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Maurice Blondel, un philosophe français en route vers la sainteté

Maurice-Blondel
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Anna Ashkova - publié le 03/06/25
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Le diocèse d’Aix-en-Provence ouvre le 4 juin 2025 la cause de béatification de Maurice Blondel, philosophe français de renom. Une date qui marque le 76e anniversaire du décès de celui qui a tenté de concilier philosophie et théologie et a inspiré de grands théologiens, défendant la "démocratie chrétienne" au XXe siècle.

Né à Dijon le 2 novembre 1861, Maurice Blondel s’impose très tôt comme un esprit brillant. Élève à l’École Normale Supérieure de Paris, il réussit l’agrégation de philosophie en 1886. D'abord professeur au lycée Mignet à Aix-en-Provence, il est rapidement nommé maître de conférences, puis professeur à la Faculté des Lettres d’Aix-Marseille. Il y enseigne pendant près de 40 ans, jusqu’à sa retraite forcée en 1927 en raison d’une grave maladie oculaire. Mais sa vie est également marquée par une foi profonde en Christ. 

La quête de sens 

En 1893, un an avant son mariage avec Rose Royer, avec laquelle il aura trois enfants, Maurice Blondel soutient une thèse de doctorat intitulée L’Action. Essai d’une critique de la vie et d’une science de la pratique. Ce texte fondateur cherche à comprendre comment l’homme, par son agir, découvre en lui un désir d’absolu qui ne peut être satisfait par les seules ressources naturelles. Il y expose une intuition centrale : l’action humaine, pour être pleinement comprise, suppose une ouverture au surnaturel. Avec cette thèse, Blondel pose les bases de ce qui deviendra la philosophie de l’action, un courant profondément original qui entend réconcilier la rigueur rationnelle de la philosophie avec les données spirituelles de la foi. Ce projet le place à contre-courant des oppositions tranchées entre foi et raison caractéristiques de son époque.

Bien qu’il ait toujours affirmé sa fidélité au Magistère de l’Église, Maurice Blondel est parfois perçu avec méfiance. Son approche, qui cherche à rendre la foi intelligible de l’intérieur de la conscience humaine, est regardée avec suspicion par certains représentants de la théologie scolastique. Il évite pourtant toute rupture, refusant les excès d’un rationalisme desséchant aussi bien que ceux d’une foi autoritaire et déconnectée de l’expérience humaine. Ses travaux, bien que contestés à certains moments, trouvent un écho puissant chez de grands intellectuels catholiques du XXe siècle : Henri de Lubac, Gaston Fessard, Pierre Teilhard de Chardin ou encore Yves de Montcheuil reconnaissent en lui une figure majeure du renouveau théologique. Son influence s’étendra jusque dans les textes du concile Vatican II, où sa vision de la personne humaine, de la liberté et du salut trouve une résonance profonde. "Votre charité intellectuelle de bon Samaritain, en se penchant sur l’humanité blessée, en s’efforçant de la comprendre et en lui parlant son langage, contribuera efficacement à la replacer dans les indéclinables et salvatrices perspectives de sa vocation divine", lui écrivait en 1944 Jean-Baptiste Montini, futur Paul VI. 

Une sainteté vécue dans la discrétion

En 1927, atteint d’une maladie oculaire incurable, Maurice Blondel se retire de l’enseignement. Il vit l’épreuve de la cécité dans l’affermissement de sa foi et de son union au Christ, tout en continuant à écrire, réfléchir et correspondre avec de nombreux intellectuels et religieux. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il soutient discrètement la Résistance et les membres du réseau chrétien qui luttent contre l’occupation. Il meurt la veille de la Pentecôte, le 4 juin 1949, laissant derrière lui une œuvre dense et exigeante, mais surtout un témoignage spirituel puissant. Pour lui, la vérité ne pouvait être que le fruit d’un dialogue entre la raison et la foi, entre l’action humaine et l’appel divin.

À sa mort, il est salué comme un Maître mais plusieurs voix évoquent aussi sa vertu chrétienne exemplaire. Parmi les premiers témoins de cette sainteté discrète figurent sa secrétaire Nathalie Panis, l’un de ses anciens élèves, Mgr Marius Chalve, ainsi que Mgr Charles de Provenchères, archevêque d’Aix de 1945 à 1978. Dans les années 1960, le cardinal de Henri de Lubac évoque auprès de la famille Blondel l’idée d’un procès de béatification. Mgr Peter Henrici, jésuite, deviendra par la suite l’un de ses plus ardents défenseurs. Le cardinal Roger Etchegaray, alors jeune expert au concile Vatican II, témoigne quant à lui de l’impact spirituel de la publication en 1964 des extraits des Carnets intimes de Maurice Blondel sous le titre Attente du concile.

Sur la voie de la sainteté 

En 1971, l’Université de Louvain accueille ses archives, garantissant leur accessibilité aux chercheurs. Puis d’autres événements jalonnent la reconnaissance de son œuvre : réouverture du Séminaire Saint-Luc à Aix en 1983 dans sa filiation spirituelle, colloques internationaux, soutien du Saint-Siège par la voix de Paul VI, puis de Jean Paul II, qui reçoit à Rome les participants d’un colloque en 2000. Le cardinal Paul Poupard évoque explicitement la sainteté de Maurice Blondel lors des conférences de Carême à Notre-Dame de Paris en 2003.

Un long processus s’engage alors : consultations de cardinaux et évêques (2013), puis de théologiens et universitaires (2014), avec l'appui déterminant de Mgr Henrici. En 2015, Mgr Christophe Dufour, alors archevêque d’Aix, approuve une prière pour les fidèles et engage officiellement les démarches vers l’ouverture de la cause. Après un premier avis favorable de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi en 2016, un temps de discernement est respecté. En 2019, pour les 70 ans de la mort de Maurice Blondel, un nouveau colloque et une plaque commémorative dans sa paroisse viennent renforcer l’élan spirituel. La Conférence des Évêques de France se prononce alors, à une quasi-unanimité, en faveur de l’ouverture de la cause. Le 9 décembre 2024, un second nihil obstat officiel est publié par le Dicastère pour la cause des saints. Cette décision ouvre la voie à la cérémonie d’ouverture solennelle du procès de béatification, ce 4 juin 2025 à Aix-en-Provence.

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