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[HOMÉLIE] Comme le Christ à l’Ascension, tous appelés “à la droite du Père”

Ascension-Christ

L'Ascension du Christ.

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Jean-Thomas de Beauregard - publié le 28/05/25
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Religieux dominicain du couvent de Bordeaux, le frère Jean-Thomas de Beauregard commente les lectures de la solennité de l’Ascension. L’Ascension, ce n’est pas seulement le Christ qui monte vers le Ciel, c’est aussi le Christ qui prend place "à la droite du Père". Là, Jésus accomplit pleinement son sacerdoce pour notre salut, là nous sommes tous appelés à partager la gloire de Dieu.

Dans l’épître aux Hébreux, Jésus est présenté, "après avoir offert pour les péchés un unique sacrifice", après son Ascension, comme "assis pour toujours à la droite de Dieu", où "il attend désormais que ses ennemis soient mis sous ses pieds" (Hb 10, 12-13). C’est précisément le passage de l’épître aux Hébreux qui manque dans la sélection opérée pour la liturgie de l’Ascension. Et c’est dommage ! Pourquoi ?

Rechercher les choses d’en haut

Lors de la solennité de l’Ascension, on s’intéresse souvent plutôt au mouvement du Christ vers le Ciel, ce "chemin nouveau et vivant qu’il a inauguré en franchissant le rideau du Sanctuaire", que Jésus nous invite à emprunter à sa suite. L’Ascension est alors un mystère ecclésial et eschatologique plus encore que christologique, ce qui est évidemment vrai ! Il s’agit pour nous "de suivre de cœur le Christ là où nous croyons qu’il est monté avec son corps", comme le souligne saint Grégoire le Grand. C’est un rappel que "pour nous, notre cité se trouve dans les cieux" (Ph 3, 20), et qu’il nous faut donc "rechercher les choses d’en-haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu ; songer aux choses d’en-haut, non à celles de la terre" (Col 3, 1-2) tout en n’oubliant pas l’avertissement des deux anges : "Pourquoi restez-vous là à regarder le ciel ?" (Ac 1, 11) qui nous invite à faire fructifier le don de l’Esprit saint à venir en mission d’évangélisation pour le monde entier.

L’Ascension est aussi un enseignement sur la continuité entre l’individualité terrestre et l’individualité céleste : c’est un seul et même homme, en sa corporéité, qui a vécu sur la terre et qui vit ressuscité dans la gloire du ciel. La manifestation visible que c’est un seul et même Christ qui a vécu, est mort, est ressuscité, et monté visiblement au Ciel nous permet de le comprendre pour nous-mêmes : la résurrection n’est pas une re-création, le remplacement d’un être par un autre. C’est la même personne, âme et corps, car Dieu veut sauver toute notre personne, unique et singulière, et non pas peupler le Ciel d’ersatz, de clones ou de remplaçants qui viendraient faire nombre au Ciel pour pallier notre disparition à la mort.

À la droite du Père

Le mouvement du Christ-Tête vers le Ciel, et des membres de son corps mystique que sont les baptisés à sa suite, notre citoyenneté céleste, l’évangélisation de tous grâce au feu de l’Esprit saint répandu sur la terre, la résurrection de l’âme et du corps de chacun dans son individualité personnelle, c’est très important. Mais le résultat de ce mouvement, en la personne du Christ, est alors un peu négligé.

Quel résultat ? Après être monté, Jésus prend place à la droite du Père. Cette session du Fils à la droite du Père, c’est un article du Credo ! Et pourtant, on ne prêche quasiment jamais dessus, peut-être parce qu’il n’y a pas de fête dédiée, la plus proche étant précisément l’Ascension. La prédication apostolique la plus primitive tenait la session du Christ à la droite de Dieu pour une vérité de foi évidente et centrale dans la foi chrétienne. Il est d’autant plus surprenant de voir combien elle semble s’être effacée de nos consciences chrétiennes aujourd’hui.

La gloire et l’honneur de la divinité

Peut-être faut-il y voir une résistance des esprits forts qui se gaussent d’une imagerie apparemment grossière et enfantine, sans voir toutes les résonances bibliques de cette image qui est tout sauf stupide et régressive. Les partisans d’une démythologisation de l’Écriture Sainte se croient scientifiques et intelligents en écartant les images et ce schème spatial si apparemment simpliste. Les Pères de l’Église n’avaient pourtant pas attendu la science moderne pour conclure avec saint Jean Damascène, au VIIIe siècle :

Nous tenons que le Christ s’est assis à la droite de Dieu le Père corporellement, mais nous ne tenons pas la droite du Père pour localisable. Comment ce que l’on ne peut cerner aurait-il une droite localisable ? La droite et la gauche sont des choses délimitées. Par droite du Père nous entendons la gloire et l’honneur de la divinité, où celui qui existait comme Fils de Dieu avant tous les siècles comme Dieu et consubstantiel au Père, s’est assis corporellement après qu’il s’est incarné et que sa chair a été glorifiée ; il est adoré d’une même adoration avec sa chair par toute créature (De fide orthodoxa).

On le voit, les modernes qui croient triompher de l’obscurantisme en démythologisant l’Écriture sont seulement ignorants, victimes de cette "énorme bêtise, la bêtise au front de taureau" que Baudelaire moque précisément lorsqu’il s’accuse, avec ses contemporains d’avoir "blasphémé Jésus, des Dieux le plus incontestable" (L’Examen de minuit, dans Les Fleurs du mal). Ignorants, et en retard de plusieurs siècles…

La puissance du Médiateur

Car au-delà même de la littéralité de l’image, la session de Jésus à la droite du Père réfère à un événement réel dont toute la Bible se fait l’écho. Le plus souvent, les auteurs du Nouveau Testament qui parlent du Christ ressuscité siégeant à la droite du Père reprennent implicitement ou explicitement le psaume 109, que nous chantons aux vêpres du dimanche soir. L’idée sous-jacente est celle d’une proximité privilégiée avec Dieu, d’une vie commune avec lui, d’une participation à son pouvoir et à son règne : "Oracle du Seigneur à mon Seigneur : “Siège à ma droite” ; tes ennemis, j’en ferai ton marchepied" (Ps 109, 1).

L’Ascension, et la session de Jésus à la droite du Père, c’est donc la manifestation d’une exaltation, d’une seigneurie, et aussi d’un jugement, le tout lié au sacerdoce comme l’auteur de l’épître aux Hébreux l’a bien compris. Ce sacerdoce du Christ exercé selon une proximité inouïe avec le Père, qu’aucune limite terrestre ne peut désormais entraver, permet au Fils d’intercéder plus efficacement que jamais en faveur des hommes. Au Ciel, Jésus est assis, certes, mais pas allongé ni alangui ; il siège, car alors il accomplit plus efficacement que jamais sa mission de Médiateur pour notre salut, en nous communiquant sans cesse son Esprit saint.

Une royauté à l’égal de Dieu

Pour les auteurs du Nouveau Testament, cela semble être un aspect important et assez familier de la Révélation concernant le Christ ressuscité, puisqu’on le retrouve en divers lieux sans qu’on prenne la peine de l’expliquer : les Évangiles de Marc et de Matthieu, la 1er épître de Pierre, l’épître aux Hébreux, les épîtres aux Romains, aux Colossiens, aux Éphésiens, en tout une vingtaine d’attestations. Sans compter l’Apocalypse qui nous entretient de "l’Agneau qui se tient au milieu du trône" et qui se révèle paradoxalement comme le "pasteur pour nous conduire aux sources de la vie" (Ap 7, 17).

La session du Christ à la droite du Père permet aussi de préciser quelque chose de la divinité du Christ et de sa distinction d’avec le Père. Aux premiers siècles de l’Église, l’hérésie subordinatianiste menaçait en effet : certains, comme Marcel d’Ancyre, prenaient prétexte d’un passage de la 1er épître aux Corinthiens où il est dit du Christ qu’à la fin du temps il remettra sa royauté à son Père (1 Co 15, 24-28), pour en inférer une infériorité du Fils et le caractère provisoire du règne du Fils. Mais si le Christ siège à la droite du Père pour l’éternité, alors sa royauté n’a pas de fin et il lui est égal, quoique distinct selon la personne.

Tous appelés au privilège du Christ

En quoi ce privilège exclusif du Christ nous concerne-t-il ? Mais parce que nous sommes appelés à y participer de manière analogue : gloire de la divinité, béatitude du Père, dignité royale, résurrection corporelle, tout cela nous est promis comme fils dans le Fils. Il n’y a guère que le pouvoir judiciaire auquel nous ne participons pas à titre personnel mais que l’Église possède comme corps de manière dérivée. Être à la droite de la droite, en politique, c’est un peu connoté… En religion, et dans la foi catholique, c’est notre vocation à tous !

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