Sur TF1 mardi soir, le président de la République Emmanuel Macron a réitéré son souhait de voir le texte sur la fin de vie, dont les discussions ont commencé lundi à l’Assemblée nationale, aboutir. Le chef de l’État défend "un texte d’équilibre" et une "loi d’humanité et de fraternité". Il a assuré qu'en cas "d’enlisement" après la première lecture au Parlement, c’est-à-dire lors de l'examen par le Sénat éventuellement, penser "que le référendum peut être une voie pour débloquer et permettre aux Françaises et aux Français de s’exprimer. Mais je le ferai d’abord avec beaucoup de précaution et je ne le ferai que si c’était bloqué".
En réalité les députés ont entamé cette semaine dans l'hémicycle les débats sur la fin de vie avec l'examen d'un premier texte sur les soins palliatifs et d’un second sur "l’aide à mourir" en France. Un vote solennel pour chacun est prévu à la fin du mois. Mais les débats promettent d’être houleux, à l’image de ceux qui traversent la société. Et la petite musique d’un référendum sur le sujet revient de plus en plus dans la sphère politique et médiatique. Mais le texte sur la fin de vie peut-il vraiment être adopté par référendum ? En France, l’article 11 de la Constitution encadre le référendum ainsi : "Le Président de la République […] peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions." Cela s’applique-t-il donc à la fin de vie ?
"Cela dépend de l’interprétation de l’article 11 de la Constitution", explique auprès d’Aleteia le constitutionnaliste Benjamin Morel. "Si l’on a une approche doctrinale, les termes de l’article 11 sont des termes exclusifs donc tout ce qui n’y est pas explicitement mentionné ne peut figurer dans un référendum. Le texte sur l’aide active à mourir actuellement débattu prévoit la dépénalisation de certains actes qui sont aujourd’hui passibles de poursuites. Or, si l’on considère que cela relève de la politique pénale, il n’entre pas dans le périmètre de ce qui peut être soumis à un référendum." Une approche différente de l’article 11 est néanmoins possible : "la logique inclusive". "Tout ce qui est dans l’article 11 peut faire l’objet d’un référendum même s’il y a des éléments mixtes", poursuit-il. "Le texte sur la fin de vie est essentiellement pénal mais il concerne également le service public ainsi que la politique économique et sociale du pays. Dans cette logique, il pourrait y avoir une possibilité de soumettre un référendum."
Un référendum en forme de QCM ?
Reste un autre obstacle – et de taille. Le texte actuellement débattu à l’Assemblée est une proposition de loi, c’est-à-dire porté par des parlementaires, et non un projet de loi, c’est-à-dire porté par le gouvernement. "À moins que des motions référendaires ne soient votées dans les deux assemblées", ce qui semble extrêmement compliqué compte tenu de la composition et des sensibilités de chacune, "un référendum sur la fin de vie signifie juridiquement qu’il porte sur un nouveau texte de loi porté par le gouvernement", poursuit Benjamin Morel. Là encore, l’instabilité politique actuelle laisse peu présager une telle décision.
D’autres formes de consultation sont-elles possibles ? "Oui, elles sont possibles et non contraignantes", détaille encore le constitutionnaliste. Emmanuel Macron pourrait soumettre aux Français plusieurs questions simultanées, "comme un QCM géant", sur des thématiques très variées. "Cette pratique n’a pas plus de valeur juridique qu’un sondage, si le oui l’emporte il faut quand même adopter un texte de loi. Mais il peut devenir un argument politique." "Les sujets qui pourraient apparaître dans ce questionnaire tels que les écrans ou les organisations territoriales ne risquent pas de faire se déplacer les foules. La fin de vie oui."
Mardi, c'est cette option qui semblait se dessiner à l'issue de l'émission de TF1 où Emmanuel Macron a déclaré vouloir organiser plusieurs référendums "en même temps" dans les "mois qui viennent" sur de "grandes réformes économiques, éducatives ou sociales".
