Dans toute l’Europe, les grands prédicateurs du Moyen Âge prêchent en plein air sur les places publiques des bourgs qu’ils traversent. Roger Grand est l’historien incontournable du sujet. Nous lui empruntons des éléments de son article paru en 1924 dans le Bulletin Monumental.
Au XVe siècle, les chaires fixes n’existent pas encore à l’intérieur des églises. Les prêtres prêchent depuis l’ambon ou le jubé accessible par un escalier. Protégé à mi-corps par une balustrade, le prédicateur domine ainsi son auditoire. Après le Concile de Trente et la destruction massive des jubés, les chaires à prêcher prennent place dans les nefs.
Où voir des chaires en dehors des églises ?
Victor Hugo a décrit la belle chaire à prêcher extérieure de la cathédrale Notre-Dame de Saint-Lô (Manche). Placée sur l’abside côté nord, elle date du XVe siècle. La cuve est polygonale. Un dais sculpté joue le rôle d’abat-voix. Mais les chaires extérieures attenantes aux églises sont essentiellement situées en Bretagne. La façade sud de l’église Notre-Dame de Vitré (Ille-et-Vilaine), construite entre 1480 et 1540 présente sept pignons séparés par des contreforts dont l’un s’orne d’une chaire à prêcher. Histoire dit-on de s’opposer publiquement aux calvinistes…
En Loire-Atlantique, à Guérande et à Nantes, la chaire donne aussi sur une place publique. La chaire extérieure la plus touchante est sans doute celle de l’église du Guerno (Morbihan) placée en 1575 contre la façade sud, avec des bancs dont deux stalles rustiques. En effet, Le Guerno possède un morceau de la vraie croix qui attirait de nombreux pèlerins le Vendredi Saint pour l’office de la Passion. La chaire de la chapelle-ossuaire de Guimiliau (Finistère) lui ressemble.
On distingue ensuite un bon nombre de chaires-calvaires, appelés aussi calvaires-prêchoirs, dans les cimetières. La chaire-calvaire de Pleubian (Côtes-d’Armor), du XVe siècle, est particulièrement élégante. Face à l’église, un escalier mène à la chaire au centre de laquelle s’élève un calvaire. On peut citer celles de Runan (Côtes-d’Armor), de la Forêt-Fouesnant et de Plougasnou (Finistère). Enfin, les lieux de pèlerinage importants se dotent de chaires à prêcher accessibles par une scala sancta (escalier saint) à double rampe d’escalier comme au sanctuaire marial de Quelven au Guern et à Sainte-Anne-d’Auray (Morbihan).
Pourquoi ces chaires extérieures ?
Ce n’est pas toujours le manque de place à l’intérieur de l’église qui justifie ces chaires extérieures en Bretagne. Ni le beau temps ! Elles illustrent plutôt cette tradition des grands rassemblements de fidèles dans les cimetières autour de l’église (les vivants en communion avec leurs défunts), lors des prédications de mission, pèlerinages, fêtes votives, pardons, processions, mystères… Portails monumentaux des cimetières, enclos paroissiaux, calvaires, ossuaires, autels, croix, tout se situe en extérieur. On y a vu une réminiscence des cultes celtiques qui avaient toujours lieu en pleine nature.