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Faut-il chasser l’intelligence artificielle de l’école dès maintenant ?

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Mathilde de Robien - publié le 04/05/25
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L’intelligence artificielle (IA) a fait irruption à l’école, aussi bien du côté des élèves que chez les enseignants. Une nouvelle donne qui exige de repenser l’enseignement et de trouver un juste équilibre.

PAPE LÉON XIV

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"Impossible pour moi de revenir en arrière !", estime Timothée, 18 ans, en première année de classes préparatoires aux concours d'écoles d'ingénieur. "Je me sers énormément de l'IA ! Pour résumer les cours et faire des fiches, m'entraîner pour les colles, revoir une notion que je n'ai pas comprise..." Pour le jeune étudiant, l'IA est une aide, et il n'est pas le seul. En février, Élisabeth Borne, ministre de l’Éducation nationale, reconnaissait que "la quasi-totalité des lycéens et étudiants utilisent régulièrement l'IA". Si les jeunes enfants sont moins concernés, ils ne sont pas en reste : selon le dernier baromètre "Enfance et Numérique" de la Fondation pour l’Enfance publié le 29 janvier dernier, 26% des parents ont déjà proposé à leur enfant d’avoir recours à l’intelligence artificielle pour faire leurs devoirs en primaire (dont 10% régulièrement). De nouvelles habitudes qui bouleversent profondément la manière d’apprendre et d’enseigner. Pour réguler ces nouveaux usages, le ministère doit publier "au printemps" une charte pour une utilisation éthique et raisonnée de l'IA à l'école. Le document devrait notamment préciser la manière dont pourront être utilisées les IA grand public. Et dès la rentrée 2025, collégiens et lycéens bénéficieront d'une formation en ligne à l'IA, avec des sessions obligatoires sur le logiciel Pix pour les élèves de 4e et de seconde, portant sur les bases du prompting (comment poser des questions à l’IA), le fonctionnement des IA génératives, ou encore la gestion des données personnelles et l’impact environnemental.

Nul établissement du second degré n’y échappe - que ce soit dans le public ou dans le privé -, depuis l’arrivée de ChatGPT fin 2022, l’intelligence artificielle a fait irruption dans le cadre scolaire, et en premier lieu chez les élèves. Les experts s’accordent à dire que l’usage doit être régulé, mais nul ne sait comment ni jusqu’où. "Il y a deux choses dont on est sûr : d’une part, que l’usage de l’IA est massif chez les élèves, et d’autre part, qu’on ne comprend que très peu de choses à ce qui est en train de se passer", a résumé Pierre-Yves Oudeyer, chercheur en sciences cognitives et en intelligence artificielle à l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) lors d’une conférence au Centre national d’étude des systèmes scolaires (Cnesco) en novembre 2024.

Repenser l’enseignement en composant avec l’IA

"Face à l’IA, l’école ne sait pas trop sur quel pied danser", abonde Blandine Coudert, professeur d'histoire géographie à Tours depuis une dizaine d’années et membre active du collectif "Éducation Numérique Raisonnée". Mais il y a urgence à s’adapter. "Mis à part peut-être chez les 6e qui sont assez consciencieux, l’IA est utilisée dans toutes les classes", constate-t-elle. "En cas de devoirs à la maison, il y a systématiquement de la triche ou du plagiat avec l’IA générative. Beaucoup d’élèves font leurs devoirs avec bonne foi mais on ne peut plus noter ce genre d’exercice parce qu’on ne sait pas si ce sont eux qui l’ont fait ou pas. L’IA peut générer des fautes d’orthographe, une syntaxe médiocre, donc c’est difficile à détecter et à prouver."

Il est essentiel que les élèves comprennent cet outil.

Comment faire ? Pour Blandine Coudert, on ne peut pas chasser l’IA de l’école, mais l’école doit repenser l’enseignement. Une première solution consisterait à dégager davantage de temps pour les évaluations, à faire au sein de l’établissement et non à la maison pour éviter le recours à l'IA. Une autre priorité est d’expliquer aux élèves comment fonctionne l’IA. "Il est essentiel que les élèves comprennent cet outil, qu’ils maîtrisent son origine, son fonctionnement, ses limites…". L’école doit devenir un lieu pour apprivoiser cet outil et développer un esprit critique vis-à-vis de ce dernier.

Néanmoins, l’IA peut aussi s’avérer utile pour les enseignants, en générant un gain de temps leur permettant de se recentrer sur leur cœur de métier. Selon le ministère, moins de 20% des professeurs se saisissent régulièrement de l’IA. Il existe des outils pour préparer ses cours, créer des sujets d’examens et des QCM, corriger des copies… Certains outils facilitent aussi les apprentissages de certains élèves, dyslexiques par exemple, en générant, à partir d’une photo du cours, un document avec une autre police de caractères. D’autres permettent de repérer les décrochages scolaires (en analysant les retards, une baisse des notes etc.). Le développement d’une IA souveraine, ouverte et évolutive, à destination des enseignants, devrait d’ailleurs être lancé cet été par l’Éducation nationale pour être disponible pour l’année scolaire 2026-2027. Un outil pour soutenir les enseignants dans la préparation des cours et l’évaluation des élèves.

Les risques du "tout numérique"

Composer avec l’IA, oui, glisser vers le "tout numérique", non. L’IA ne peut se substituer à l’enseignant. La transmission du savoir passe aussi par la relation humaine. "Il est urgent de redonner confiance en l’intelligence humaine, à travers un enseignement incarné, qui passe par la relation humaine, c’est cela qui fait grandir", souligne le professeur d’histoire. Sous prétexte que l’IA est capable de s’adapter au niveau de l’élève, de proposer des exercices et de donner les corrections, la relation humaine passe au second plan. Or "on progresse beaucoup grâce à l’humain", souligne Blandine Coudert. "Une succession d’exercices générés par l’IA ne remplacera jamais la maîtresse qui s’agenouille auprès d’un élève pour lui expliquer ce qu’il n’a pas compris. La transmission passe par l’empathie, la gestuelle, l’humain !", s'exclame l'enseignante.

Un aspect souligné dans la note du Vatican Antiqua et Nova sur les relations entre intelligence artificielle et intelligence humaine, publiée le 28 janvier 2025. "L’enseignant ne se contente pas de transmettre des connaissances, mais il est aussi un modèle des principales qualités humaines et un inspirateur de la joie de la découverte. Sa présence motive les élèves à la fois par les contenus qu’il enseigne et par l’attention qu’il leur porte. (...) La présence physique de l’enseignant crée une dynamique relationnelle que l’IA ne peut pas reproduire, une dynamique qui approfondit l’engagement et nourrit le développement intégral de l’élève."

La présence physique de l’enseignant crée une dynamique relationnelle que l’IA ne peut pas reproduire.

En outre, un usage abusif de l’IA, que ce soit par les élèves ou les enseignants, est préjudiciable aux apprentissages. "La pensée va s’étioler, les compétences cérébrales s’amenuiser, les élèves ne seront plus capables de rédiger, d’argumenter, d’exercer un esprit critique, ils seront plus facilement manipulables, et donc moins libres", s’inquiète Blandine Coudert, qui voit déjà pointer des inégalités entre les élèves, au niveau du vocabulaire, selon leur degré d'exposition aux écrans. "Or le but de l’école, c’est de former des adultes qui sachent trouver leur place dans le monde." Si certaines IA sont conçues pour développer un esprit critique, "de nombreux programmes se contentent de fournir des réponses au lieu de pousser les élèves à les trouver eux-mêmes", met en garde la note du Vatican. "Au lieu de former les jeunes à accumuler des informations et à fournir des réponses rapides, l’éducation devrait promouvoir des libertés responsables qui savent choisir avec bon sens et intelligence", précise-t-elle.

Le risque aussi, en donnant une place trop grande à l’intelligence artificielle, c’est de dévaloriser l’intelligence humaine. Un enjeu de taille pour les générations à venir. En effet, si ces dernières estiment que l’IA fait mieux qu’elles, à quoi vont-elles servir ? "C’est une question que les jeunes saisissent très finement, il y a un gros enjeu de confiance en soi. C’est pourquoi il faut retrouver la motivation pour apprendre, faire des liens, réfléchir par soi-même…", alerte Blandine Coudert. Aujourd’hui, les jeunes ont besoin d’entendre : "Oui, la machine peut le faire, mais si tu veux être libre, apprends à raisonner et à penser par toi-même !" L'enjeu est aisément compréhensible. Prenons l'exemple de la calculatrice. La première calculatrice, appelée pascaline du nom de son inventeur Blaise Pascal, a été introduite en 1645. Elle "peut" calculer à la place de l'homme. Et pourtant, les enfants continuent d'apprendre le sens des opérations et leurs tables de multiplication. Parce qu'on considère, à juste titre, qu'il est bon de faire marcher leur intelligence - don de l'Esprit saint - pour qu'ils comprennent le monde qui les entoure. Ne laissons pas l'IA mettre en veille l'intelligence humaine.

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