Et si le printemps nous donnait une fois encore de contempler l’œuvre de Dieu ? Le frémissement du vent dans les ramures aux milles verts. Les fleurs qui colorent les prés avant de communier dans l’infini de l’horizon où chacune apporte sans même qu’on le remarque, sa majesté au tout. Les chants de la bergeronnette auxquels répondent ceux du chardonneret que nul n’aperçoit mais qui ne cessent, eux, de vous observer à l’abri des feuillages où ils nichent tranquilles. Le règne végétal, le règne animal au milieu duquel nous sommes disposés. Ces deux règnes que nous prétendons dominer, mais sans lesquels nous ne pourrions vivre. Tout, dans la nature, invite pressement à la communion. La voûte céleste qui rassemble, les murmures du sol et de l’air qui répètent sans fin l’hymne à la vie, et puis nos cœurs enfin, lassés des diktats d’une société qui exige la perfection absolue tout en étant elle-même bien limitée.
La campagne a une âme
Tout commence, dans la Bible, dans un jardin. Tout s’accomplit dans un jardin aussi. Celui des origines où l’homme et la femme sont invités à communier en Dieu et où ils finissent par se cacher, s’en excluant eux-mêmes, lorsqu’ils pensent qu’ils en jouiront davantage comme maîtres que comme bénéficiaires. Celui du matin de Pâques, d’où des femmes annonceront au monde stupéfait que le Créateur n’a jamais renoncé, et ne renoncera jamais, à nous offrir ce que nous prétendions posséder.
"On devrait construire les villes à la campagne. L’air y est tellement plus pur," prétendait le dramaturge Henri Monnier. À défaut de résoudre cet oxymore, il n’est pas inutile pour les citadins de respirer parfois l’air des champs qui nous rappelle que si la ville a une figure, la campagne, elle, a une âme. Le mois de mai, avec ses nombreux ponts, devrait donner à un certain nombre d’entre nous qui vivons entourés de bitume, cette occasion.
Il suffit de se taire
La nature ne se résume pas aux paysages, elle est le canal par lequel se révèle à nos sens, et jusqu’au plus intime, l’inouï du souffle de la vie. Des cimes des montagnes jusqu’aux flots infinis des océans, du plus petit brin d’herbe qu’escalade une fourmi à la goutte d’eau qui désaltère la coccinelle : tout y est révélation. Les mélodies du ciel, les soupirs de la terre, tout nous appelle à ouvrir nos cœurs et nos corps à Celui qui, par chaque créature, révèle l’éternel de sa présence.
Lorsque l’homme paraît au milieu de ce ballet d’animaux, d’arbres, de fleurs, tout semble se figer un peu. Comme si la crainte s’emparait de tous et qu’il fallait attendre, voir venir, espérer. Lorsque l’homme se tait, qu’il s’assoit et regarde, les envols reprennent, les cris et autres gazouillis résonnent à nouveau, le doux frémissement du vivant agite et réjouit. Il suffit de se taire, de regarder, de ne pas imposer sa présence mais de rester, en goûtant pleinement ce privilège que seuls nous détenons : celui d’être la seule créature à qui il soit donné de pouvoir être à la fois actrice et spectatrice de cette vie qui jaillit et déborde. Et d’être, donc, la seule à être responsable du bien de toutes les autres.

