Les députés ont voté ce 27 mai la proposition de loi portée par Olivier Falorni instaurant un "droit à l’aide à mourir" en France. Si le texte n’en est qu’au début de la navette parlementaire – et doit donc être examiné par le Sénat une première fois avant de revenir à l’Assemblée nationale – la rédaction de plusieurs articles laisse craindre des difficultés dans leur interprétation si cette loi devait entrer en vigueur en l'état.
Une affection grave en "phase avancée"
Cinq critères cumulatifs ont été arrêtés lors des débats : être âgé d’au moins 18 ans, être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France, être atteint d’une "affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale", présenter une "souffrance physique ou psychologique" liée à cette affection, qui est "soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsque celle‑ci a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement" et être apte à manifester sa volonté "de façon libre et éclairée".
La ministre de la Santé Catherine Vautrin a défendu un amendement afin de préciser ce qu’est la phase "avancée" en s’appuyant sur l’avis rendu récemment pas la Haute autorité de santé qui estimait qu’aucun critère temporel ne pouvait être établi, mais précisait le caractère "irréversible" de l’état de santé du patient. Aux critères temporels, sont préférés des "critères qualitatifs, sur la qualité de vie qu’il reste à vivre", a abondé le rapporteur Olivier Falorni. En d’autres termes, quelqu’un a qui il resterait encore plusieurs années à vivre serait éligible à l’aide à mourir.
Une volonté libre et éclairée ?
Les débats autour du dernier critère, "être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée" ont eux aussi été particulièrement vifs. Que signifie donc "une volonté libre et éclairée" ? Face à une définition – volontairement ? – floue, certains députés de droite, du centre ou de gauche ont proposé des amendements de simple prudence excluant les personnes atteintes de déficience intellectuelle ou de patients sous tutelle ou sous curatelle. Ils ont tous été rejetés.
La personne dont le discernement est "gravement altéré" lors de la démarche de demande d’ "aide à mourir" ne pourra pas être regardée comme manifestant une volonté libre et éclairée. L’évaluation de l’altération du discernement sera à la charge du médecin seul. Il n’est pas précisé sur quelles bases qualifier le discernement, le cas échéant, de "gravement altéré" ou "simplement" altéré.
Une exception d’euthanasie très large ?
Le gouvernement a souhaité rétablir l’euthanasie comme une exception lorsque la personne "n’est pas en mesure physiquement" de s’administrer une substance létale. L'auto-administration est la règle, et l'administration par le médecin ou l'infirmier accompagnant l'exception, lorsque le patient "n'est pas en mesure physiquement d'y procéder".
Là encore, que signifie exactement "n'est pas en mesure physiquement d'y procéder" ? Le stress pourra-t-il relever de cette disposition ? Lors des débats, les députés n’ont pas exclu cette possibilité.
Un délit d’entrave trop sévère ?
Une personne qui se rendrait coupable d’"entrave au droit à l’aide à mourir" sera passible d’une peine de deux ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende. Des sanctions qui ont été doublées en séance publique avec l’adoption d’un amendement pour lequel la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, a rendu… un "avis de sagesse". Des soignants s’opposant à l’aide à mourir pourraient ainsi se retrouver en prison ? À l’inverse, les amendements demandant la création d’un délit d’incitation à l’aide à mourir ont tous été rejetés.
