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[HOMÉLIE] Trois excellentes raisons d’obéir au (futur) pape

POPE-FRANCIS-FUNERAL-APRIL-26-2025
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Erwan de Kermenguy - publié le 03/05/25
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Le père Erwan de Kermenguy commente les lectures du 3e dimanche de Pâques. Le dialogue de Jésus avec Pierre après l’épisode de la pêche miraculeuse permet de comprendre pourquoi l’obéissance à Pierre, ses successeurs, et donc au futur pape n’est pas simple, mais qu’elle est possible dans la foi.

Il y a quelques années, des évêques français rencontraient saint Jean Paul II et alors que celui-ci voulait les saluer, le cérémoniaire lui fit signe qu’il devait aller prendre place de l’autre côté de la pièce. Jean Paul II s’en excusa auprès de ses hôtes en disant : « Même le pape doit obéir. » Profitons de l’absence de pape, à quelques heures du conclave, pour rappeler cette vérité aussi évidente que dérangeante : il faut obéir au pape. On ne m’accusera pas de prendre parti pour telle ou telle tendance ecclésiale : je ne sais qui l’Esprit Saint nous enverra comme pape, mais je sais que l’Esprit Saint agit dans le cœur des cardinaux ainsi que dans leur intelligence, et même peut-être dans les calculs politiques qui peuvent influencer une élection. Et je crois — sinon je ne serai pas catholique — que le pape nous sera donné par l’Esprit Saint, plus encore que par les cardinaux.

Je propose trois raisons d’obéir au pape, et par ricochet aux évêques qu’il nous donne (et le prêtre que je suis sait d’expérience que ce n’est pas évident… mais l’obéissance n’aurait aucun prix si elle était facile !) et par délégation aux curés qu’ils nomment (et croyez-moi, les curés tremblent lorsqu’ils doivent assumer cette autorité sur leurs frères, parce qu’on tremble toujours lorsqu’on exerce un ministère divin dans notre propre pauvreté). Il faut obéir au pape, car il est serviteur des serviteurs de Dieu. Il faut obéir au pape, même s’il est pécheur car le pape est un pécheur pardonné. Il faut obéir au pape, car il conduit l’Église dans sa mission d’annoncer l’évangile.

Être pape, c’est d’abord une mort à soi-même. « Un autre te mettra ta ceinture pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller » dit Jésus à Pierre. 

D’abord le pape est serviteur des serviteurs de Dieu. Les médias s’en donnent aujourd’hui à cœur joie de commenter le CV des cardinaux pour savoir quel nom sortira du chapeau à la fin du conclave. Ce qu’ils oublient, c’est que le pape qui sera élu n’a aucune envie de l’être. Le cardinal Jorge-Mario Bergoglio, archevêque de Buenos Aires, avait donné rendez-vous au curé de sa cathédrale après le conclave, car ils avaient tous deux des affaires urgentes à régler. Benoît XVI avait confié ses chats à son frère le temps du conclave… et il ne les a jamais retrouvés. Quant à Jean Paul II, il n’a jamais pu repasser chez lui, de l’autre côté du Rideau de fer, pour récupérer ses affaires. Être pape, c’est d’abord une mort à soi-même. « Un autre te mettra ta ceinture pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller » dit Jésus à Pierre. Chaque pape en fait l’expérience. De façon générale, je peux attester qu’être pasteur d’une communauté chrétienne, ce n’est pas servir ses propres caprices, ni même sa propre vision de l’Église… c’est chercher à servir.

Connaissez-vous ce petit objet crochu qu’on appelle un cure-pied ? On l’utilise pour nettoyer les sabots des chevaux. Il y en a de toutes les couleurs, plus ou moins bon marché, avec ou sans brosse intégré, selon l’imagination des marchands qui cherchent à attirer les adolescentes qui veulent prendre soin de leur poney. Vos curés sont ainsi faits ! Ils sont de tous les styles, de toutes les couleurs, plus ou moins doués… Leur mission est de curer, c’est-à-dire de « prendre soin » : c’est le sens du mot cura en latin, qui a donné aussi bien la cure thermale que le curé de paroisse. Et comme le cure-pied, le curé est souvent au contact de la m… (si vous me passez le mot pour une homélie) pour enlever les cailloux dans la chaussure et tout ce qui nous fait boiter. Rappelez-vous le lavement des pieds.

Benoit XVI savait qu’il allait s’affronter à la misère de l’Église en devenant pape et en ouvrant le dossier de la pédophilie dans l’Église. Croyez-moi, vouloir être pasteur dans l’Église ce n’est pas une ambition politique, mais la volonté de servir, de soigner, de prendre soin. Telle est la cura animarum, la « charge d’âme ». C’est pour cela qu’on appelle le pape, depuis saint Paul VI, « serviteur des serviteurs de Dieu », c’est-à-dire à votre service, vous qui voulez servir Dieu.

François laissera la réputation d’un homme autoritaire avec les clercs, lui qui savait être si bon avec ceux qui sont loin de l’Église. 

Le pape est aussi un pécheur pardonné. En disant cela, qu’il faut obéir au pape parce qu’il est à notre service, je n’oublie pas que le pape est un pécheur. Benoît XVI a peut-être manqué de fermeté, il avait la réputation d’être un homme doux et humble. Saint Jean Paul II a sûrement fatigué ses collaborateurs en ayant trop d’idées à la minute. François laissera la réputation d’un homme autoritaire avec les clercs, lui qui savait être si bon avec ceux qui sont loin de l’Église. Tous ont eu conscience d’être des pécheurs. Si saint Jean Paul II se confessait deux fois par semaine… c’est qu’il avait bien conscience qu’il blessait Dieu et ses frères ! François a voulu consacrer une année entière à la miséricorde, car il savait l’importance du sacrement du pardon, lui qui avait choisi comme devise, comme évêque déjà, Miserando atque eligendo, « choisi parce que pardonné ».

Nous le voyons dans l’évangile de ce dimanche. Jésus demande à Pierre à trois reprises s’il l’aime… (Jn 21, 15) parce que Pierre a renié Jésus à trois reprises. Et Pierre ne s’y trompe pas… Il est peiné de ce rappel qui le renvoie à son propre péché. Et c’est justement à ce moment-là que Jésus lui renouvelle sa confiance et lui demande d’être le berger de l’Église. « Sois le berger de mes agneaux », non pas parce que tu es parfait, mais parce que tu te reconnais pécheur, parce que tu sais que tu es imparfait. L’Église est le rassemblement des pécheurs qui expérimentent la miséricorde. Si vous vous croyez parfaits et sans péchés, je ne suis pas sûr que vous trouverez pleinement votre place dans l’Église. Si vous n’avez pas besoin d’être sauvé, comment auriez-vous besoin de Jésus ? Même la Vierge Marie a été sauvée du péché originel, elle qui est l’Immaculée Conception.

Notre obéissance au pape, à l’évêque, au curé, n’est pas une obéissance aveugle ou militaire. C’est une obéissance dans la confiance que Dieu est à l’œuvre, malgré la misère de nos pasteurs.

Notre obéissance au pape, à l’évêque, au curé, n’est pas une obéissance aveugle ou militaire. C’est une obéissance dans la confiance que Dieu est à l’œuvre, malgré la misère de nos pasteurs. Je pense à sainte Jeanne Jugan, disant à l’abbé Le Pailleur, qui était objectivement un sale type : « Vous m’avez volé mon œuvre, mais je vous la donne de bon cœur. » Aujourd’hui, 150 après la mort de sainte Jeanne Jugan, cette œuvre continue de rayonner au service des personnes âgées les plus démunies, grâce à l’acte de foi en Dieu de cette humble religieuse bretonne. L’obéissance dans les cadres strictement définis par l’Église, et avec toutes les limites et les contre-pouvoirs nécessaires, est un acte de foi qui porte du fruit. Je vous le dis, à la fois comme chrétien obéissant fidèlement à son évêque et au successeur de Pierre, et comme curé qui vous demande d’avancer avec moi dans la confiance, car le Bon Dieu, via l’évêque, m’a chargé de prendre soin de vous, malgré mon péché, mon sale caractère et ma misère.

Enfin, le pape conduit l’Église dans sa mission d’annoncer l’Évangile. La mission des disciples de Jésus est de témoigner de l’Évangile. À travers les actes de tendresse posés dans le monde, à travers le souci des plus petits, à travers aussi les combats politiques, économiques, sociaux, dans lesquels les chrétiens s’engagent avec d’autres… À travers aussi, et de façon inséparable, l’annonce de Jésus, mort et ressuscité, unique sauveur de tous les hommes. La première lecture de ce jour (Ac 5, 28), où nous voyons Pierre en opposition avec les autorités de son temps, nous le rappelle. Nous devons obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Nous n’avons pas à avoir peur des hommes qui nous interdisent de prêcher le Saint Nom de Jésus. Pierre nous redit la mission de l’Église. À ce titre, il n’est pas étonnant que la première exhortation du pape François ait porté sur l’annonce de la Joie de l’Evangile. Il a donné à l’Église un texte remarquable qui doit continuer à guider notre action : le monde a besoin du Salut. Le monde a besoin de Jésus-Christ. Et nous ne sommes plus l’Église catholique si nous cessons d’évangéliser.

Tous les curés le savent, toucher aux horaires de messe, c’est risquer la révolution dans sa paroisse. Et pourtant le pape, successeur de Pierre, nous le redit : il faut oser changer nos habitudes et nos horaires en vue de l’annonce de l’Évangile.

C’est parfois difficile, cela suppose de remettre en question nos manières de faire. Le pape François nous dit ainsi, dans la Joie de l’Evangile, qu’il faut être prêt à remettre en question notre langage et même nos horaires de messe pour qu’ils soient plus adaptés aux non-pratiquants. Tous les curés le savent, toucher aux horaires de messe, c’est risquer la révolution dans sa paroisse. Et pourtant le pape, successeur de Pierre, nous le redit : il faut oser changer nos habitudes et nos horaires en vue de l’annonce de l’Évangile. Car l’Église n’a pas été construite par le Christ pour des messes de cinquante minutes à 10h30 le dimanche matin. L’Église a été voulue comme un phare dans la tempête pour tous ceux qui n’y mettent jamais les pieds.

Il n’est pas simple d’obéir… ni au pape, ni à l’évêque, ni à son curé. Ce n’est possible que dans la foi. Ce n’est possible que si nous décidons, plus en profondeur, d’obéir au Christ. Le curé d’Ars a dit un jour à son évêque : « Je ne vois pas la volonté de Dieu dans ce que vous me dites, mais vous la voyez et donc je vous fais confiance. » Parfois nous avons à dire à Dieu : « Seigneur, je ne comprends pas pourquoi tu m’as donné un curé pareil, ou cet évêque, ou ce pape… mais je décide Te faire confiance. C’est Ton Église et je T’aime. Seigneur, Tu sais tout. Tu sais bien que je T’aime. » 

Lectures du 3e dimanche de Pâques :

Ac 5, 27b-32.40b-41 ; Ap 5, 11-14 ; Jn 21, 1-19
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