separateurCreated with Sketch.

[REPORTAGE] Un après-midi sur la tombe de Carlo Acutis 

Recueillement à la tombe de Carlo Acutis

whatsappfacebooktwitter-xemailnative
Hugues Lefèvre - publié le 02/06/25
whatsappfacebooktwitter-xemailnative
Près d’un million de personnes sont venues voir le corps de Carlo Acutis exposé dans l’église Sainte-Marie-Majeure d’Assise durant l’année 2024. Le jeune italien devait être canonisé le 27 avril. Mais la disparition du pape François a ajourné cet évènement. Dans l’attente d’une nouvelle date, Aleteia est allé en reportage pour comprendre ce qui attire le monde entier au chevet du futur saint.

"C’est la troisième fois que je viens. Vu mon âge, c’était sans doute la dernière". Anna-Maria semble épuisée. À assise, sur le parvis de l’église Sainte-Marie Majeure balayée par un vent humide, cette Argentine octogénaire se remet doucement de ses retrouvailles avec Carlo Acutis. Durant un long moment, elle a confié ses douleurs devant la dépouille du jeune italien décédé en 2006. "C’est un garçon si près de Dieu. Il a fait des miracles", explique sobrement la dame au visage chargé d’émotions. Des miracles : c’est bien ce qu’elle est venue demander ici, sur cette colline d’Ombrie, à plus de 11.000 kilomètres de sa maison de Rosario. "Mon mari est atteint d’un cancer. Mais c’est ma fille qui me fait le plus de peine : elle n’arrive pas à avoir d’enfant", confie-t-elle. C’est pour elle qu’Anna-Maria a de nouveau franchi l’Atlantique pour prier le futur saint. "Dans mon pays, Carlo Acutis est très connu des jeunes. Pour la maladie de mon mari, une amie a fait venir à la maison des cheveux de Carlo. Nous avons prié devant cette relique", se souvient-elle.

Entrée de l'église Sainte-Marie-Majeure dans laquelle est exposé le corps de Carlo Acutis

Sur le parvis, non loin d’Anna-Maria, huit jeunes femmes en tenue sportive blanche ne passent pas inaperçues. Malgré la fraîcheur du printemps qui peine à s’installer en Italie, elles arborent toutes des tee-shirts moulants sur lesquels est imprimée une photo de Carlo Acutis. "Nous venons de Londres", glisse l’une d’entre elles tandis que ses sept autres consœurs l’appellent pour une photo devant un grand portrait du bienheureux. "J’aime beaucoup Carlo… Mais je suis là pour Jésus !", assure la Britannique qui coupe court à la conversation lorsqu’elle aperçoit un prêtre sortir de l’église. "Pouvez-vous bénir ces objets ?", demande-t-elle en présentant ses derniers achats floqués au visage de Carlo Acutis. Le prêtre s’exécute volontiers. Il est Américain et encadre un groupe de pèlerins californiens. "C’est un honneur que d’être ici", insiste le père Valentin. "Alors que l’Église en Occident est en perte de vitesse et que la sécularisation gagne le monde, nous venons nous inspirer de ce jeune modèle qui a eu une dévotion particulière pour l’eucharistie", poursuit le prêtre quadragénaire. Dans son regard jaillit une étincelle lorsqu’il évoque les succès récents des congrès eucharistiques aux États-Unis. "Carlo nous invite à nous reconnecter au Ciel", se réjouit-il. 

"Vous aurez l’impression qu’il est vivant"

À l’intérieur de l’église, le visiteur est frappé par le dénuement de ce lieu qui fut l’ancienne cathédrale d’Assise. Rebaptisée en 2016 "sanctuaire du dépouillement", l’église fait mémoire de la célèbre scène durant laquelle saint François s’est mis à nu devant son père en lui rendant ses vêtements. C’est ici que la dépouille de Carlo Acutis a été amenée en 2019. Un an plus tard, son tombeau a été ouvert sur le côté afin que les fidèles puissent vénérer le bienheureux à travers une vitre. Allongé dans ce bloc de pierre blonde qui semble suspendu entre la terre et le ciel, le jeune paraît dormir dans ses habits d’adolescent : des baskets Nike, un jean et un polo. 

Là, dans le bas-côté droit de l’église, l’atmosphère est recueillie malgré le flux incessant de personnes. Certains pèlerins se mettent à genoux et viennent coller sur la vitre froide une image, un chapelet, une intention. Des enfants interloqués tirent le bras de leurs parents pour entendre des explications. Des catholiques venus du bout du monde tentent de prendre une photo ; ils reçoivent en échange un regard consterné d’une brave religieuse chargée de faire respecter le lieu. À quelques centimètres de la tombe, une boîte recueillant les intentions de prière des fidèles se remplit peu à peu. 

Soudain, un groupe scolaire italien fait son entrée. Le silence, qui était de mise, vole en éclats. En passant devant la vitre, quelques jeunes semblent bousculés, d’autres esquissent des sourires gênés. "Moi, je ne regarde pas. Je m’en vais !", murmure une adolescente à sa camarade en détournant ostensiblement son regard du futur saint. Quelques minutes auparavant, avant de faire entrer son groupe dans l’église, l’encadrant avait pourtant préparé les élèves : "Quand vous passerez devant la tombe, vous verrez le corps d’un adolescent et vous aurez l’impression qu’il est vivant. Je vous le dis : ils ont mis un masque sur son visage".

"C’est un peu bizarre. On dirait une poupée", sourit un peu plus loin Eloi, 7 ans, venu de l’Oise avec ses parents et son petit frère. Christophe, son père, est heureux de montrer à ses deux fils un jeune contemporain "mort en odeur de sainteté". "Cela donne envie de mieux le connaître", promet le jeune Eloi. À son retour en France, le garçon ira sans doute relire la bande dessinée sur Carlo Acutis achetée par son père il y a quelque temps. 

La tombe de Carlo modifie les flux dans Assise

Les nuages menaçants caressent désormais la colline d’Assise, mais pèlerins et curieux continuent d’affluer à Sainte-Marie-Majeure. Près du porche, on entend des langues exotiques. Après une famille venue de Corée, c’est une famille indienne qui s’apprête à entrer. "Nous sommes venus à six pour l’Année Sainte et le Jubilé à Rome", explique Tom, père de famille au regard lumineux. Sa mère, Merry, a elle aussi les yeux qui pétillent. Serrant son petit-fils aîné contre elle, elle confie sans détour : "Je suis venu prier pour qu’il ressemble à Carlo Acutis". Au Kerala, où la famille habite, l’aura de l’adolescent milanais a été véhiculée par les Salésiens, explique Tom. 

Tom et sa famille indienne

"Ici au sanctuaire, nous ressentons une Pentecôte de langues", assure Marina Rosati, responsable de la communication du diocèse d’Assise. "Nous avons de plus en plus de Sud-Américains et d'Asiatiques, des Philippins, des Coréens, des Indiens", poursuit-elle. En tout, entre 2.000 et 3.000 personnes entreraient chaque jour dans cette église de la Spoliation. L’an passé, un million de visiteurs y seraient passés, et la canonisation de Carlo Acutis devrait renforcer le phénomène. Marina Rosati explique que les flux de pèlerins dans la ville ont été modifiés peu à peu après l’arrivée de la dépouille de Carlo. "Le sanctuaire est devenu une déviation obligatoire entre la basilique de Sainte Claire et celle de Saint François" observe la responsable. Quand on lui pose la question de savoir pourquoi tant de gens viennent prier devant Carlo Acutis, la réponse fuse : "Parce que c’est un saint de notre temps. C’est un saint normal !"

Recevez Aleteia chaque jour dans votre boite e−mail, c’est gratuit !

Vous aimez le contenu de Aleteia ?

Aidez-nous à couvrir les frais de production des articles que vous lisez, et soutenez la mission d’Aleteia !

Grâce à la déduction fiscale, vous pouvez soutenir le premier site internet catholique au monde tout en réduisant vos impôts. Profitez-en !

(avec déduction fiscale)