Depuis la mort du pape François le 21 avril, tous les regards sont tournés vers Rome. Funérailles, congrégations générales, conclave puis élection d’un nouveau successeur de Pierre, c’est bien Rome qui est au centre des attentions, comme capitale du monde catholique. Aborder le monde catholique par la démographie est une approche intéressante, mais incomplète pour comprendre les forces et les mouvements en cours. À Rome, de très nombreux prêtres du monde entier sont formés, notamment dans les universités pontificales, dont les plus célèbres sont l’Urbanienne et la Grégorienne. À quoi s’ajoutent de nombreux séminaires et centres d’étude qui accueillent des étudiants et des séminaristes par pays ou par continent, comme le Séminaire français et le Collège pontifical nord-américain.
Ces années d’étude à Rome apportent, outre la formation intellectuelle et théologique, un esprit de rattachement à la ville éternelle, une vision mondiale de l’Église, notamment grâce aux rencontres avec les autres étudiants. Ce qui est infusé, c’est l’idée de la romanité, transmise ensuite dans les diocèses où les prêtres sont en fonction. Cette centralité romaine est également marquée par les canonisations, qui se tiennent place Saint-Pierre. Là aussi, quel que soit le lieu d’origine du futur saint, c’est à Rome qu’il est canonisé et c’est donc à Rome qu’il faut venir pour assister à la canonisation [depuis 2005, les béatifications sont célébrées dans le diocèse d’origine, Ndlr]. Cette centralité rappelle le caractère universel du saint.
Que le cardinal élu pape soit originaire d’Italie, d’Europe ou d’ailleurs ne change rien à cette centralité de Rome, puisque le pape est l’évêque de Rome et le successeur de Pierre.
Les pèlerinages, sur les tombes de Pierre et de Paul, la visite des catacombes, de la basilique Saint-Pierre et des musées du Vatican, contribuent également à cette centralisation, tout comme les années jubilaires, comme 2025, où des milliers de pèlerins convergent vers Rome. La centralisation permet de diffuser un esprit commun, qui soit réellement "romain", c'est-à-dire universel, et de rattacher le catholicisme à des lieux précis, à une histoire, à des souvenirs. Elle permet également à tous les catholiques, qu’ils soient ou non venus à Rome, d’avoir les mêmes références spirituelles et culturelles, élément essentiel pour l’unité de l’Église. Que le cardinal élu pape soit originaire d’Italie, d’Europe ou d’ailleurs ne change rien à cette centralité de Rome, puisque le pape est l’évêque de Rome et le successeur de Pierre.
Dynamiques culturelles
À cette centralité romaine physique s’ajoutent d’autres dynamiques dans le monde catholique, notamment celles qui concernent la culture et le monde intellectuel. La publication de revues, l’existence d’universités réputées, pour former des prêtres et des chrétiens laïcs, la présence de journaux et de médias importants contribuent aussi à façonner le monde catholique.
Les États-Unis jouent à cet égard un rôle majeur dans le monde catholique actuel. Avec leurs universités catholiques dont l’aura dépasse les frontières de leur pays, avec de nombreux médias en ligne qui, anglais aidant, peuvent être lus et regardés bien au-delà des États-Unis, ils contribuent à imposer les débats et les thèmes dans l’ensemble de la catholicité. La France conserve encore une influence culturelle dans le monde chrétien contemporain, là aussi grâce à ses médias, ses maisons d’édition, ses professeurs, théologiens, intellectuels, etc. Ce qui fait que si Rome est le centre du monde catholique, il y a également d’autres centres, qui passent par les villes universitaires et les capitales culturelles.
Dynamiques financières
Enfin, l’autre dynamique structurante est celle de la finance. Les catholiques américains et allemands sont ceux qui financent le plus le Saint-Siège, grâce à leurs dons. À quoi s’ajoute le financement des ONG et des associations, dont un certain nombre interviennent dans les pays en développement, parfois en imposant les idées du nord aux pays du sud.
Cette dynamique financière concerne de nombreuses structures. Elle permet l’envoi d’étudiants, de médecins, d’humanitaires, donc de liens entre les centres et les périphéries, moyen de lier les deux et d’unir le monde catholique. Ces liens, qui sont autant de flux, permettent de relier les points entre eux, que ces points soient des centres ou des périphéries, et ainsi de tisser l’espace du catholicisme.
C’est dans ces dynamiques que le nouveau pape devra inscrire son action, entre les centres, essentiels, car ils sont les moteurs du monde catholiques, et les périphéries, qui sont autant de lieux à évangéliser et à intégrer.
