Saint Sébastien est un martyr devenu une icône. C’est une des figures les plus représentées de l’art occidental. Le plus souvent, les tableaux illustrent un épisode de la vie de cet officier romain condamné à cause de sa foi chrétienne : Saint Sébastien est représenté, transpercé de flèches sur ordre de l’empereur Dioclétien et laissé pour mort. Parfois, on voit deux femmes, sainte Irène et sa servante, qui viennent le secourir et soigner ses plaies. C’est cette scène pleine de compassion, Saint Sébastien secouru par les saintes femmes, que Delacroix a choisi et dont il retient ici l’intensité dramatique.
C’est l’État qui a acheté ce tableau, le seul exposé au Salon de 1836 par Eugène Delacroix, à une époque où les commandes publiques sont aussi religieuses. Le député de l’Ain, Félix Girod, demande le dépôt de plusieurs œuvres pour la ville de Nantua. La commune envisageait alors de créer son propre musée. Le Saint Sébastien en ferait partie. Il est déposé provisoirement en l'abbatiale Saint-Michel de Nantua. Sauf que le musée ne verra jamais le jour. Et que le provisoire devient définitif. Le Saint Sébastien de Delacroix reste exposé dans l’église.
Un joyau mondialement exposé…
Pourtant, il s’en est fallu de peu qu’il disparaisse définitivement des yeux du public. En 1878, le Conseil de Fabrique, que l’on peut rapprocher de nos actuels Conseils Paroissiaux, vend l’imposante toile à un particulier, probablement pour payer l’orgue tout neuf de l’église. Visiblement, sans aller plus loin dans la réflexion. La vente fait scandale, l’État dépose plainte et la Cour d’appel de Lyon annule tout au motif que "le tableau appartenant au domaine public de l’État est inaliénable". Saint Sébastien retourne à Nantua.
Dans ce tableau, Delacroix montre toute la force de son art, qui rend son style si particulier et émouvant. Le peintre choisit de représenter un instant de répit, la douceur des soins après la douleur du supplice. Cette scène du martyr abandonné au pied de l’arbre de son supplice est plus rarement représentée que Saint Sébastien debout, transpercé de flèches, attaché à un pilier. Delacroix montre ainsi la tendresse des gestes et l’humanité de ces femmes : Irène retire avec délicatesse la flèche plantée dans l’épaule. Pour montrer le contraste avec la violence des bourreaux, la servante se retourne, jetant un regard sur les hommes qui s’éloignent.
… et jalousement gardé
Prêté au Louvre à plusieurs reprises, Saint Sébastien secouru par les saintes femmes figure aussi dans les plus grandes expositions internationales consacrées à l’artiste. Le musée du Louvre a bien tenté, à plusieurs reprises, de faire entrer le tableau dans ses collections, prétextant les mauvaises conditions de conservation de l’œuvre dans l’église, mais sans succès. Lors de la présentation du tableau à l'Exposition universelle de 1900, le musée parisien a même proposé un échange : Saint-Sébastien contre un Christ en croix de Philippe de Champaigne. Mais la commune a toujours opposé un refus poli mais catégorique : le chef-d’œuvre de Delacroix ne quittera pas Nantua.
Pratique
église romane, d'influence clunisienne
9 Mnt de l'Abbaye 6, 01130 Nantua