Les députés ont achevé samedi 24 mai l'examen de la proposition de loi relative au "droit à l'aide à mourir", qui permettra aux personnes le souhaitant d'avoir recours au suicide assisté ou à l'euthanasie. Ce texte, ainsi que celui portant sur l'amélioration de l'offre de soins palliatifs, plus consensuel, fera donc l'objet d'un vote solennel mardi 27 mai avant d'être transmis au Sénat.
Le texte actuel prévoit donc un "droit à l'aide à mourir", expression idéologiquement feutrée qui "consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale, dans les conditions et selon les modalités prévues". Exit, la notion d'ultime recours : en devenant un droit émanant du code de la sante publique, l'Etat devient donc garant et redevable de sa bonne application. La méthode privilégiée sera celle de l'auto administration de la substance létale. La règle est donc le suicide assisté. Le cas où un personnel soignant devra intervenir (euthanasie) n'est prévu que si le malade n'est pas en mesure de procéder lui-même à cette manipulation. Pendant huit jours de débat dans l'hémicycle, les députés ont procédé à l'examen des articles qui composent le texte sur "l'aide à mourir". Au total, près de 2.600 amendements ont été déposés et débattus. Nombre d'entre eux instauraient des garde-fous supplémentaires à la pratique de l'euthanasie et du suicide assisté, peu ont été retenus.
Cinq conditions cumulatives devront donc être réunies pour avoir accès à ce "droit". Ainsi, sera éligible à l'aide à mourir toute personne majeure, de nationalité française. Le patient devra ensuite être atteint "d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause" qui "engage le pronostic vital, en phase avancée" ou "terminale". Il devra également présenter "une souffrance physique ou psychologique constante" liée à cette affection. La seule souffrance psychologique n'est pas acceptée. Le patient devra enfin pouvoir manifester son consentement libre et éclairé à recevoir la substance létale. Le caractère flou de certaines conditions n'a pas empêché leur adoption. Pour ce dernier critère, les amendements excluant les personnes atteintes de déficience intellectuelle ou de patients sous tutelle ou sous curatelle ont ainsi été rejetés. Même incertitude sur la notion de "phase avancée" finalement définie par la Haute autorité de santé (HAS) comme "l'entrée dans un processus irréversible marqué par l'aggravation de l'état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie". Laquelle a reconnu début mai qu'il "n'existe pas de consensus médical sur la définition du pronostic vital engagé « à moyen terme », ni sur la notion de « phase avancée » lorsqu’elles sont envisagées dans une approche individuelle."
Délit d'incitation non, délit d'entrave oui
Le nombre de personnes susceptibles de pouvoir remplir ces critères est donc conséquent. Car la loi telle qu'elle est prévue ne concernera pas seulement les personnes n'ayant plus que quelques jours ou quelques semaines à vivre. Comme l'ont alerté plusieurs députés pendant les séances, certains patients pourront être éligibles malgré plusieurs années à vivre devant eux. Selon le docteur Claire Fourcade, médecin dans une unité de soins palliatifs et présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap), ce sont a minima un million de personnes qui seraient éligibles à l'euthanasie. Si le texte prévoit bien une clause de conscience, un amendement glaçant sur le "délit d'entrave" a été adopté : ceux qui s’opposeraient à une euthanasie ou à un suicide assisté en dissuadant une personne pourraient être condamnés à deux ans de prison et 30.000 euros d'amende. En revanche, le délit d'incitation n'a, lui, pas été retenu.
Devant la rupture que représente un tel texte, le mouvement "Les Veilleurs" organisera une mobilisation pacifique le jour du vote à l'Assemblée nationale, mardi 27 mai, place de la Concorde. "Dans le contexte du vote sur le projet de loi relatif à la fin de vie, nous souhaitons offrir un espace de réflexion et de témoignages pour dire notre attachement à la dignité humaine et au soutien aux plus fragiles", expliquent les organisateurs sur les réseaux sociaux. Les évêques d'Île de France ont quant à eux adressé leurs inquiétudes aux parlementaires dans une lettre ouverte publiée ce lundi : "Nous ne pouvons pas, sans réagir, laisser dire que l’espérance réside dans ce que l’on veut appeler un progrès, celui prétendu d’une mort douce et choisie", alertent les évêques qui rappellent que "nous ne sommes pas seuls, nous croyants, nous catholiques, à dire haut et fort notre opposition la plus vive et la plus fondamentale à l’euthanasie et au suicide assisté." "Comment notre société va-t-elle gérer toutes ces contradictions, ces contre-vérités, ces faux-semblants d’humanisme, sinon en n’appelant plus les choses par leur nom ? Ne serait-ce pas le goût de vivre qui aurait disparu ? Ne serait-ce pas l’espérance que l’on voudrait cacher ?", interrogent encore les évêques.
Une fois votés par l'Assemblée nationale, les deux textes sur la fin de vie seront transmis au Sénat, qui les inscrira à son ordre du jour pour examen. Après un passage en commission des affaires sociales, l'examen des textes aura lieu en séance publique. Aucune date n’a encore été fixée. Il pourrait avoir lieu au cours de l’été ou à la rentrée 2025.