Après quinze siècles de présence chrétienne ininterrompue dans le Sinaï, le monastère orthodoxe Sainte-Catherine, en Égypte, risque-t-il de voir disparaître sa communauté monastique ? Fin mai, de nouvelles pressions judiciaires exercées sur les moines ont mis fin à l'autonomie administrative du monastère. Une décision de justice rendue par le tribunal d'Ismaïlia a ainsi statué que ce dernier appartenait à l'État "en tant que propriété publique".
Devant les inquiétudes exprimées par les autorités grecques quant à l'avenir de la présence monastique, le gouvernement a essayé de rassurer en précisant que cette décision ne menaçait pas le maintien de la communauté dans les lieux ni ses activités. Le président égyptien, Abdel Fattah Al Sissi, a notamment assuré le premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis que l’Égypte était "pleinement engagée à préserver le statut religieux unique et sacré du monastère de Sainte-Catherine et à veiller à ce qu’il ne soit pas violé".
Pourtant, d'après le jugement en question, l'autonomie administrative dont jouissait la communauté serait bien mise à mal pour les années à venir, rapporte l'agence Fides. Les biens du monastère y apparaîtraient confisqués passant sous la gestion de l'État égyptien. Les moines se verraient par ailleurs imposer des restrictions d'accès à certains bâtiments, leur séjour n'étant autorisé qu'à des fins cultuelles et aux conditions fixées par le nouveau propriétaire public. Le contenu exact de la décision du tribunal n'a cependant pas été publié. Le porte-parole du gouvernement grec, Pavlos Marinakis, a donc déclaré que "la Grèce exprimera sa position officielle (…) lorsque le contenu officiel et complet de la décision de justice sera connu et évalué", insistant sur l'engagement des deux pays à "maintenir le caractère religieux orthodoxe grec du monastère".
Les craintes sur le maintien de la présence monastique remontent à plusieurs années : en 2020, le gouvernement égyptien avait annoncé lancer un méga-projet de développement touristique dans la ville historique de Sainte-Catherine. Nommé Al-Tajalli Al-Aazam (la grande transfiguration), il vise à permettre l'accueil d'un million de visiteurs par an et prévoit pour cela la construction d'infrastructures touristiques et hôtelières, au risque d'engendrer une véritable défiguration de ce lieu millénaire.
Fondé au VIe siècle
Kyriakos Mitsotakis a évoqué un accord avec l'Égypte pour "préserver le pèlerinage et le caractère grec orthodoxe du monastère et de résoudre la question de manière institutionnelle". Une délégation grecque est attendue au Caire ce mercredi 4 juin afin d'évoquer la situation avec les autorités égyptiennes et de trouver un accord préservant clairement les activités monastiques de Sainte-Catherine.
Haut lieu de foi chrétienne en Égypte, le monastère est situé au pied du mont Sinaï. Il a été fondé au VIe siècle, à l'endroit supposé où Dieu s'est manifesté à Moïse, et a traversé les âges en grâce à son statut de "Wakf, lieu sacré à préserver selon la tradition coranique. Classé par l'UNESCO parmi les monuments reconnus comme patrimoine mondial de l'humanité, le monastère regorge d'un patrimoine inestimable (manuscrits et icônes) et abrite une communauté de 20 moines régie par le patriarcat grec orthodoxe basé à Athènes.
