Régulièrement, des faits divers dramatiques sont mis en exergue pour justifier une législation en faveur de l'euthanasie. Des films de propagande pro-euthanasie sont également produits et diffusés abondamment. L’exploitation opportune d'événements particuliers et la propagande cinématographique n'est pas le propre des sociétés du XXIe siècle, les nazis avaient déjà fait de même dans les années 1930 et 1940.
En août 1939, un couple adresse à Hitler une requête pour lui demander l'autorisation de mettre fin à la vie de leur enfant né gravement handicapé. Hitler leur accorde cette autorisation et profite de cet événement tragique pour généraliser la pratique de l’euthanasie infantile. Un groupe de médecin est ainsi chargé d’imaginer une procédure d’élimination des enfants handicapés. On demande à tous les centres de soins allemands de signaler les enfants nés avec un handicap, physique ou mental. Ces enfants, âgés de 0 à 3 ans, sont placés dans des services de pédiatrie spécifiques et tués par overdose médicamenteuse ou affamés jusqu’à la mort. Aujourd’hui en Europe, cette pratique se perpétue de manière différente certes, mais non pas moins cruelle, à travers le diagnostic prénatal et les avortements dits thérapeutiques, qui peuvent être pratiqués jusqu’à la naissance dans certains pays, comme en France.
Une fois la machine nazie lancée, elle s’emballe. Le régime nazi ne souhaite pas s’arrêter aux jeunes enfants et des directives secrètes élargissent l’euthanasie aux adultes. Une surenchère entre les différentes instances du parti nazi et certains centres de soins contribue à l’élargissement du cercle des individus concernés. Après les enfants et les adultes handicapés, il est suggéré d’euthanasier les malades atteints de maladies graves, difficilement soignables à l’époque (tuberculose, cancer). Les personnes âgées sont également visées, à tel point que ces dernières hésitent de plus en plus à se rendre dans les hôpitaux tant que le régime nazi reste en place en Allemagne.
Toutes les directives nazies concernant l’euthanasie sont secrètes, car la population civile n’est pas prête à accepter ce genre de pratique. Le cinéma est alors utilisé pour tenter de changer les mentalités. En 1941, un film de propagande pro-euthanasie est diffusé, avec le soutien de Goebbels et du ministère de l’Éducation du peuple et de la Propagande. Ce film s’intitule Ich klage an (littéralement, J’accuse). Il met en scène l'histoire d'un couple dont la jeune et charmante épouse, atteinte de sclérose en plaques, demande à son mari de lui administrer un poison car elle ne souhaite plus vivre. Jugé pour meurtre, celui-ci présente son acte comme un geste généreux. Des témoins insistent sur la "délivrance" de la malade et sur le caractère presque humanitaire de cet acte d’euthanasie. Le film vise à convaincre de la nécessité de changer la loi pour permettre "l’aide à mourir", selon la désignation actuelle.
La propagande pro-euthanasie
Le gouvernement nazi avance l’argument de la compassion, en évoquant la Gnadentod, la "mort miséricordieuse", celle qui soulage le malade et sa famille de douleurs physiques et psychologiques insupportables. Cependant, les véritables motivations sont soigneusement cachées du grand public. Elles sont aujourd’hui bien connues des historiens, grâce notamment aux recherches menées dans le cadre du procès de Nuremberg.
L'euthanasie est valorisée en Allemagne pour différentes raisons. La première concerne la volonté de "purifier" ce que les nazis considèrent être la "race allemande". La deuxième est liée aux exigences économiques. Les malades, les handicapés et les personnes âgées sont incapables de créer de la richesse. Par contre, ils sont une charge pour la société et ralentissent le développement économique du pays. La troisième motivation est plus conjoncturelle mais non moins prégnante. Elle concerne la nécessité de libérer des lits d'hôpitaux. En effet, la guerre contre la Pologne, puis contre l’Europe entière, a commencé le 1er septembre 1939. L’objectif du gouvernement est de supprimer des dépenses jugées inutiles et de libérer 20% des lits d’hôpitaux afin de pouvoir soigner les soldats blessés.
Sur un des monuments allemands édifiés à la mémoire des victimes de l’eugénisme et de l’euthanasie est inscrit : Mensch achteden Menschen, ce qui peut se traduire par : homme, veille sur l’Homme !
Que les hommes politiques français prennent exemple sur les acteurs de l’après-guerre, qui eurent à cœur de condamner la frénésie mortifère nazie, de restaurer les liens sociaux détruits par la suspicion, et de réconcilier l’humanité avec elle-même.
