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L’”aide à mourir”, ultime réforme sociétale ?

Image d'illustration sur la fin de vie

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Henri Quantin - publié le 04/06/25
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Le retour à une conception païenne de la mort annonce-t-il la fin des grandes ruptures anthropologiques ? C’est peu probable, estime l’écrivain Henri Quantin, la négation de l’homme dans sa dignité a malheureusement peu de limites.

"Après l’IVG, l’abolition de la peine de mort, le mariage pour tous, la PMA, l’aide à mourir est-elle l’ultime réforme sociétale ?" Même s’il y a plusieurs raisons de s’étonner de la présence de l’abolition de la peine de mort dans la liste, la question tout récemment posée par Le Figaro à l’historien Guillaume Cuchet a quelque chose de vertigineux. Notamment auteur de l’excellent Comment notre monde a cessé d’être chrétien (Seuil), l'historien est bien choisi pour discerner les dernières étapes de la déchristianisation de la société occidentale.

Retour à la mort pré-chrétienne

Sans hésiter, il juge que la légalisation de "l’aide à mourir" vient parachever un changement radical de vision de l’homme : "La loi consacre une profonde rupture anthropologique, même s’il n’est pas sûr qu’elle soit ressentie comme tel par le gros de l’opinion." Sa conviction est que nos contemporains, après avoir acquis "une maîtrise inédite de l’entrée dans l’existence" (contraception et avortement), ont voulu "boucler la boucle et éliminer le hasard de la fin de vie". Et de signaler qu’après le déclin de la croyance et de la pratique, le temps vient logiquement des conséquences dans les manières de vivre.

Nouveauté ? Guillaume Cuchet y voit plutôt une alternative ancienne : "Il y aura désormais deux modèles du mourir : les soins palliatifs et l’aide à mourir comme il y avait jadis la mort chrétienne et la mort laïque de type socratique." Ce qui est donné pour une avancée majeure n’est-il qu’un simple retour à une vision de la mort antérieure au christianisme, mais dans une version techniciste et étatique ? De fait, par bien des aspects, l’avortement renoue avec l’antique exposition athénienne des nouveau-nés indésirables (le mot "exposition" inaugurant également l’habitude des euphémismes trompeurs).

Homme-chimpanzé ou homme "augmenté"

Ces rapprochements ne sont pas le propos de l’entretien, on s’en doute. À la question de savoir si nous sommes arrivés à "l’ultime réforme sociétale", Guillaume Cuchet répond finalement ainsi : "C’est peu probable, même si le train des réformes sociétales nées des années 60-70 arrive à son terme. Il n’y a plus grand-chose dans le tube. Les discussions vont se déplacer sur d’autres terrains comme la GPA, pour les couples d’hommes en particulier, etc." On peut sûrement compléter la remarque avec deux autres terrains de rupture anthropologique : l’effacement progressif de la différence entre l’homme et l’animal d’une part, entre l’homme et la machine d’autre part. Homme-chimpanzé ou homme "augmenté", c’est toujours un homme nié dans sa dignité d’homme.

"On ne voit pas bien ce qui dans la culture contemporaine pourrait arrêter le mouvement des mœurs", conclut Cuchet. Légitime prudence d’historien, professionnellement tenu de ne pas s’adonner à une histoire-fiction qui annoncerait ce qui sera. Rendre compte honnêtement de ce qui a été, suffit largement à son étude… En revanche, si le suicide assisté et les soins palliatifs nous ramènent à "deux modèles du mourir", le chrétien, lui, sait ce qu’il a à faire pour empêcher le mouvement : témoigner par sa parole et ses actes qu’un modèle vaut infiniment mieux que l’autre, tant pour une personne que pour une société. Suspect et rejeté comme ses premiers frères de l’Histoire, le disciple du Christ n’a plus qu’à se souvenir que l’évangélisation, à l’échelle personnelle comme à l’échelle collective, est toujours à recommencer.

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