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Lucile Strauch-Hausser sur la fin de vie : “Il faut que les personnes vulnérables soient protégées”

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Marie Lucas - publié le 15/05/25
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Lucile Strauch-Hausser est la mère de Victoire, une petite fille porteuse de trisomie 21. En 2024, avec son mari, elle a créé le Collectif "Un Gros Risque en Plus" afin de protéger de l'euthanasie les personnes déficientes intellectuellement.

Depuis le 12 mai, la loi sur la fin de vie est en débat à l'Assemblée nationale. En commission, les députés ont élargi les critères d'accès à l'aide active à mourir. Emmanuel Macron n'a pas écarté l'idée de soumettre la question à référendum lors de son interview télévisée mardi 13 mai. De nombreux opposants font entendre leur voix pour alerter sur les dangers de légaliser l’euthanasie et le suicide assisté. Parmi les dérives qu'engendrerait une telle loi, le sort des personnes handicapées. La Conférence des responsables de culte en France (CRCF) – catholique, protestant, orthodoxe, juif, musulman et bouddhiste – a souligné ce jeudi 15 mai la "pression sourde mais réelle sur les personnes âgées, malades ou en situation de handicap" qu'exercerait l’instauration de ce "droit" à l'aide à mourir. "La seule existence d’une telle option peut induire chez des patients une culpabilité toxique – celle d’"être un fardeau", souligne la CRCF. "Dans les pays où l’euthanasie a été légalisée, les demandes ne cessent d’augmenter, et on observe une baisse inquiétante de l’investissement dans les soins palliatifs." Une dérive grave qui inquiète également Lucile Strauch-Hausser, mère d'une petite fille porteuse de trisomie 21, et fondatrice du collectif "Un Gros Risque en Plus". Entretien.

Aleteia : Pourquoi avez-vous lancé ce collectif, "Un Gros Risque en Plus"?
Lucile Strauch-Hausser : En 2023, sachant que la loi pointait le bout de son nez, avec mon mari, nous avons eu peur : qui protégerait notre enfant après notre mort ? Alors que Line Renaud et Emmanuel Macron communiquaient largement sur le sujet, nous avons écrit à notre député, François Bayrou, et à plusieurs chefs de parti. À notre grande surprise, François Bayrou nous a répondu personnellement - il était à cette époque Haut Commissaire au Plan. Il nous disait qu'il partageait notre inquiétude, qu'il était lui-même contre l'euthanasie, qu'il s'était déjà prononcé à ce sujet et il nous a encouragés à poursuivre notre démarche. Nous avons alors compris qu'on pouvait être entendu !

Alors vous continuez à vous battre !
Oui ! Début juin 2024, alors que la loi revenait à l'Assemblée, nous avons publié une tribune, juste avant la dissolution. Pour la seconde fois, notre voix de citoyens a été entendue. Alors, en automne 2024, nous nous mobilisons plus largement avec la création du Collectif Un Gros Risque en Plus – clin d'œil au film Un p'tit Truc en plus. François Bayrou devient Premier Ministre et il mentionne notre lettre dans une interview, une lettre qui visiblement l'a beaucoup touché. Et puis on connaît la suite : sous la pression des militants pro euthanasie, il remet la loi au calendrier de l'Assemblée nationale avec comme condition de scinder les deux textes, d'un côté l'euthanasie, de l'autre les soins palliatifs. Cela a le mérite de clarifier les choses : l'euthanasie, ce n'est pas du soin.

Dans la loi, on parle de "consentement libre et éclairé", mais quel est-il pour des personnes avec une déficience intellectuelle ?

En quoi la proposition de loi est-elle un risque pour les personnes avec un handicap mental ?
Dans la loi, on parle de "consentement libre et éclairé", mais quel est-il pour des personnes avec une déficience intellectuelle ? C'est une question à se poser. Le risque, c'est que des personnes bien intentionnées décident de soulager les personnes avec une déficience intellectuelle – puisque le handicap est parfois, souvent perçu comme une souffrance – sans aucune consultation collégiale. Le risque, c'est la pression de la société : la personne handicapée se considérant souvent comme un poids, elle va intérioriser le fait que ce serait plus simple pour elle et pour les autres de demander l'euthanasie. Sans compter que, financièrement, les personnes avec un handicap coûtent cher, alors forcément l'euthanasie sera plus économique. 

Vous exagérez un peu non ?
Malheureusement non ! En France, il y a déjà des antécédents. Rappelons le cas d'Angoulême. Joël, un homme de 66 ans porteur de Trisomie 21, est hospitalisé pour détresse respiratoire par son frère et ses sœurs – dont l'une est sa tutrice. Il est bien entouré et pourtant, ignorant le consentement du malade et celui de ses proches, le médecin place son patient sous sédation profonde et continue, ce qui provoque son décès. Suite au rapport d'expertise médicale, la famille a porté plainte pour homicide volontaire. Selon le rapport, le médecin n'a pas mis en place des soins alternatifs qui auraient pu guérir son patient, il n'a pas contacté la famille et il a mis une dose de produit qui ne pouvait qu'entraîner la mort. D'autres cas existent, le livre Des gens sans importance – Petits récits du grand âge (Mame) de Marie Millord en recense plusieurs. Bien sûr, on nous dit que la loi a des garde-fous mais il est naïf de croire que les verrous ne vont pas sauter. À l'étranger – notamment au Canada, dénoncé par l'ONU – c'est déjà le cas ! Et la semaine dernière, en commission des lois, tous les garde-fous concernant les personnes vulnérables sous forme de propositions d'amendements ont été rejetés alors qu'ils étaient là pour les protéger. 

Que demande le Collectif ?
Son objectif est simple : inscrire dans la loi une phrase claire qui interdise l'euthanasie pour les personnes porteuses d'un handicap mental. Pour cela, il faut passer par des amendements. Certains ont été rejetés en commission des lois, d'autres seront présentés à l'Assemblée nationale. Ainsi, le Collectif a préparé des amendements qui seront portés par quatre députés de différents partis (Renaissance, PS, LR, et RN) pendant les débats. S'il est voté, nous aurons au moins gagné cette bataille ! Car bien sûr, nous ne voulons pas de cette loi sur la fin de vie, mais si elle passe, il faut a minima que les personnes vulnérables soient protégées. 

Pratique

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