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Léon XIV et la grâce des larmes

Pope Leo XIV leads a Holy Mass for the Beginning of his Pontificate, in St Peter's square in The Vatican on May 18, 2025.

Le cardinal Tagle remettant l'anneau du pêcheur à Léon XIV le 18 mai 2025.

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Cyprien Viet - publié le 23/05/25
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Les premiers pas de Léon XIV ont été marqués par plusieurs moments dans lesquels il a laissé affleurer son émotion. Une sensibilité assumée qui donne un ton particulier à son début de pontificat, et qui s’inscrit dans sa filiation augustinienne.

Les images de la messe d’ouverture du pontificat de Léon XIV ont fait le tour du monde, et notamment la séquence lors de laquelle il a reçu l’anneau du pêcheur de la main du cardinal Tagle, lui aussi connu pour sa très grande émotivité. En observant cet anneau représentant sa mission de successeur de Pierre qui fut “pêcheur d’hommes”, le nouveau pape, dont les yeux sont soudainement devenus humides, a semblé frappé par ce symbole le reliant à deux millénaires d’Histoire.

Homme au caractère réservé, rationnel et méthodique - son côté “prof de maths”, comme le remarque un évêque français qui le connaît bien et qui a reçu la même formation scientifique -, le pontife américano-péruvien est pourtant loin d'être un homme froid et dépourvu de sensibilité. Lors de sa première apparition à la loggia de la basilique Saint-Pierre, le monde a découvert le visage du nouveau pape, saisi de quelques rictus nerveux, comme s’il se retenait de pleurer devant le poids de la mission qui lui incombait et ce vertige très concret qu’il pouvait ressentir devant cette place Saint-Pierre remplie d’une foule criant son nom : “Leone ! Leone !”.

Un disciple de saint Augustin, “docteur des larmes”

Quelques secondes plus tard, dès sa première prise de parole, le nouveau pape se présentait comme "un fils de saint Augustin", en référence à la congrégation dont il est issu et dont il fut le prieur général durant 12 ans. C’est autant par son émotivité que par son érudition que Léon XIV assume la filiation de ce Père de l'Église qui fut de 395 à 430 l'évêque d’Hippone, l’actuelle Annaba en Algérie. Saint Augustin est en effet parfois qualifié de "docteur des larmes", tant cette thématique irrigue toute sa spiritualité. "Dès que ma profonde méditation eut tiré du fond de ses retraites toute ma misère, et l’eut entassé sous les regards de mon cœur, il se leva une grosse tempête, chargée d’une grosse pluie de larmes", écrit-il ainsi dans le récit de sa conversion.

Dans ses Confessions, saint Augustin explique que son mouvement vers la foi chrétienne fut directement lié aux larmes de sa mère, sainte Monique, qui a prié en pleurant durant plusieurs années pour que son fils se convertisse. "Ses pleurs coulaient plus abondants que les pleurs versés par les mères sur le corps d’un défunt. Car elle voyait bien que j’étais mort", écrit-il.

Et dans son cheminement intellectuel et spirituel, Augustin voit dans les larmes une ligne de démarcation entre le christianisme et la philosophie païenne. La pensée de Platon, bien que stimulante pour l’intellect, passe en effet à côté de la sensibilité et de l'intelligence du cœur : "Elles ne contiennent point, ces pages-là, le visage de cette piété, les larmes de la confession, ‘l’âme broyée de douleur, le cœur contrit et humilié’", écrit saint Augustin en citant le Psaume 50.

Une continuité avec François

Cette filiation augustinienne ouvre donc la voie à un pontificat laissant une place aux émotions, ce qui représente un axe de continuité entre Léon XIV et François. "La grâce des larmes" fut un thème souvent abordé par le pape François lors de ses homélies, inspirée par la tradition jésuite : durant la première semaine des Exercices spirituels, saint Ignace de Loyola invite en effet les retraitants à “pleurer abondamment sur leur péché”.

On sait que Paul VI pleura de tristesse face à la crise traversée par l’Église dans les soubresauts de l’après-Concile, et que Jean Paul II pleura d’émotion durant certains voyages, notamment dans sa Pologne natale. Les larmes de François et de Léon XIV se rejoignent en traçant le chemin d’une papauté à échelle humaine, saisissant les mouvements de l'âme comme un espace de rencontre avec Dieu. Homme à la fois sportif et intellectuel dont le monde découvre progressivement le charisme, Léon XIV réconcilie “la tête et les jambes”, mais à travers ses larmes, il laisse aussi la place à un magistère du cœur.

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