PAPE LÉON XIV
Inscrivez-vous gratuitement à notre newsletter quotidienne.
Il est toujours périlleux de s'avancer sur le terrain de ce que pourrait ou, pire, devrait être un pape pour l'Église. Chaque pontificat est la rencontre entre une histoire personnelle, culturelle, intellectuelle et spirituelle et l'Église dans sa catholicité. En ce sens, les pontificats regorgent toujours de motifs d'étonnements de la part tant de l'Église que du monde. Imaginait-on le pape Roncalli, si traditionnel dans sa piété et sa liturgie, convoquer un concile pour faire un aggiornamento ? Imaginait-on Benoît XVI, façonné par de longues années aux côtés de Jean Paul II resté à la tête de la barque jusqu'à son ultime souffle, prendre la décision révolutionnaire d'une renonciation ? Pour quiconque croit au Saint-Esprit et à son action dans l'Église, se projeter dans un pontificat expose à bien des erreurs d'appréciation et de compréhension des "signes des temps". Que pourrait-on néanmoins essayer d'y discerner pour esquisser quelques-uns des grands défis des années à venir dans l'Église ?
Une Église pleinement mondialisée
Il apparaît en premier lieu que celle-ci doit relever un défi fondamental qui est celui du parachèvement de sa mondialisation. Si la démographie des fidèles avait depuis longtemps montré que l'Europe n'était plus le centre de l'Église, c'est désormais largement vrai aussi sur le plan de sa théologie — songeons à l'importance de la théologie latino-américaine du peuple dans le pontificat de François —, de son ecclésiologie, comme le montre par exemple la lecture importante que fait le cardinal Tagle du concile Vatican II, ou encore sur le plan du gouvernement de l'Église romaine dont une majorité de cardinaux électeurs n'est pas européenne. Que l'on ne s'y méprenne pas : il ne suffit pas de penser la romanité traditionnelle habitée par des chrétiens de tous les horizons du monde pour comprendre l'ampleur du bouleversement vécu.
Comment le gouvernement de l'Église prend-il vraiment en considération la pluralité des mentalités et cultures d'une catholicité qui n'a jamais aussi pertinemment porté son nom ? Comment Rome, avec sa tradition théologique, spirituelle et liturgique et son lien intrinsèque avec le ministère d'unité du successeur de Pierre, parvient-elle à ne pas se laisser enfermer dans un rôle facile de musée de la chrétienté européenne ? Cela ne doit nullement consister en un abandon de la destination universelle de son patrimoine. Plus profondément, si l’on avance à la suite de Benoît XVI que la rencontre entre la Révélation judéo-chrétienne et le monde gréco-romain n'est pas le fruit d'une simple contingence historique mais un don providentiel pour la pensée tout autant que la culture dans la diversité de ce qu’elle recouvre, il est crucial de conserver et de transmettre à nouveaux frais de tels trésors à tout le monde catholique.
L’attente d’un "échange des dons"
Nous ne ferons pas pour autant l'économie d'une réflexion sur la manière dont une rencontre similaire est à espérer avec la richesse de patrimoines et de cultures que l'Église n'a découverts que récemment. Quelles sont les cultures gréco-latines des débuts du troisième millénaire et, question plus vertigineuse encore, combien sont-elles ? Combien plus simple serait ce défi s'il n'y avait pas en parallèle celui de l'immensité et de la profondeur de la sécularisation des pays occidentaux ?
Jean Paul II évoquait fréquemment, notamment entre Est et Ouest de la fin de la Guerre froide l'attente d'un "échange des dons". L'Église est certainement appelée aujourd’hui à vivre un chemin de communion inédit entre de vastes étendues où le sens de Dieu et du sacré, de la transmission et de la communauté est structurant et des régions qu'elle a jadis modelées où la liberté individuelle, la remise en cause radicale de tout ordre établi et la démolition des mythes façonnent l'esprit du temps. Que le pontife parvienne, comme son étymologie l'y invite, à trouver le langage et l’attitude pour annoncer un Christ "éternellement jeune" dans la vieille Europe désabusée comme dans les périphéries d'hier devenues les nouveaux centres de la catholicité est un défi plein de promesses.
Des chemins nouveaux pourraient apparaître
C'est probablement dans ce vis-à-vis que se trouve un point nodal de l'unité de l’Église actuelle. Le sentiment de délaissement de la chrétienté d'hier comme celui, parallèle, d'incompréhension d'Églises jeunes et missionnaires qui sentent Rome engluée dans des problématiques qui leur sont étrangères sont souvent la matrice de grandes blessures dans la communion… Cette dynamique d’échange de dons dans l’écoute mutuelle, la scrutation commune des Écritures et une vie sacramentelle dense et fervente ne peut certainement aller sans rejaillir sur nos relations avec les autres Églises. Si Rome parvient à créer une plus grande subsidiarité dans l’approche ecclésiale, des chemins nouveaux pourraient apparaître notamment avec l’orthodoxie dans la continuité de ce qui a déjà été déployé par le pape François. L'esprit de synodalité voulu par le même François pourrait précisément conduire à une plus grande compréhension ecclésiale mutuelle avec cette dernière.
C'est certainement à la capacité qu'a l'Église à vivre la communion catholique sans aplanissement fictif ni aplatissement autoritaire des différences, qu'elle sera jugée capable d’œuvrer également pour la sauvegarde et la paix du monde dont elle veut le Salut. Face aux empires renaissants, elle peut être la seule communauté à vocation universelle vécue à rappeler la dignité absolue de la personne humaine, "le cri de la terre et des pauvres" selon l'expression forte de Laudato Si' devant la promesse de destruction engendrée par l'hubris de notre temps. Cette simple énumération peut sembler vertigineuse en comparaison avec la modestie des moyens d'un pontificat. Néanmoins, dès lors que l'Église s'efforce de "bâtir des ponts" comme le Pontifex François l'a particulièrement espéré dans le mare nostrum méditerranéen, elle ne peut que, à bas bruit comme le Christ à Sa résurrection, renverser l'ordre du monde.

![[🔴 DIRECT] La chapelle Sixtine est prête](https://wp.fr.aleteia.org/wp-content/uploads/sites/6/2025/05/Sistine-Chapel-and-installation-of-the-chimney-before-the-start-of-the-conclave-Foto-1.jpeg?resize=300,150&q=75)