Sous les voûtes de Notre-Dame de Paris monte un chant à la portée toute symbolique : « Venez, les bénis de mon Père, recevez le royaume de Dieu, ce que vous avez fait aux plus petits, c’est à moi que vous l’avez fait, soyez serviteurs de la Vie ». Cette seizième édition de la veillée pour la vie, ce mercredi 21 mai, revêt une signification particulière, alors que se profile l’adoption de la loi sur la fin de vie dans les prochains jours. Les députés, qui ont déjà approuvé l’article-clé établissant les cinq conditions d’accès à « l’aide active à mourir » devront se prononcer le 27 mai prochain en première lecture sur les deux propositions de loi, l’une sur les soins palliatifs, l’autre sur un « droit à l’aide à mourir ».
Un peu plus tôt, avant le début de la veillée, Mgr Rougé et Mgr Tois alertaient sur la gravité de ce second texte devant les portes de Notre-Dame où se pressaient déjà de nombreux fidèles. « C’est une proposition de loi faussement généreuse, qui crée une situation extrêmement difficile à tenir d’un point de vue juridique, moral et humain, et qui ouvre la voie à de nombreux dangers », déclarent-ils, rappelant que les évêques d’Île-de-France et leurs fidèles se rassemblent déjà depuis de nombreuses années pour prier pour la vie depuis son début jusqu’à sa fin naturelle. La mobilisation spirituelle complète la mobilisation citoyenne, affirme Mgr Rougé qui incite les catholiques à écrire à leur député « pour que les cœurs s’ouvrent au mystère de la vie ».
L’être humain n’est rien d’autre qu’une petite cathédrale à construire.
« Face aux inquiétudes qui nous envahissent, nous exprimons le besoin de se tourner vers le Seigneur pour que la raison s’impose, et que la vie soit entretenue par des efforts de charité », déclare Mgr Ulrich face aux 2.000 fidèles rassemblés devant lui dans la grande nef de la cathédrale. Lieu lui aussi ô combien symbolique, rappelle Mgr Rougé, pour qui « l’incendie et la renaissance de Notre-Dame de Paris sont plus que jamais une parabole à contempler ». Notre-Dame, témoigne François Asselin, dirigeant de la société Asselin ayant travaillé sur la charpente de la flèche, « est un signe de fraternité et d’espérance, témoin d’une volonté farouche de reconstruction. Elle a montré que l’intelligence collective peut donner un chef-d’œuvre : c’est la même chose avec l’être humain, qui n’est rien d’autre qu’une petite cathédrale à construire ».
« La mort n’est pas un soin »
Les témoignages se succèdent, comme celui d’Anne, mère de trois enfants dont Louis-Marie, son « correspondant au Ciel », emporté par une maladie neurodégénérative. Son pronostic vital n’était que de quelques mois, pourtant, Louis Marie est resté avec les siens jusqu’à 22 ans. Au milieu de la maladie, de la mort, « le miracle, c’est la joie, qui transforme toute souffrance en réconfort », affirme Anne. Une souffrance qu’il est souvent difficile d’accepter, mais qui ne peut trouver de solution dans la fausse perspective de la mort donnée comme un soin, avertit Mgr Ulrich, qui dénonce avec force le dévoiement des mots de la proposition de loi sur la fin de vie. « Appeler mort naturelle celle qui résultera d’un geste volontaire, appeler aide fraternelle le geste qui tue, invoquer un droit à mourir alors que la mort est un fait inéluctable, désigner une période comme ‘fin de vie’ sur des critères impossibles à définir, ajouter un délit d’entrave à ce droit à mourir (…) » ne résoudra pas le véritable problème de fond qui agite la société : la peur de la mort. « Oui notre société est inquiète, mais elle ne peut résoudre son inquiétude en s’offrant cette fausse perspective de la mort comme soin, qui touchera les plus fragiles de notre société, persuadés que leurs vies ne valent rien ».

Que reste-t-il alors ? Se mobiliser, en écrivant aux élus, comme l’incitent à le faire Mgr Rougé et Mgr Tois, mais aussi ne pas négliger la force de la prière. Marie-Alix et Olivier, 26 ans, sont venus spécialement ce soir afin de « prier pour les députés qui voteront à l’Assemblée nationale », mais aussi pour « porter les malades et toutes les personnes qui vont être concernées directement par cette loi ». Pour ces jeunes gens, les catholiques ont plus que jamais une voix forte à faire entendre au milieu d’un débat à vif. « Par la prière et par nos actions, nous avons le devoir d’apporter la lumière dans cette actualité chaotique. Chaque vie compte, et c’est à nous de le faire savoir ».
Un peu plus loin, E., 31 ans, a vu impuissante sa mère demander l’euthanasie en Belgique. « Maman était atteinte de la maladie de Charcot. J’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour la dissuader, mais elle est allée au bout de sa démarche », témoigne la jeune femme, pour qui le développement des soins palliatifs doit à tout prix devenir la priorité. « Les unités de soins ne pouvaient pas prendre en charge ma mère à ce stade de la maladie. Elle n’était plus autonome à la maison. Peut-être qu’avec des soins palliatifs, elle n’aurait pas pris cette décision », regrette-t-elle, tout en se confiant sur la solitude endurée. « J’étais la seule de ma famille à ne pas être d’accord, pour les autres, c’était de la torture de la laisser vivre. Si on n’a pas un regard d’espérance sur la maladie, forcément, c’est compréhensible de vouloir en finir. Mais même sans être catholique, la fraternité doit l’emporter. » Et si, malgré tout, la loi passe ? « Dieu ne nous laisse jamais tomber », sourit Sœur Gloria, missionnaire du Saint-Esprit. « Nous sommes dans Sa main. Il faut avancer avec confiance. »
