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Clercs rouges et Khmers rouges

His Eminence Cardinal Matteo Maria Zuppi
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Louis Daufresne - publié le 05/05/25
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Les cardinaux vêtus de rouge qui vont choisir le 267e successeur de Pierre sont les serviteurs d’une Église qui ne prétend pas offrir un paradis artificiel fabriqué par l’homme. Tout le contraire, observe notre chroniqueur Louis Daufresne, de l’éphémère religion marxiste des Khmers rouges, pseudo-libérateurs de Phnom Penh il y a cinquante ans.

Avec le conclave, le Loft ecclésial va commencer. Pour les médias mainstream, c’est une séquence people faite de décorum magnifique et désuet, de rituel fumeux déconcertant et de balcon princier. Le huis clos est hyper télégénique, selon la loi des 4 S : Secret, Suspense, Surprise et Stars : c’est un peu comme les Miss France, on veut rester jusqu’au bout pour savoir qui va gagner. À Rome, les cardinaux sont traqués par des journalistes avides de ragots. Mais les soutanes empourprées n’en diront pas plus que les balbutiements d'un joueur de foot en sueur.

Inusable Église de Rome

Sur France Info, des auditeurs se sont plaints que les obsèques du pape François aient donné lieu à une édition spéciale. Ils ont un peu raison : le décalage est abyssal entre l’écho que les médias renvoient de ce sujet d’Église et la place que la foi catholique occupe dans la vie des gens. Pourtant, le conclave ne mérite pas d’être vécu sur le mode du divertissement. Ce n’est pas le successeur du pape François qui sera élu mais celui du premier apôtre, une charge si lourde qu’aucun pontife n’osa jamais porter le nom de Pierre II. Pourquoi cette institution continue-t-elle de braver les assauts du temps ? Parce que la Terre est promise et que la tête est au Ciel. C’est le secret de la longévité de l’Église. L’homme ne peut ni ne doit atteindre le paradis par lui-même, qu’on se le dise ! Combien ce message mériterait d’éditions spéciales ! Le proclamer démentirait les prétentions des religions séculières du XXe siècle qui, en associant l’utopie à la violence, finirent toutes en charnier.

Le drapeau de la désinformation

Osons comparer ici les clercs rouges aux Khmers rouges. La couleur n’a pas les mêmes reflets : les uns sont prêts à subir le martyre, les autres à l’infliger. On commémore cette année le 50e anniversaire de la chute de Phnom Penh. Le 17 avril 1975, la cléricature marxiste française, appuyée par ses relais d’opinion, se livre à l’une des entreprises de désinformation les plus horribles de l’histoire des médias et qui, à ma connaissance, n’est pas étudiée dans les écoles de journalisme. Le journal Libération titre alors que "le drapeau de la résistance flotte sur Phnom Penh" et que la capitale cambodgienne est en train de vivre "sept jours de fête". On vante la "victoire des forces révolutionnaires" qui préfigure la "fin de la famine et de la corruption". Libération savoure, Le Monde aussi exulte.

Le 9 avril dernier, Libé se justifiera en écrivant que "rien – ou si peu (sic) – n’était connu sur l’utopie meurtrière des hommes de Pol Pot". Chose amusante, si l’on peut dire : Libé attribue son aveuglement "à l’absence d’information multisupport en temps réels". En clair, comme il n’y avait ni chaîne d’info ni réseaux sociaux, les journalistes patentés ne pouvaient pas savoir ce qui se préparait vraiment en avril 1975. Quel aveu, contradictoire de surcroît ! Car ce sont les mêmes journalistes qui accusent aujourd’hui les réseaux sociaux de véhiculer des fake news. Et là, dans le cas de la tragédie cambodgienne, Libé se dit que des médias alternatifs auraient pu les empêcher de raconter n’importe quoi… À la vérité, je n’en suis pas sûr. Il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. À l’époque du marxisme flamboyant, les Khmers rouges épousaient le sens de l’histoire. Rien ne pouvait les arrêter, surtout pas nos maoïstes de salon.

La folle Église marxiste

Grand connaisseur du bouddhisme et du Cambodge, le père François Ponchaud, mort en janvier de cette année à 85 ans, déplorait lui-même que l’intelligentsia fût, face au génocide, dans le plus grand déni. C’est facile à comprendre : la gauche est une Église. Son extrême est son avant-garde. Sa mission vise à libérer les damnés de la Terre et à faire advenir une société sans classes. Un tel programme peut tout justifier. Et si cette libération passe par l’esclavage, c’est juste un mauvais moment à passer. Problème : purifier le monde des "inégalités" implique d’éliminer les hommes qui en sont porteurs. Même si la gauche se focalise sur les structures, au bout du compte, ce sont toujours des hommes qu'on tue. Les Khmers rouges aboliront l’argent, le commerce, extermineront les intellectuels, afin qu’il n’y ait plus "ni riches, ni pauvres" (c'est un de leur slogan). Pol Pot sera leur saint Paul. L’homme est fasciné par Rousseau et son contrat social. Ce missionnaire marxiste sort du séminaire français du Parti communiste. Son apostolat ne pouvait virer qu’à la folie meurtrière, ce que laissait présager l’expérience de François Bizot, racontée dans Le Portail, lorsqu’il fut fait prisonnier par le tortionnaire en chef "Douch" en zone communiste dès 1971. Après la chute de Phnom Penh, un tiers du pays périra dans les champs de la mort.

Si les Vietnamiens n’avaient pas renversé les Khmers rouges en 1979, ces Robespierre en krama auraient continué à tuer des millions d’hommes. Pour quoi ? Pour l’égalité et pour régénérer la nation, ancrée dans l’état de nature fantasmé du paysan khmer. La longue histoire de l’Église protège les clercs rouges de tout délire, alors que les religions séculières, jurant de faire du passé table rase, libèrent les pulsions les plus mortifères qui gisent en nous.

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