l’art de l’icône, elle y a puisé le sens de sa véritable vocation. Car, dit-elle, l’iconographie est "une manière d’annoncer l’Évangile". Si le centre de sa vie est bien sa "relation avec le Christ", celle-ci s’exprime dans ce que la jeune femme perçoit comme un "service". Service, en particulier, de l’Église de Jérusalem. Depuis 2021, la vierge consacrée travaille effectivement, à l’appel du cardinal Pizzaballa, à l’illustration des nouveaux livres liturgiques de langue arabe. Un missel, rehaussé de magnifiques planches, a été publié en décembre 2022. L’évangéliaire des dimanches, lui, est en cours.

La tâche est magnifique, mais immense, et le Patriarche, que Maria qualifie de "père et pasteur" et pour lequel elle a un grand respect, est en dialogue permanent pour corriger les dessins, discuter, suggérer, apporter une vision, l’enraciner toujours plus dans l’Évangile. Labeur de l’ombre, accompli dans un atelier où dessins et petits pots de peinture permettent de toucher du doigt l’œuvre de création, la minutieuse élaboration. Mais l’artiste connaît aussi la lumière. Celle de la grâce qui transparaît dans ses icônes et qui a donné son nom à une exposition des planches originales du missel au musée Edward et Helen Mardigian du Patriarcat arménien. Cette collaboration œcuménique prend tout son sens quand on sait que les compositions de Maria Ruiz s’inspirent des traditions russe, éthiopienne, byzantine et arménienne. Si la tradition latine s’est éloignée de cet art, elle peut recevoir "le trésor d’une tradition orientale riche qui a su traduire la foi."
Le langage de l’amour de Dieu
Est-il opportun aujourd'hui, à Jérusalem, de parler de beauté, d'art, au cœur de tant de souffrances ? "C’est plus qu'opportun, c'est nécessaire, affirme Maria Ruiz, je suis convaincue que la beauté est une source d'espoir et de force." En contemplant ses créations, qui pourraient en douter ? L’icône est un "langage qui parle de l’amour de Dieu" comme les Écritures, comme en miroir ou en complément de ces dernières. Est-il opportun, aujourd’hui, à Jérusalem, d’être vierge consacrée ? Voilà "une grâce et un défi", répond notre interlocutrice, certaine que l’Église de Jérusalem a la vocation de garder les portes ouvertes comme la Jérusalem céleste de l’Apocalypse et de continuer sans cesse à créer des liens, à faire grandir les relations.
La communauté "a besoin des prières de tous", conclut Maria, mais elle est aussi "un message pour le monde. C’est une petite église humble, pauvre mais qui a quelque chose à donner à l’Église universelle : lui dire qu’elle ne sera pas effacée de cette terre, car elle est là comme étaient les premiers apôtres. Pauvres pécheurs maladroits, mais pourtant choisis pour annoncer la Bonne Nouvelle, à partir de Jérusalem, au monde entier."