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Ce que saint Augustin dit au monde d’aujourd’hui

Saint Augustin fresque

Fresque sous un escalier de Saint-Jean-de-Latran, portrait “considéré comme authentique” de S. Augustin.

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Marie-Anne Vannier - publié le 21/05/25
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"Fils de saint Augustin", Léon XIV se réclame de la spiritualité de l’évêque d’Hippone, l’un des plus grands penseurs de l’Occident chrétien. Professeur de théologie à l’université de Lorraine, spécialiste d’Augustin, Marie-Anne Vannier montre en quoi la pensée de ce géant du christianisme, confronté à une crise de civilisation sans précédent, répond aux attentes de la société d’aujourd’hui.

Saint Augustin était un génie dont la pensée est encore actuelle. C’était aussi un homme de son temps : d’une société romaine décadente qui n’est pas sans analogie avec la nôtre. Dans les Confessions, il rend compte des méandres de sa vie et de sa conversion, qui a duré quatorze ans, de ses diverses rencontres avec son Créateur et Sauveur, à tel point qu’on est pris dans son dialogue, ce qui nous amène à faire le point sur notre propre vie pour trouver notre identité, en découvrant que Dieu est interior intimo meo et superior summo meo ("plus intime que l'intime de moi-même, et plus élevé que les cimes de moi-même").

L’avènement du sujet

On dit souvent qu’avec Augustin, la subjectivité a fait son entrée dans l’histoire de la pensée. Les premiers mots des Confessions en témoignent : "Tu nous as faits orientés vers Toi et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose en Toi." C’est le désir de Dieu qui habite le cœur de chacun et son accomplissement se fait dans la relation vivante à Dieu. Le "Je" humain se réalise par le "Toi" divin.

À la différence des stéréotypes dans lesquels on a voulu l’enfermer et qui ne sont que des réponses à des hérésies de son époque, Augustin est aux antipodes du dogmatisme, il est revenu à plusieurs reprises sur son interprétation de l’Écriture, et à la fin de sa vie, il a écrit un livre unique dans l’histoire la pensée : les Révisions, où il reprend tous ses écrits pour dire ce qu’il faut y modifier. À travers son œuvre, il propose une vision dynamique et moderne de l’homme, où la liberté et le progrès ont une place importante. C’est le sujet en relation avec Dieu et avec les autres, constitué par ce dialogue même, qui acquiert ainsi son identité par le concours de la liberté et de la grâce, qui émerge peu à peu dans les Confessions. Cette expérience personnelle, cette Pâque qu’il vit, Augustin la relit ensuite et l’universalise au miroir de l’Écriture, ce qui en fait aussi l’actualité. Pour Augustin, l’être humain, loin d’être solitaire, est, au contraire, fondamentalement relationnel, il se constitue par la rencontre et l’échange avec l’autre dans sa différence.

L’amitié, la fraternité, le cor unum

Saint Augustin a été l’homme des grandes amitiés et ce n’est pas là un hasard. Il y a, dans l’amitié, un échange en profondeur qui donne de connaître l’autre dans son originalité. Augustin revisite la notion classique de l’amitié pour la comprendre en termes d’alliance. Il dit même que c’est "la charité répandue “dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné”" (Conf. IV, 4, 7), ce qui l’amène à introduire le célèbre cor unum, le fait d’être un seul cœur et une seule âme dans le Christ. Sans doute relit-il par-là la première communauté de Jérusalem (Ac 4, 32-37), mais il présente aussi son idéal : celui d’une amitié qui se transforme en une fraternité universelle. C’est ce qu’il a vécu : depuis son amitié avec Alypius à ses échanges philosophiques avec ses amis à Cassiciacum juste après son baptême, avant de prolonger cette amitié dans sa communauté de "Serviteurs de Dieu" à son retour en Afrique, de la concrétiser dans le monastère qu’il fonde à Hippone et de la mettre en œuvre dans l’Église, "peuple et maison de Dieu" (J. Ratzinger, Le peuple et la maison de Dieu dans la doctrine ecclésiale de saint Augustin, Artège, 2017), en passant progressivement de l’amitié à la fraternité et à la charité, devenant ainsi le Docteur de la charité.

La source de la paix

Augustin va même plus loin, en montrant que l’"unité des cœurs" (concordia), le cor unum, est la source de la paix. Vivant une période difficile, celle de la chute de Rome, l’auteur de la Cité de Dieu donne une place centrale à la paix, qui revient à quelque 2.500 reprises dans son œuvre. Il s’attache à mettre en évidence sa double origine : divine et humaine, en soulignant le caractère indissociable de l’amitié, de la concorde et de la paix, dans la mesure où il ne peut y avoir de paix au niveau mondial, si on n’est pas en paix avec soi-même et avec les autres.

Le Christ médiateur

La paix est aussi le don du Christ ressuscité, celui de son amour pour réaliser l’unité de la communauté. Au livre X (32, 2) de la Cité de Dieu, Augustin explique que le Christ est la "voie universelle du salut", qui libère et donne la paix, en faisant passer de l’orgueil à l’humilité. Il en a fait l’expérience au cours de sa conversion, et il en témoigne : "Je bavardais tout à fait comme un fin connaisseur, et si dans le Christ, notre Sauveur, je n'avais pas cherché ta voie, ce n'est pas un homme fin, mais bientôt un homme fini que j'aurais été" (Conf. VII, 20, 26). Au fur et à mesure de sa vie, il approfondit sa relation au Christ jusqu’à lui être conformé.

Chercheur de Dieu, Augustin l’a été tout au long de sa vie. Assoiffé de vérité, il s’est efforcé de comprendre le sens de la création, de la Trinité… et il a été artisan d’unité. Certaines de ses formules, comme "Aime et fais ce que tu veux" sont devenues des slogans. En fait, Augustin entend souligner par-là la primauté de la charité, la nécessaire adéquation ente l’intention et l’action et la liberté chrétienne, ancrée dans le commentaire de la Première Épître de saint Jean.

Pratique :

Saint Augustin, pasteur, théologien et maître spirituel, Marie-Anne Vannier, Paris, Nouvelle Cité, 2019, 376 p.

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