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Un pape américain, et alors ?

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Xavier Patier - publié le 11/05/25
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Le conclave n’a pas choisi une nationalité, mais un homme. L’écrivain Xavier Patier explique pourquoi selon lui l’origine nationale du pape n’a plus d’importance.

PAPE LÉON XIV

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Nous avons connu un temps où la nationalité du pape n’était pas un sujet. Le pape était italien. Cela ne signifiait pas que la dimension politique du conclave était refoulée, mais qu’elle n’incluait pas la question de la nationalité. La question politique était présente, et sans doute davantage qu’aujourd’hui, mais elle relevait de la diplomatie confidentielle. Je me rappelle notre ancien ambassadeur auprès du Saint-Siège, René Brouillet, expliquant qu’après la mort de Jean XXIII, en 1963, le président De Gaulle dont il était très proche lui avait personnellement (et discrètement) demandé d’intervenir auprès des cardinaux qu’il connaissait, avant le conclave, pour leur faire savoir que la France considérait que le cardinal Montini (italien) ferait le cas échéant un excellent pape. 

Le Général sans complexe

Montini avait été élu. Brouillet avait été nommé ambassadeur auprès de Paul VI après cette élection. René Brouillet croyait savoir que général était déjà intervenu de la même façon en 1958 pour demander à notre ambassadeur Roland de Margerie de promouvoir l’élection du cardinal Roncalli (italien) après la mort de Pie XII : il avait envoyé un avion spécial pour venir le chercher à la villa Bonaparte afin de lui en parler de vive voix. À son retour au pouvoir la même année, une des premières initiatives du général avait d’ailleurs été de charger le même Margerie de porter une missive au pape dans laquelle il se montrait comme toujours papiste et sans complexe :

"Très saint Père, la mission vient de m’être donnée de diriger à nouveau la France […]. Ma pensée respectueuse se porte vers Votre Sainteté. En tout piété, j’appelle son soutien spirituel sur mon action et lui demande de bénir la France."

En cette époque lointaine, donc, la question de la nationalité du pape ne se posait pas. Soutenir une candidature d’un non Italien aurait été inopérant, même si l’on parlait déjà de l’hypothèse, par plaisir intellectuel, d’un souverain pontife africain. Tout le monde concluait que la question de la nationalité du pape était prématurée, sinon théorétique. Mais pour autant la politique s’intéressait étroitement aux conclaves. Les postures de la laïcité n’avaient pas atteint le degré hystérique que nous leur connaissons aujourd’hui dans notre pays du fait de l’inculture historique qui s’y est développée. 

Quand la nationalité du pape devient un sujet

La question de la nationalité du pape est donc récente : elle est apparue avec l’élection de Jean Paul II en 1978. Le nouveau pape était polonais. Le choix de Karol Wojtyla fut un signal fort dans moment décisif pour l’Europe de l’Est. Dans un article du Nouvel Observateur, Maurice Clavel, qui était alors le maître à penser de ma génération, avait tenu un propos qui m’avait surpris : il trouvait Wojtyla "trop polonais", donc "pas assez universel". Clavel était mort quelques jours plus tard avoir publié cet article, sans avoir eu le temps d’observer la chute du communisme qu’il avait lui-même prophétisée, mais sur un point il avait vu juste : la nationalité du pape, qui auparavant n’était pas un sujet, allait en devenir un. L’élection d’un pape non italien n’ouvrait pas une parenthèse : elle tournait une page. 

Après un pape polonais nous avons eu pour chef de l’Église un grand théologien allemand, Joseph Ratzinger, qui porta très haut, comme un chant du cygne, la culture et la spiritualité de la vieille Europe. Et puis, cela devait arriver, nous avons eu notre premier pape extra-européen, quoique assez italien quand même : l’Argentin Bergoglio. À présent, Dieu nous donne comme successeur de Pierre un pape américain. À chaque étape, se manifeste une sorte de cliquet anti-retour : le pape n’est plus italien, puis il n’est plus européen ; bientôt il ne sera plus occidental, sans doute. Mais qui peut le dire ? L’Esprit saint donne à chaque génération un pape qui surprend les pronostics, un pasteur correspondant à l’état et aux besoins du monde. Le destin du centre est de devenir un jour périphérie. Ou plutôt, dans le royaume de Dieu, le centre est partout et la périphérie nulle part, comme disait Blaise Pascal. De la sorte, la nationalité du pape, qui aura été un sujet à la fin du XXe siècle et au début du XXIe, de Jean Paul II à François, ne l’est déjà plus.

Un homme de son temps

Que montre alors l’élection de l’Américain Robert Francis Prevost ? Que la question de la nationalité du pape échappe à toute manœuvre géopolitique. Non pas parce que le pape n’est plus systématiquement italien comme naguère, mais parce que dans le monde globalisé, le conclave élit désormais un homme de son temps plutôt que le représentant d’un continent. L’objection de Clavel sur l’universalité est dépassée. Beaucoup ont indiqué que Prevost était "le moins américain des cardinaux américains". Retenons qu’il est un missionnaire. Cette élection est une rafraîchissante surprise. Sacré collège ! En quatre tours de scrutin il nous sort de son chapeau, ou plutôt Dieu fait sortir de ses mitres, un homme modeste, un évangélisateur, un Yankee péruvien ! Yankee et péruvien, j’ignorais que cela existât. Le sacré collège a trouvé l’oiseau rare. 

On pourrait y voir un coup malicieux adressé par l’Église romaine à l’Amérique évangélique de Trump, celle qui roule des mécaniques et dresse un mur pour arrêter l’immigration catholique venant du Sud, mais ce n’est évidemment pas le sujet. Les États-Unis sont devenus un pays comme les autres : voilà ce qui est nouveau ! À l’évidence, le conclave n’a pas songé à Donald Trump. Il n’a pas cherché à envoyer un signal politique. Il n’a pas choisi une nationalité, mais un homme. La question de la nationalité du pape, qui ne se posait pas du temps où le Saint-Père était inévitablement italien, de nouveau ne se pose plus. Léon XIV est un homme pour notre temps. Demandons-lui de bénir la France, qui en a grand besoin.

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