"Le Vatican, représenté par le Pape, a déclaré qu’il serait très intéressé à accueillir les négociations. Que le processus commence !", a déclaré le président américain Donald Trump dans la soirée du 19 mai 2025 sur son réseau Truth Social, peu après son entretien avec le président russe Vladimir Poutine. De son côté, le Vatican rappelle qu’il s’est toujours tenu disponible pour accueillir des pourparlers. Ce matin, le porte-parole du Kremlin a fait savoir qu’aucun accord précis n'a été confirmé concernant le lieu des futures discussions.
Plus de trois ans après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les discussions se multiplient dans la perspective de négociations de paix. Hier, les présidents Donald Trump et Vladimir Poutine ont échangé durant deux heures par téléphone. "La Russie et l’Ukraine vont immédiatement entamer des négociations en vue d’un cessez-le-feu et, plus important encore, de la FIN de la guerre", a écrit sur son réseau social le président américain. Donald Trump affirme en avoir informé le président ukrainien Volodymyr Zelensky, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, le président français Emmanuel Macron ou encore la Première ministre italienne Giorgia Meloni.
Le président des États-Unis a conclu son message en assurant que le Vatican "serait très intéressé à accueillir les négociations. Que le processus commence !". Ce matin, la presse italienne rapporte que Giorgia Meloni est prête "à faciliter les contacts" pour des pourparlers au Vatican. Interrogé par I.Media, Matteo Bruni, le directeur du Bureau de presse du Saint-Siège, a expliqué que la "disponibilité" du Saint-Siège était déjà connue par le passé et qu’il n’y avait rien de nouveau.
Dès 2022, le Saint-Siège invitait à des négociations
Le 25 février 2022, au lendemain de l’invasion russe en Ukraine, le pape François s’était rendu à l’ambassade de Russie près le Saint-Siège pour tenter d’infléchir la position russe. Quatre jours plus tard, son secrétaire d’État, Pietro Parolin, assurait qu’il n’était "jamais trop tard" pour négocier. Le Saint-Siège "est toujours prêt à aider les parties à prendre cette voie", réaffirmait le "numéro 2" du Saint-Siège.
Les mois suivants, le pape avait évoqué l’idée de se rendre à Moscou et à Kiev pour tenter de mettre fin à la guerre. Il avait aussi nommé le cardinal Matteo Zuppi pour offrir une médiation entre les deux pays. L’archevêque de Bologne et président de la conférence épiscopale italienne s’était rendu pour cela à Kiev, à Moscou, à Washington et à Pékin. Sa mission se serait à l’époque surtout limitée à des aspects humanitaires, comme le rapatriement d’enfants ukrainiens déportés en Russie.
L’arrivée d’un nouveau pape crée de nouvelles opportunités diplomatiques
Les funérailles du pape François, le 26 avril dernier, et l’élection de Léon XIV le 8 mai suivant ont provoqué des occasions de rencontres diplomatiques de très haut niveau au Vatican. Lors des obsèques du pontife argentin, le président Zelensky a pu s’entretenir dans la basilique Saint-Pierre avec son homologue américain Donald Trump. Cette rencontre a constitué leur premier contact direct depuis l’altercation les ayant opposés deux mois plus tôt à la Maison Blanche.
Dimanche dernier, la messe d’inauguration du pontificat de Léon XIV a permis au nouveau pape d’accorder une audience privée au président Zelensky. Lundi matin, c’est le vice-président des États-Unis qui a été reçu au Vatican par le chef de l’Église catholique. Il en a profité pour inviter le pontife américano-péruvien aux États-Unis. Quelques heures plus tard, J.D. Vance a rencontré le président Volodymyr Zelensky dans les jardins de la résidence de l’ambassadeur des États-Unis en Italie.
Dès les premiers jours de son pontificat, Léon XIV s’est montré très actif sur le dossier ukrainien. Le 12 mai, il a échangé par téléphone avec le président Zelensky - qui l’a d’ailleurs aussi invité à venir en Ukraine. Deux jours plus tard, il a assuré lors d’une audience aux Églises catholiques orientales que "le Saint-Siège est disponible pour que les ennemis se rencontrent et se regardent dans les yeux".
Pour François Mabille, chercheur associé à l'IRIS et directeur de l'Observatoire géopolitique du religieux, l’arrivée d’un nouveau pape peut ouvrir de nouvelles perspectives diplomatiques sur le dossier russo-ukrainien. "Côté ukrainien d’abord, l’appel du pape François en avril 2024 à une forme de reddition ukrainienne avec sa déclaration sur 'le drapeau blanc' avait provoqué un choc et 'cornérisé' la diplomatie du Saint-Siège", analyse-t-il. Côté russe, "les volte-faces du pape François ont été mal perçues et ont rendu peu lisibles la position du Vatican", poursuit le spécialiste. Enfin, côté américain, "l’opposition très forte" entre le pape François et le président Trump lors de son premier mandat "rendait une collaboration difficile pour ce second mandat", explique François Mabille.
Le Vatican n’est pas un lieu neutre pour Moscou
Le chercheur souligne toutefois une difficulté et une ambiguïté concernant le principe d’une médiation offerte par le Saint-Siège. "Il y a une distinction entre le fait d’offrir un espace de médiation impartiale et l’action de faire une médiation", insiste-t-il. François Mabille ne minimise pas non plus "la difficulté pour le Vatican d’apparaître comme un lieu neutre vis-à-vis de Moscou, qui se considère être la Troisième Rome".
Ce matin, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a confirmé que Moscou était bien informé de la proposition du Vatican d’accueillir des négociations. "Tout le monde est au courant de l'initiative du pape. Le Vatican a publié une déclaration correspondante. Bien entendu, la partie russe apprécie toute contribution. Cependant, aucun accord précis n'a été confirmé concernant le lieu des futures discussions", a-t-il assuré, rapporte l’agence de presse russe Tass. Une manière de temporiser.
Le président Vladimir Poutine avait rencontré à trois reprises le pape François au Vatican. La dernière audience avait eu lieu en 2019. Les premières années du pontificat de François avaient marqué un réchauffement historique des relations entre le patriarcat de Moscou et l’Église catholique. Le 12 février 2016, près de mille ans après le grand schisme de 1054, le Pape avait rencontré pour la première fois le patriarche orthodoxe de Moscou lors d’un déplacement à Cuba.
Mais la politique de rapprochement s’était interrompue avec l’invasion russe de l’Ukraine. Alors que le pape et le patriarche projetaient de se rencontrer à Jérusalem en juin 2022, les désaccords générés par la guerre en Ukraine avaient éclaté publiquement, le pape François demandant à Kirill de ne pas devenir "l’enfant de chœur de Poutine".
"Vladimir Poutine s’était rendu au Vatican à une période où les relations entre le Patriarcat de Moscou et Rome se réchauffaient", rappelle François Mabille. Pour réussir, la médiation diplomatique offerte par le Vatican devra sans doute s’accompagner aussi d’une reprise des relations au niveau œcuménique. La présence d'une délégation du Patriarcat de Moscou lors des funérailles de François et de la messe d'inauguration de Léon XIV a montré que des contacts se poursuivent malgré les tensions provoquées par la guerre en Ukraine.