PAPE LÉON XIV
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Le moment est particulièrement émouvant. Ce mercredi 7 mai en fin d'après-midi, les 133 cardinaux électeurs sont entrés en procession de la chapelle Pauline à la chapelle Sixtine, au rythme de la litanie des saints. Après avoir prêté serment, la main posée sur l’Évangile, l’un après l’autre, le maître des célébrations liturgiques Mgr Diego Ravelli, a prononcé la fameuse formule Extra Omnes ! – Tous dehors. La diffusion s'est alors immédiatement arrêtée. Les cardinaux sont désormais isolés du monde, seuls sous le regard de Dieu et portés par l'Esprit saint. Un processus immuable qui fascine autant qu'il intrigue. Les modalités pratiques de l’élection du prochain pape ont été décrites avec précision dans la Constitution apostolique Universi dominici gregis, promulguée par Jean Paul II (1978-2005) le 22 février 1996, modifiée ensuite par deux Motu proprio de Benoît XVI, en 2007 et 2013.
Que va-t-il se passer désormais ? Une fois les portes de la chapelle Sixtine fermées, les cardinaux commencent par tirer au sort neuf d’entre eux, pour désigner trois scrutateurs, trois délégués "infirmari" pour recueillir éventuellement les votes d’un cardinal malade – cela pourrait être le cas pour le cardinal Vinko Puljic – et trois réviseurs, chargés de vérifier le travail des scrutateurs, responsables quant à eux du dépouillement des bulletins de vote. Ces derniers se placent près de l’autel, sous la fresque du Jugement dernier de Michel-Ange. Tous les cardinaux sont tenus d'écrire à la main le nom de celui pour qui ils souhaitent voter sur des bulletins rectangulaires, en prenant soin d’éviter que l’on puisse reconnaître leur écriture. Pliant et repliant leurs bulletins, ils se rendent ensuite un par un jusqu’à l’autel, la main levée, toujours selon l’ordre de préséance. "Testor Christum Dominum, qui me iudicaturus est, me eum eligere, quem secundum Deum iudico eligi debere ", diront-ils alors à haute voix – "Je prends à témoin le Seigneur Christ, qui me jugera, que mon vote est donné à celui qui, selon Dieu, doit être élu". Puis ils doivent faire glisser leur bulletin, à l’aide d’un plateau, dans l’urne placée sur l’autel, avant de s’incliner devant l’autel et de regagner leur place.
S’il y a des cardinaux retenus dans leur chambre par la maladie, les trois ‘infirmarii’, qui votent parmi les premiers, se rendent auprès d’eux dans la Maison Sainte-Marthe, avec quelques bulletins et une urne vide fermée à clef, munie d’une fente, pour recueillir leurs votes. À leur retour, la boîte sera ouverte par les scrutateurs, qui mettront dans l’urne les bulletins qu’elle contient.
Fumée noire, fumée blanche
Quand tous les cardinaux ont voté, l’un des scrutateurs agite l’urne plusieurs fois pour mélanger les papiers et un autre les compte, prenant ostensiblement chacun des bulletins pour les déposer dans une urne vide préparée à cet effet. Assis à une table placée devant l’autel, les trois scrutateurs se passent chaque bulletin, le troisième étant chargé de lire les noms à haute voix et de les noter au fur et à mesure. En même temps, il perfore les bulletins avec une aiguille et du fil, les enfilant les uns à la suite des autres pour qu’aucun ne se perde. À l’issue du dépouillement, les scrutateurs comptent les voix obtenues et en notent les résultats sur une feuille séparée. Puis les cardinaux réviseurs viennent vérifier tant les bulletins que les relevés des suffrages.
Les deux-tiers des voix des cardinaux présents au conclave sont nécessaires pour élire le pape, avec une voix supplémentaire dans le cas où leur nombre ne serait pas divisible par trois. Les électeurs étant au nombre de 133, c’est donc 89 voix qui seront exigées pour cette élection. Tant que ce chiffre ne sera pas atteint, les cardinaux se réuniront deux fois par jour pour procéder chaque fois à deux scrutins. Si trois journées se passent sans résultat, le scrutin est interrompu "pendant un jour au maximum, afin de laisser place à la prière" et "à un libre échange entre les votants". À la fin de chaque demi-journée, les bulletins et les notes éventuelles des cardinaux sont brûlés sur place par les scrutateurs, avec l’aide du secrétaire du collège des cardinaux et des cérémoniaires, rappelés entre-temps. La fumée du feu qui les consume, noircie grâce à une substance chimique particulière envoyée par un second poêle électronique, indique aux observateurs extérieurs que le pape n’a pas encore été élu. Depuis le conclave d’avril 2005, la chapelle Sixtine est ainsi équipée d’un poêle pour les bulletins et d’un appareil à fumigènes.
Habemus Papam
Pour mémoire, le système de fumée a été créé lors du conclave de 1878 pour impliquer symboliquement les Romains dans le processus de l’élection, en souvenir du temps ancien, avant le XIe siècle, où ils participaient au choix de leur évêque. Depuis le début du XXe siècle, aucun des neuf papes élus n’a eu besoin de plus de quatre jours de conclave, soit une quinzaine de scrutins, pour accéder au trône de Pierre.
Quand le pape est finalement élu, le dernier des cardinaux diacres appelle dans la chapelle Sixtine le secrétaire du collège des cardinaux et le maître des célébrations liturgiques pontificales. Le cardinal (président) Pietro Parolin, au nom de tout le collège, demande alors officiellement au cardinal élu s’il accepte sa charge et le nom qu'il choisit. Le nouveau Pape devient officiellement le chef de l’Église catholique lorsqu'il accepte officiellement devant l’ensemble des cardinaux électeurs. Ce "oui" n’est pas une simple formalité. Il engage toute une vie. Il résonne comme une réponse intérieure à un appel et rappelle le "Fiat" de la Vierge Marie à l’Annonciation, ce "qu’il me soit fait selon ta parole" par lequel elle accueille, dans la foi, sa vocation unique.
Les derniers bulletins sont alors brûlés et un fumigène spécial produira cette fois une fumée blanche, indiquant l’issue du scrutin. Pendant que la foule se rassemblera sur la place Saint-Pierre, le nouveau pape revêtira les ornements pontificaux, trois soutanes blanches de tailles différentes ayant été préparées dans la ‘Salle des pleurs’ située à côté de la Chapelle Sixtine. Les cardinaux rendront ensuite hommage un par un au nouveau pontife, tout en lui promettant obéissance. Puis le cardinal Dominique Mamberti, protodiacre, se rendra sur la loggia centrale de la basilique vaticane, et annoncera à tous, en latin, le nom du nouveau pape :
"Annuntio vobis gaudium magnum ;
Habemus papam :
Eminentissimum ac Reverendissimum Dominum,
Dominum N.…,
Sanctae Romanae Ecclesiae Cardinalem N.…,
qui sibi nomen imposuit N.…."
Soit :
"Je vous annonce une grande joie ;
Nous avons un pape :
Le très éminent et très révérend Maître N… (Prénom),
Cardinal de la Sainte Église Romaine N… (Nom),
qui s’est choisi le nom de N… "
Peu de temps après, le nouveau pape, après un temps de prière et d’adoration dans la chapelle Pauline, apparaît à son tour pour donner sa première bénédiction apostolique Urbi et Orbi et adresser ses premiers mots aux fidèles, une pratique qui remonte à Jean-Paul Ier (1978).
