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Montini, encore et toujours

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Michel Cool - publié le 01/06/25
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Injustement oublié, le saint pape Paul VI a pourtant jeté les bases de l’Église catholique du XXIe siècle dont nous respirons l’air et vivons les rites et les usages aujourd’hui. L'écrivain Michel Cool, auteur de "Paul VI prophète" (Salvator), rend justice à ce pape timide et réservé qui fut pourtant l’auteur d’"innombrables premières fois".

La fête liturgique du pape Paul VI a lieu le 29 mai. Elle a coïncidé cette année avec la solennité de l’Ascension : une "fête de précepte". Cette expression évoque les jours où les catholiques doivent aller à la messe, en plus des dimanches. Au nombre de quatre en France (Noël, l’Assomption, la Toussaint et l’Ascension) elles sont reconnues par l’État comme fêtes légales et jours fériés. L’Ascension était très vénérée dès l’Antiquité chrétienne. Les coupoles des églises byzantines, comme par exemple à l’église Sainte-Sophie de Thessalonique, étaient recouvertes de mosaïques représentant la montée du Seigneur au ciel. Les premiers chrétiens voyaient dans cette disparition mystérieuse une attestation de la condition divine du Christ. Ils y lisaient aussi le sens de leur vocation pèlerine dans le monde : témoigner de la présence invisible de Jésus par leur style de vie et par leur courage apostolique. L’éclipse imposée à sa mémoire par la célébration de l’Ascension est au fond une parabole lumineuse sur la sainteté singulière incarnée par Paul VI : celle de la sainteté du don de soi par l’effacement personnel, devant autrui. Et en premier lieu, devant le Christ.

L’auteur d’innombrables premières fois

Effacé, Paul VI l’était au naturel. Sa personnalité introvertie et discrète n’était pas la clientèle rêvée par des médias plus aimantés par les voix de stentors et les démonstrations de force. Cette anomalie médiatique ne l’empêcha pourtant pas de surprendre les journalistes de son temps en étant le premier pape de l’histoire à sortir d’Italie, à voyager en avion sur les cinq continents et à faire des couvertures de Paris-Match parmi les meilleures ventes ! Malgré sa timidité et sa prudence légendaires, Montini, le missionnaire, fut l’auteur d’innombrables premières fois, ouvrant ainsi à ses successeurs la voie moderne d’une papauté itinérante, proche, pastorale et non plus pharaonique et inaccessible pour le commun des mortels. Effacé, Paul VI l’est aussi devenu de bien des mémoires actuelles. Sa canonisation en 2018 n’a pas suscité un élan de dévotion populaire. Dans les boutiques d’objets de piété religieuse, on trouve en ribambelle des images et des santons de Jean-Paul II, mais aucune de Paul VI.

La popularité n’aura pas été la rançon du "courageux timonier" du concile Vatican II comme l’avait appelé le pape François en le canonisant avec six autres bienheureux, dont l’évêque salvadorien Oscar Romero, apprécié de Montini. Une fois, en visite à Agnani en 1966, on avait vu ce pontife toujours maître de lui, fendre l’armure : aux fidèles qui l’écoutaient pieusement, il avait confié sa fragilité humaine, à lui qui était appelé à conduire la barque de Pierre dans le tourbillon de l’histoire et des critiques. Les conservateurs et les progressistes s’en donnaient alors à cœur joie dans l’enceinte du concile et en dehors. Paul VI avait alors "craqué" en lançant cette supplique à son auditoire : Amate il papa ! - "Aimez le pape !" Pourtant le peuple catholique dans son ensemble continue d’ignorer ce pape qui s’avançait les bras ouverts vers les foules en leur disant "je suis un homme comme vous". Il ne sait toujours pas combien de fois cet homme a vibré comme un sismographe aux joies et aux afflictions de ses contemporains. Le peuple ne sait pas non plus qu’il doit à ce pape, dont la vaste intelligence pouvait lui sembler intimidante et lointaine, la réhabilitation éloquente de la piété populaire dans l’exhortation apostolique Evangelii nuntiandi. Or en 1975, il était de bon ton, dans certaines élites laïques et cléricales, de se gargariser de modernité et d’intelligence, en caricaturant et en piétinant comme du vulgaire fretin, le rosaire, les pèlerinages et le culte des saints…

Les bases de l’Église catholique du XXIe siècle

Effacé, Paul VI l’est particulièrement du logiciel de toute une jeunesse catholique. Que lui a-t-on dit de lui ? Qu’il était responsable du vidage des églises ? Qu’il avait bradé la sainte messe ? Qu’il avait "protestantisé" l’Église catholique ? Cette désinformation, et pour être précis, cette déformation orientée de l’histoire ecclésiale contemporaine ont certainement favorisé cette oblitération d’un pontificat au demeurant capital, car il a jeté les bases de l’Église catholique du XXIe siècle dont nous respirons l’air et vivons les rites et les usages actuellement. Mais cette amnésie est probablement aussi causée par la rupture de transmission intergénérationnelle qui s’est opérée chez les catholiques à la fin des années soixante-dix. Elle correspond au déclin de l’Action catholique et à la fin d’un prototype d’engagement chrétien dans la cité. À cela, il faut ajouter le long pontificat "grandiose" et en mondovision de Jean-Paul II qui a contribué à remiser Montini, et d’une certaine manière toute l’expérience conciliaire, pourtant si riche sur les plans humains et spirituels, tout au fond du placard. Paul VI, auteur de textes visionnaires, profonds et stimulants, inaugurant l’ère nouvelle d’une évangélisation plus explicite, plus exigeante, plus amicale et dialoguante aussi, est devenu le grand inconnu de toute une jeunesse qui cherche à tâtons comment retrouver l’enthousiasme missionnaire des origines dans un monde dépressif et rattrapé au collet par le tragique de l’histoire. Quel paradoxe ! Et quel gâchis !

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