Appelé à régner comme 267e pape, le cardinal Robert Francis Prevost, 69 ans, s’est choisi comme nom Léon, donnant déjà des indications sur sa manière d’appréhender le ministère pétrinien qui s’ouvre à lui autant que ses premiers mots prononcés en cette soirée du 8 mai à la loggia de la basilique Saint-Pierre, à Rome : « Que la paix soit avec vous tous ! » Le religieux augustinien se place ainsi sous un double parrainage : celui du premier pape et saint Léon, et celui de son prédécesseur Léon XIII.
Le premier a vécu au Ve siècle. Docteur et Père de l’Église, Léon le grand est encore aujourd’hui considéré comme un grand théologien et pasteur. Auteur de sermons réputés, en particulier sur l’Incarnation et la Nativité du Christ, il fut pape de 440 à 461 et contemporain d’Augustin, l’évêque d’Hippone auteur d’une règle religieuse sous laquelle a vécu Robert Francis Prevost avant de devenir évêque de Chiclayo (Pérou) en 2014. Le saint pape fut aussi un défenseur de la foi en la double nature du Fils, inséparablement mais non confusément Dieu et homme comme il l’explique dans son Tome à Flavien, patriarche de Constantinople. Un texte qui inspira les conclusions du concile de Chalcédoine de 451.
Léon XIII, le pape de la Doctrine sociale de l’Église
Plus proche de nous, le pape Léon XIV s’inscrit peut-être surtout dans une filiation avec Léon XIII, élu pape en 1878 et qui resta pape jusqu’en 1903. Premier pape filmé, Vincenzo Pecci est aussi le pape qui détient un étonnant record : celui du nombre d’encycliques publiées, pas moins de 86 ! Mais une a retenu l’attention de la postérité, Rerum novarum, publiée en 1891. Ce texte novateur marque les débuts de la Doctrine sociale de l’Église, cet ensemble de principes pour la vie politique et sociale, ordonné autour du souci du bien commun, de la destination universelle des biens et de la subsidiarité. Pour les Français, Léon XIII est aussi le pape du ralliement des catholiques à la République, qui fut d’abord accueilli froidement par les fidèles hexagonaux échauffés par l’anticléricalisme ambiant.
Si Robert Francis Prevost est Français par son père, il est fort probable que ce souvenir ne lui soit pas venu à l’esprit en choisissant son nom. Mais plutôt ce souci de Léon XIII, considéré comme le pape des ouvriers, de parler au monde et d’engager les catholiques à être, dans la société, des témoins de la charité. Plus précisément, en sélectionnant son nom de Léon XIV, le nouveau pape a voulu situer son pontificat dans le contexte de la « révolution numérique », a assuré le cardinal Ladislav Nemet, archevêque de Belgrade, qui était le voisin de table du pape lors du dîner qui a suivi son élection, 8 mai 2025, à la radio-télévision croate HRT. « Son nom est son programme » a-t-il ajouté, expliquant que le nouveau Souverain pontife a expliqué avoir choisi ce nom afin de « donner plus d'attention aux questions d'ordre social dans le monde, et aux questions de justice ».
Une autre proximité est peut-être moins connue mais plus intime. « Léon XIII, quand il était jeune, venait souvent dans une paroisse des pères augustiniens à Rome » a continué le cardinal Nemet. Il s’agit probablement de l’église Sant’Agostino in Campo Marzio, où est enterrée sainte Monique et que connaît bien le cardinal Prevost. Léon XIII fut d’ailleurs à l’origine d’un renouveau de l’ordre de Saint-Augustin à partir de 1881, après une période de déclin. Il a aussi canonisé sainte Rita, patronne des « causes désespérées » et assurément religieuse augustinienne la plus connue. Vincenzo Pecci fut aussi un réformateur, et encouragea la renaissance études thomistes. Après un pontificat de 25 ans, parmi les plus longs de l’histoire de la papauté, il est mort à 93 ans. Augure pour Léon XIV ? Dieu seul sait jusqu’à quel point Robert Francis Prevost sera fidèle à son auguste parrain.

