Après près d’un an de pause, suite à la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024, le dossier sensible de la fin de vie a été repris par les députés ce lundi 12 mai avec l’examen de deux propositions de loi : l’une sur les soins palliatifs, défendue par Annie Vidal (Renaissance), et l’autre sur l’aide active à mourir, portée par Olivier Falorni (MoDem). Les députés débattront de ces deux textes pendant deux semaines, week-end compris, avant un vote solennel prévu le 27 mai prochain. Un débat qui doit aboutir à la création d’un "droit à l’aide à mourir", que l’exécutif souhaite "très encadré", mais auquel s’opposent encore de nombreux députés, qui n’ont pas dit leur dernier mot.
Le premier texte, largement consensuel, prévoit la création d’un" droit opposable" aux soins palliatifs, un principe visant à garantir à chaque patient l’accès à ces soins en fin de vie. Cette proposition répond à une recommandation du rapport de la Cour des comptes de juillet 2023, selon lequel seulement la moitié des besoins en soins palliatifs sont actuellement satisfaits. Première à prendre la parole dans l’hémicycle ce lundi après-midi, Annie Vidal a appelé les députés à adopter sa proposition de loi à l'unanimité, comme en commission : "Fixons-nous ce même objectif en pensant à celles et ceux qui, grâce à nous, pourront approcher de leur mort et mourir le plus sereinement possible".
Plus controversée, la seconde proposition de loi, portant sur l’aide à mourir, a été adoptée en commission le 2 mai par 28 députés contre 15. Ce vote net a renforcé les espoirs du rapporteur, Olivier Falorni, qui pourrait donner son nom à la future loi. "Il n'y a rien de plus beau que la vie, mais il y a parfois pire que la mort, (...) quand la vie est devenue un océan de souffrances que rien ne peut apaiser", a-t-il lancé ce lundi face aux députés, appelant à légiférer pour proposer "un ultime recours" aux malades victimes de souffrances réfractaires. La question des critères d’éligibilité sera un des points majeurs du débat. Initialement, le texte d’Olivier Falorni prévoyait que le patient souffre d’une affection grave et incurable engageant son pronostic vital à "moyen terme". Cette notion a été écartée par les députés, jugée trop vague. Désormais, le texte final prévoit que le patient soit atteint d’une maladie grave et incurable, en phase avancée ou terminale, quelle qu’en soit la cause. Cette définition a cependant été jugée trop large par des opposants.
De réelles inquiétudes
Mais la création d’une aide à mourir, parfois qualifiée de suicide assisté ou d’euthanasie, suscite de vives oppositions. Certains dénoncent une "rupture anthropologique", tandis que d’autres y voient un "moindre mal". Le sujet fait l'objet de tensions au sein du gouvernement. Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau (LR) et une partie de sa formation, ainsi que des membres de l’extrême droite, s’opposent fermement à cette évolution. Dans une interview au JDD, parue le 10 mai, il a dénoncé un "texte de rupture anthropologique". De même, sept députés LR, dont le médecin urgentiste Philippe Juvin, ont exprimé leurs préoccupations dans une tribune au Figaro le 7 mai dernier, critiquant l’absence de garanties solides concernant les délais, la traçabilité de la procédure, la collégialité des décisions et la vérification de la volonté libre du patient.
De son côté, Emmanuel Macron a réaffirmé le 5 mai son soutien à cette réforme sociétale devant les francs-maçons de la Grande loge de France. Le soutien à la loi s'est également renforcé, notamment par l’ancien Premier ministre Gabriel Attal, qui a publié une tribune en faveur du texte dans La Tribune, cosignée avec Line Renaud. La ministre de la Santé, Catherine Vautrin, a estimé ce lundi à l’Assemblée nationale que "refuser ce débat, alors que l'état de notre droit ne répond pas à toutes les situations, (...) c'est fermer les yeux devant une souffrance à laquelle seuls celles et ceux qui le peuvent trouvent une issue en partant à l'étranger". La veille, dans les colonnes du Parisien, elle a souligné que l’objectif était de répondre à une "forte attente des Français", tout en garantissant que l’accès à l’aide à mourir soit "très encadré".
Si l'ouverture des débats ce lundi revêt une forte symbolique, ce n’est que le 27 mai, jour du vote, qui déterminera véritablement l'avenir des propositions de loi sur la fin de vie.
