Le quatrième dimanche de Pâques, dimanche prochain, est habituellement appelé dimanche du "Bon Pasteur", puisque c’est cet extrait du 10e chapitre de l’évangile de Jean que nous lisons au cours de la messe (Jn 10, 27-30). Il est devenu habituel de prier ce jour pour les vocations de prêtres qui sont appelés à imiter le Christ Bon Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis, et nous ne manquerons pas de le faire dans nos paroisses le 11 mai. Et, nous pourrons aussi prier pour le nouveau souverain pontife qui sera probablement élu d’ici là. Bel auspice que cette fête pour commencer ce si beau ministère.
Pas de plan unique et immuable
La conjonction de tous ces événements amène à réfléchir sur une question qui peut lier le sujet des vocations sacerdotales et celui de l’élection d’un nouveau pape, à savoir le discernement de la volonté de Dieu. Car en matière de discernement vocationnel comme de conclave, on peut parfois avoir une vision caricaturale. On imagine souvent la volonté de Dieu comme un chemin unique et immuable voulu par lui de toute éternité et qui nous sera révélé de manière surnaturelle pour peu que nous consentions à prendre les moyens de vouloir l’entendre.
Ainsi dans l’accompagnement des jeunes qui, à l’âge de construire leur vie, s’interrogent sur leur vocation, nous, prêtres, en rencontrons beaucoup qui sont persuadés que Dieu a pour eux un plan unique et immuable qu’il s’agit de ne pas manquer sous peine d’échapper à la béatitude éternelle. Et il faut bien avouer que les nombreux témoignages vocationnels quasi magiques qui leur sont souvent imposés n’aident pas à dissiper cette illusion. C’est pourquoi, la première étape de l'accompagnement consiste bien souvent à déconstruire cela.
Heureux avec Lui pour toujours
Lorsqu’il est question de la volonté de Dieu pour nous, la seule chose dont nous pouvons être absolument certain, c’est qu’il veut que nous vivions heureux avec lui pour toujours. Ou pour le dire avec les mots de saint Ignace de Loyola : "L’homme est fait pour louer, révérer et servir Dieu notre Seigneur et par là même sauver son âme." C’est la seule affirmation que nous puissions formuler du désir de Dieu pour notre vie. Il veut que nous soyons saints ! La modalité propre que prendra cette vocation à la sainteté dans notre vie est laissée au choix de notre liberté qui doit décider avec l’aide de la grâce de Dieu le meilleur chemin pour parvenir à cette finalité, en fonction des conditions propres et contingentes de notre existence.
Pour élire un pape, les cardinaux n’attendent pas que l’Esprit Saint écrive son nom en lettres de feu sur le marbre de la chapelle Sixtine. Ils ne font pas non plus campagne à la manière du monde cherchant à convaincre les autres que leurs idées sont les bonnes. Mais dans l’écoute et le dialogue, ils se laissent conduire par l’Esprit pour poser en conscience le choix libre de leur vote.
Discerner une vocation, ce n’est pas attendre une théophanie ou un évènement mystique dans lequel nous sera révélée l’intégralité du mystère de notre vie.
De la même manière, discerner une vocation, ce n’est pas attendre une théophanie ou un évènement mystique dans lequel nous sera révélée l’intégralité du mystère de notre vie. Ce n’est pas non plus demander à Dieu de ratifier notre projet de vie. C’est plutôt, en acceptant de se laisser déposséder de nos projets et de nos ambitions, chercher dans la vérité le meilleur chemin qui nous conduira vers Dieu. Et cela se fait à partir du réel de nos vies, en se posant les bonnes questions aux bons moments : quel est mon désir ? Quelles sont mes qualités ? Quels sont mes goûts ? Mes défauts ? Mes blessures ? Et tant d’autres encore. C’est aussi une attention aux événements concrets de notre vie : Qu’est-ce qui me procure le plus de joie ? Comment Dieu agit-il dans ma vie, etc. Et à travers les réponses lues dans la lumière de l’Esprit Saint, choisir le chemin qui me semble le meilleur pour moi.
Avec l’aide de Dieu
Le rituel de l’ordination est en cela assez révélateur car à aucun moment, il ne dit que c’est Dieu qui appelle le candidat à devenir prêtre. C’est l’évêque qui dit : "Avec l’aide de Dieu, nous le choisissons" ; de la même manière que le candidat en s’engageant répond : "Je le veux, avec la grâce de Dieu." Ni l’un ni l’autre ne se prévalent d’un appel de Dieu absolu et immuable, mais ils agissent tous deux librement, ayant longuement discerné, avec le soutien de la grâce. Et dans cet acte, Dieu lui-même vient s’engager, confirmant l’appel de l’Église et le désir du candidat par la grâce sacramentelle.
Il est important de le redire clairement : la volonté de Dieu ne fonctionne pas sur le mode du décret éternel et immuable que nous devrions essayer de déchiffrer pour nous y soumettre. La volonté divine, c’est une coopération d’amour et de liberté en vue d’une communion éternelle. Finalement, discerner une vocation, comme élire un pape, ce n’est pas chercher à percer à jour le mystère de la volonté divine, mais c’est choisir librement et en conscience avec l’aide de Dieu parmi l’ensemble des biens possibles ce qui sera le meilleur en vue de la fin que Dieu a fixée.
