Présents depuis les origines du christianisme, les chrétiens d’Orient traversent aujourd’hui une période de profondes incertitudes. Entre pressions politiques, conflits régionaux et exils forcés, leur avenir semble suspendu à de fragiles équilibres. Pourtant, leur rôle est central : porteurs d’un message de paix, bâtisseurs d’écoles, d’hôpitaux, de liens sociaux. À l’occasion de la Journée des chrétiens d’Orient, célébrée le 25 mai, Mgr Pascal Gollnisch, directeur de l’Œuvre d’Orient, dresse un état des lieux sans détour — lucide mais habité.
Aleteia : La situation des chrétiens d’Orient s’est-elle améliorée ces dernières années ?
Mgr Pascal Gollnisch : C’est une question compliquée et la réponse l’est tout autant. Ces deux dernières années, on constate que les choses se sont débloquées au Liban : on a pu procéder à l’élection d’un président maronite avec un gouvernement multiconfessionnel sans membre du Hezbollah. Cela est de nature à permettre au Liban une progression dont les chrétiens seront les acteurs et les bénéficiaires. En Syrie, le nouveau régime a un passé islamiste. Mais nous considérons qu’il faut faire tout le possible pour donner à la Syrie une chance de redécoller, car la population est laminée par les difficultés de la vie. Des sanctions économiques ont été levées contre la Syrie par les États-Unis et l’Union européenne. Nous essayons à notre échelle de faire évoluer les choses dans le bon sens. Si c’est le cas, les chrétiens seront bénéficiaires de cette situation. C’est pour cela que j’ai demandé au président intérimaire de Syrie il y a quelques jours de rendre les 30 églises catholiques confisquées par le père de Bachar al-Assad. En Égypte, les chrétiens peuvent vraiment développer leurs lieux de culte, avec une certaine bienveillance des autorités.
Il y a une meilleure connaissance des chrétiens d’Orient. Mais il reste encore tellement à faire !
Mais la situation ne s’est pas non plus améliorée pour l’ensemble des chrétiens d’Orient…
Malheureusement, en Terre sainte, la situation des chrétiens palestiniens se dégrade. Cela va de soi à Gaza, mais aussi en Cisjordanie, et d’une certaine manière à Jérusalem. Dans les autres pays, les chrétiens vivent les difficultés que vivent tous les autres habitants. Les chrétiens partent, mais les autres aussi aujourd’hui. Mais comme les chrétiens sont une minorité, tout départ est une fragilisation. Le départ d’un chrétien fragilise cette communauté.
Est-ce aussi une question de médiatisation ?
Il y a une meilleure connaissance des chrétiens d’Orient. Mais il reste encore tellement à faire ! Beaucoup de Français sont très ignorants de ce qu’est le christianisme, le catholicisme en France. Alors, les chrétiens d’Orient sont encore plus étranges pour eux… Mais oui, la connaissance progresse, y compris dans le sentiment d’une proximité entre nous, Français, et ces chrétiens d’Orient. Entendons-nous bien : pas au sens d’un protectionnisme ou d’une défense identitaire, mais des liens se sont renforcés entre les chrétiens d’Orient et la France : j’en veux pour preuve les voyages récents de la Conférence des évêques et de l’archevêque de Paris au Liban, en Irak, en Égypte, en Éthiopie. Intérêt des évêques de France pour l’Orient chrétien et attachement affectif fort des chrétiens. D’autres évêques vont suivre.
L’action de l’Évangile est leur mission et leur force. C’est ce qui les fait reconnaître dans les sociétés du Moyen-Orient.
Pourquoi est-il si important de maintenir une présence chrétienne dans ces pays ?
Tout d’abord parce qu’ils sont chez eux ! Il ne s’agit pas de les maintenir artificiellement, mais de pérenniser une réalité historique. Ensuite les chrétiens discutent avec tous : les sunnites, les chiites, les druzes. Leur présence a du sens en raison de l’Évangile. Ils mettent l’Évangile en action dans les écoles, les collèges, les lycées, les universités, les hôpitaux, les dispensaires. Sont reçus dans ces établissements des chrétiens et des musulmans indistinctement, et tout le monde le sait. Il y a aussi l’accueil des malades porteuses d’un handicap mental. Les chrétiens sont pionniers dans l’accompagnement des personnes porteuses de handicap mental, des vieillards, des plus pauvres. L’action de l’Évangile est leur mission et leur force. C’est ce qui les fait reconnaître dans les sociétés du Moyen-Orient. Les chrétiens ont aussi une parole sociale de vérité essentielle dans ces sociétés. Quand Mgr Sako, à Bagdad, prend la parole pour défendre les libertés fondamentales en Irak, il ne fait pas de la défense identitaire des chrétiens, mais il parle pour tous. Ce qui est important, c’est que cette parole soit vraie. Aujourd’hui, ces chrétiens ont les valeurs et les paroles sur lesquelles les sociétés du Moyen-Orient pourront se construire à l’avenir. La place des chrétiens d’Orient dans ces sociétés n’est pas une question de nombre mais de vérité dans la vie sociale. Quand ils demandent l’indépendance du judiciaire, militent pour la fin de la corruption… ils parlent pour le bien de toute la société ! Attention, de notre côté en Occident à ne pas "tenir les comptes" de leur présence : la vérité chrétienne ne se développe pas à coups d’augmentation des effectifs, mais par la pertinence de la parole.
