Évêque de Caloocan, Mgr Pablo Virgilio David est un des trois cardinaux électeur philippin et le dixième évêque de l’histoire de l’archipel à revêtir la pourpre. Respecté par ses pairs, et voix forte dans la société philippine, il est depuis 2021 le président de la conférence épiscopale de son pays, qui compte la troisième population catholique du monde (plus de 76 millions de fidèles). Le visage toujours souriant de Mgr David tranche avec sa grande pugnacité. Pasteur engagé, il fait partie des trois cardinaux électeurs philippins.
Président de la conférence épiscopale de son pays depuis 2001, il ne cesse de s'investir dans la défense de la population et n'hésite pas à lutter contre des mesures gouvernementales qu'il juge inapproprié. Sans langue de bois, il critique farouchement les méthodes utilisées par le président Rodrigo Duterte (qui a dirigé le pays de 2016 à 2022, ndlr) pour lutter contre les narcotrafiquants, ce qui lui a valu une violente hostilité du chef d'État et des menaces de mort. Il porte l’héritage du cardinal Jaime Sin (1928-2005) qui avait été un contre-pouvoir essentiel permettant la chute du dictateur Ferdinand Marcos. Le fils de ce dernier, Ferdinand Marcos Jr., est devenu président du pays en 2022.

Né en 1959 à San Fernando, au nord de la capitale Manille, il est le dixième d’une famille de treize enfants dans laquelle la foi est centrale – sa mère est une membre active de la Ligue des femmes catholiques. Dans cette place forte historique du catholicisme philippin, il est normal que chaque famille donne un prêtre, et la vocation précoce du jeune Pablo Virgilio, qui demande à rejoindre le petit séminaire à 10 ans, permet à sa famille d’honorer cette tradition.
Sa formation correspond à la période de la junte militaire de Ferdinand Marcos, pendant laquelle le jeune "Ambo", en recherche de sens, va se rapprocher de mouvements de gauche anti-nationalistes, et ce au point que sa vocation est un temps mise en cause. Il poursuit cependant sa formation et est finalement ordonné à 24 ans en 1983. Dans la paroisse où il est nommé, le prêtre aux cheveux longs continue à s’engager sur le plan politique et commence à attirer dangereusement l’attention des autorités.
Sa mère et son grand frère Randy, un sociologue reconnu, le mettent alors en garde contre le danger de devenir un dissident au sein de l’Église, mais c’est son évêque qui trouve une solution en décidant de l’envoyer faire des études à l’étranger. Le père David choisit alors de se rendre à Louvain, en Belgique, parce qu’il considère cette université catholique progressiste.
Formé à Louvain
En Belgique, le père David se forme et prend de la distance avec ses combats de jeunesse. Il obtient un doctorat en théologie, puis est envoyé à l’École biblique de Jérusalem, où il apprend l’araméen pour poursuivre ses travaux sur le Livre de Daniel. Pendant son séjour, il travaille en outre au consulat philippin. Le père David retourne chez lui en 1991 et enseigne les Écritures sacrées dans son séminaire archidiocésain, se distinguant aussi comme auteur d’ouvrages de vulgarisation notamment. En 2002, il prend la tête du département de théologie, devient le vice-président de l’association des biblistes catholiques des Philippines, et vice-président des médias du diocèse.
Un évêque dans les bidonvilles
En 2006, Benoît XVI le nomme évêque auxiliaire de San Fernando, où il gagne le surnom de "Bishop Ambo" ou "Apung Ambo" ("petit-fils Ambo", en tagalog). Il se distingue comme un bon administrateur, notamment dans la gestion des biens de l’Église, et comme un pasteur engagé, prenant la défense de la population contre les violences des conflits entre narcotrafiquants. Pendant cette période, il reprend aussi le contrôle du sanctuaire marial d’Apung Mamakalulu, qui était tombé dans les mains d’intérêts privés, et en fait un lieu de pèlerinage populaire important.
En 2015, le pape François le nomme évêque de Caloocan, qui compte plus d’un million de fidèles vivant dans des conditions très pauvres. La cathédrale de ce diocèse est entourée de bidonvilles, et son nouvel évêque va s’engager avec conviction pour servir sa population. Lorsque le président Rodrigo Duterte lance sa guerre contre la drogue, Mgr David condamne les exécutions sans jugement de plus de 10.000 personnes, souvent issues des milieux les plus pauvres de son diocèse. Cela lui vaut d’être directement menacé par le président Duterte, qui l’accuse de soutenir les narcotrafiquants. Il refuse d’être placé sous protection. Mgr David ouvre de nombreuses "stations missionnaires" inspirées de celles existant en Amérique du Sud pour se rapprocher des périphéries de son diocèse. Durant son temps libre, il aime s’adonner au jardinage, une passion qu’il a en commun avec ses sœurs dont il est très proche.
Une voix importante aux Philippines
En 2017, il est élu vice-président de la conférence épiscopale des Philippines, puis président le 8 juillet 2021. En 2019, il s’est vu remettre le prix Buka Palad par l’Université de Manille pour honorer son service des plus pauvres et son combat contre l’injustice et la violence. À Rome, Mgr David a participé aux deux assemblées des Synodes sur la synodalité, et c’est lors de la seconde assemblée qu’il a appris sa création cardinalice. "Il faut espérer que cette nouvelle nomination donnera plus de crédibilité et de légitimité à la résistance aux politiques gouvernementales qui violent les droits de l’homme et piétinent la dignité humaine", a alors affirmé celui qui refuse qu’on l’appelle "Éminence".
Profil du cardinal Pablo Virgilio David
Ordination : 12 mars 1983
Ordination épiscopale : 10 juillet 2006
Consistoire : 7 décembre 2024
Créé cardinal par : François
Famille spirituelle : Diocésain
Langues parlées : Anglais, Italien, tagalog
Rang et paroisse : Cardinal-prêtre de la Trasfigurazione di Nostro Signore Gesù Cristo
Distance de Rome : 10.385 km
Membre de la Curie : Non
Parle italien : Oui