Les médias n’auront jamais autant employé le mot "pape" que ces dernières semaines. Depuis la mort de François le 21 avril et alors que le conclave approche, le Pape est au cœur des discussions. Bien que le mot soit aussi passé dans le langage courant – on parle du "pape de la mode" ou du "pape du rock" pour désigner une figure d’autorité incontestée –, le ‘véritable’ pape, chef de l’Église catholique, possède en réalité une multiplicité de titres riches de sens. Évêque de Rome, Vicaire du Christ, serviteur des serviteurs de Dieu… chacun de ses titres éclaire une dimension de sa fonction : autorité doctrinale, responsabilité pastorale, pouvoir spirituel ou encore rôle politique. À travers ces désignations, souvent anciennes, solennelles et parfois méconnues, se dessine la complexité d’une figure unique, à la croisée du sacré et du temporel.
Les titres temporels d’abord. Le Pape est l’évêque de Rome. Il s’agit du plus ancien et plus important titre. C’est d’ailleurs symboliquement en tant que prêtres et diacres du diocèse de Rome que les cardinaux élisent le Pape. Il est également "primat d’Italie" et "archevêque et métropolite de la province romaine". Ces appellations rappellent son enracinement dans une structure ecclésiastique locale tout en soulignant sa primauté au sein de l’épiscopat italien. Côté politique, le Pape est aussi le "souverain de l’État de la Cité du Vatican", un titre apparu dès les accords du Latran en 1929 afin de marquer la souveraineté pontificale sur l’État du Vatican. Ce statut fait de lui un chef d’État à part entière, reconnu sur la scène diplomatique internationale.
Le rôle spirituel du Pape
Et puis il y a ces autres titres, ceux qui évoquent directement le rôle spirituel du Pape. Il est parfois appelé "Serviteur des serviteurs de Dieu". Un titre ancien, qui est réservé aux papes à partir du XIIIe siècle. Ajouté à la titulature du pape par Paul VI (1963-1978) après le concile Vatican II, il fait indirectement référence au message donné par le Christ à Pierre par le lavement des pieds lors de la dernière Cène. Ce geste d’humilité, inscrit au cœur de la liturgie chrétienne, trouve ainsi un écho dans cette formule empreinte de service. Depuis des siècles d’ailleurs, les papes signent leurs documents officiels avec l’abréviation "PP", qui signifie Pastor Pastorum. Cette expression latine, traduite par "Pasteur des pasteurs", renforce l’idée d’un guide suprême au sein du clergé, chargé de veiller sur ceux qui eux-mêmes veillent sur les fidèles.
Dans les premiers siècles du christianisme, on évoquait le "Successeur de saint Pierre et saint Paul" pour parler du Pape. Tous les papes ont insisté sur la double apostolicité du siège de Rome. Les deux apôtres Pierre et Paul étant morts martyrs à Rome, ce qui donne à la Ville son rang unique parmi les autres sièges apostoliques. Cette double filiation renforce l’autorité doctrinale du Pape, qui s’inscrit dans une continuité directe avec les fondements mêmes de l’Église. Au fil des siècles, le titre "Successeur de Pierre" a pris le dessus, mettant en avant la mission pastorale et d’enseignement transmise par le Christ à l’apôtre.
D’autres titres, parfois jugés plus ronflants, n’en demeurent pas moins révélateurs du rôle du Pape. Celui de Pontifex Maximus mérite ainsi de s’y arrêter. Il est tiré du mot latin pons, qui signifie pont, car le Pape est appelé à établir de nombreux ponts au sein de l’Église mais aussi en dehors. D’origine païenne, ce titre était autrefois porté par les grands prêtres de la Rome antique. Sa reprise par les papes illustre une volonté d’universalité, de lien entre le divin et l’humain, entre tradition et renouveau. Le Pape devient ainsi un constructeur de passerelles entre les peuples, les cultures, les religions, et les époques.

