separateurCreated with Sketch.

Pour éviter les écrans avant 6 ans, il faut “réorganiser l’écologie familiale”

children screens
whatsappfacebooktwitter-xemailnative
Anna Ashkova - publié le 21/05/25
whatsappfacebooktwitter-xemailnative
Certains professionnels de santé préconisent désormais d’interdire les écrans aux enfants de moins de 6 ans. Le neuroscientifique Michel Desmurget analyse les enjeux d’une telle interdiction et détaille les alternatives à proposer aux familles.

Dans un contexte où les enfants sont de plus en plus exposés aux écrans dès leur plus jeune âge, et au regard des dégâts qu’ils causent sur leur santé physique et psychologique, de grands changements s’imposent. La Société française de pédiatrie et d’autres sociétés savantes ont lancé fin avril un appel à la prévention des risques dus à l’exposition des enfants aux écrans, soulignant qu’ils ne sont "pas adaptés à un cerveau en développement". Leur présentation est claire : pas d'écrans pour les enfants de moins de 6 ans. Un avertissement qui résonne comme un cri d'alarme, car le décrochage scolaire frappe les enfants de plus en plus tôt, d'après une étude de la Fondation Apprentis d’Auteuil, publiée le 19 mai. En cause, les effets délétères de l’accoutumance précoce aux écrans. Michel Desmurget, docteur en neurosciences et directeur de recherche à l’INSERM, revient pour Aleteia sur les impacts des écrans sur le développement des enfants et analyse les enjeux cruciaux liés à l’interdiction des écrans avant 6 ans.

Aleteia : Le carnet de santé préconise de ne pas exposer les enfants aux écrans avant 3 ans. Mais désormais, le message des professionnels semble changer : ils préconisent de ne pas exposer les enfants de moins de 6 ans aux écrans. Que pensez-vous de cette proposition ?
Michel Desmurget : J’avais déjà abordé cette question dans mon livre La Fabrique du crétin digital (ed. Seuil). Cette proposition me semble intelligente et nécessaire, même si je comprends qu’elle puisse faire trembler les lobbyistes et industriels qui agissent sur les enfants à travers leurs publicités. On parle souvent du seuil des 3 ans, mais cela n’a aucun lien avec la réalité physiologique. Ce seuil correspond à la maturation de la mémoire, c’est-à-dire au moment où les enfants commencent à réclamer des choses au supermarché. Le seuil des 3 ans n'a pas plus de validité que celui des 6 ans, puisque le cerveau n’est pas mature avant les 16-17 ans.

Il n’y a pas si longtemps, les gens fumaient dans des lieux publics. La norme a changé. Il pourrait en être de même pour les écrans.

Quels impacts ont réellement les écrans sur les enfants ?
Des dizaines d'études montrent qu’ils affectent le développement du cerveau des enfants, dont les réseaux cérébraux se développent en fonction de la nature et de l’ampleur des sollicitations qu'ils reçoivent. Plus les enfants passent de temps devant un écran, plus leurs compétences linguistiques diminuent. Il y a des marques de ces lacunes dans le cerveau. Les écrans ont aussi un effet sur l’impulsivité, la concentration et donc un impact négatif plus tard sur les performances scolaires. Ils ont également un impact sur le sommeil, colonne vertébrale de la santé de l'enfant, et le déficit de sommeil engendre des troubles d’apprentissage, ainsi que des problèmes de santé mentale et physique. Il ne faut pas oublier non plus les impacts sur la sédentarité et les problèmes cardiovasculaires qui en découlent, et qui commencent dès l’enfance. Ce qui peut provoquer, plus tard, des AVC précoces chez les jeunes adultes. Les publicités qui font la promotion de produits alimentaires ont par ailleurs un effet direct sur l’obésité. Les enfants qui passent leur temps sur les écrans sont aussi moins créatifs.

Zéro écran avant 6 ans, est-ce réalisable selon vous dans le monde actuel ?
Tout le monde comprend bien qu’il est difficile de ne pas montrer les écrans aux enfants. Tous les parents ne suivent pas la préconisation de pas d’écrans avant 3 ans, alors si on dit zéro écran avant 6 ans… Mais si on renverse la norme, cela pourrait les aider. La première étape est de changer la norme. Il n’y a pas si longtemps, les gens fumaient dans des lieux publics. La norme a changé. Il pourrait en être de même pour les écrans.

Quelles seraient les alternatives aux écrans ?
Les mêmes qu’il y a 20 ans ! Il faut lire avec les enfants, les amener au parc si le logement est trop petit, faire la cuisine ensemble, et proposer des activités à leur disposition (peinture, pâte à modeler, jeux de construction…). Il faudra un peu de temps pour réorganiser l’écologie familiale.

Quels enjeux se jouent-ils pour les générations à venir ?
Aujourd’hui, les performances scolaires des enfants en France sont très faibles. Or, la performance économique du pays dépend de la performance éducative de ses enfants. On le voit notamment en Chine et à Taïwan, où le gouvernement a investi massivement dans l’éducation, en faisant sortir le numérique de l’école. C'est bien que le gouvernement français commence à se pencher sur la question.

Pratique

La Fabrique du crétin digital, Michel Desmurget, (ed. Seuil), 2019.
Vous avez aimé cet article et souhaitez en savoir plus ?

Recevez Aleteia chaque jour dans votre boite e−mail, c’est gratuit !

Vous aimez le contenu de Aleteia ?

Aidez-nous à couvrir les frais de production des articles que vous lisez, et soutenez la mission d’Aleteia !

Grâce à la déduction fiscale, vous pouvez soutenir le premier site internet catholique au monde tout en réduisant vos impôts. Profitez-en !

(avec déduction fiscale)