Le conclave qui va s’ouvrir ce mercredi 7 mai réveille dans tous les pays qui auront un cardinal dans la chapelle Sixtine, soit tout de même 73 nationalités, l’esprit chauvin qui sommeille en chacun. Avec cinq cardinaux français, sur 133 électeurs, les fidèles hexagonaux veulent croire à un pape qui viendrait de France. La fille aînée de l’Église n’a pourtant pas donné de pasteur à l’Église romaine depuis l’élection de Grégoire XI le 13 décembre 1370. Avant lui, quinze papes étaient venus de territoires aujourd’hui situés sur le territoire national, depuis Sylvestre II en 999. En moins de quatre siècles donc, avec notamment la parenthèse avignonnaise qui donna six successeurs de Pierre à l’Église, entre 1309 et 1378.
Peut-être y a-t-il d’ailleurs là l’une des raisons de l’absence de Français dans la liste des Serviteurs des serviteurs de Dieu depuis 1378. D’une part parce qu’ils ont marqué l’histoire de l’Église par leur départ de Rome, qui a parfois rimé avec l’inféodation au pouvoir capétien. D’autre part parce que la succession de Grégoire XI s’est si mal passée qu’elle est à l’origine du Grand schisme d’Occident. Les partisans d’un pape romain élisent alors Urbain VI, considéré comme le vrai pape, tandis que les Avignonnais lui préfèrent Clément VII, qui rejoint la longue liste des antipapes.
De sérieux appuis
Grégoire XI était-il prédisposé à devenir le successeur de Pierre ? Personne ne l’est jamais, mais il faut reconnaître qu’il eut de sérieux appuis, à commencer par le pape Clément VI, son propre oncle, qui le créa cardinal en 1348. Pierre Roger de Beaufort, de son vrai nom, est originaire du château de Maumont, encore debout, à Rosiers-d’Égletons (Corrèze), et n’a alors que 19 ans. Il est donc d’une famille bien insérée dans la hiérarchie ecclésiale et marquée par la tradition bénédictine. Comme un autre de ses oncles, Hugues Roger, également cardinal, il est prieur de Saint-Martin de Mesvres, fondation clunisienne du diocèse d’Autun.
Alors qu’il n’est pas prêtre, le cardinal Roger est élu pape à l’unanimité lors du premier scrutin du conclave qui fait suite à la mort d’Urbain V, français lui aussi. Il choisit de s’appeler Grégoire, succédant au bienheureux et dixième de ce nom, mort en 1276, mais aussi aux deux saints papes Grégoire le Grand, premier du nom mort en 604 et docteur de l’Église à qui l’on a attribué la paternité du chant grégorien, et Grégoire VII, mort en 1085 et instigateur de la réforme ecclésiale qui porte son nom.
Un pontificat très politique
L’action du pape Grégoire XI a moins marqué les esprits que ces illustres prédécesseurs. Il eut pourtant un pontificat très politique, entre tentatives de réconcilier les rois de France et d’Angleterre et souci de la paix en Italie, notamment pour éviter que la famille milanaise des Visconti n’entraîne le nord de la Botte dans d’interminables conflits. Mais Grégoire XI est surtout le pape qui revint à Rome après que la papauté aura passé presque soixante-dix ans dans la capitale du Comtat-Venaissin. Il annonce sa volonté d’un tel retour dès 1372, et demande confirmation à la grande mystique de son temps, Catherine de Sienne. Qu’il remercie en autorisant qu’on dise la messe là où elle se trouvait avec un autel portatif.
Si les Italiens affirment que leur sainte patronne est celle qui fit revenir le pape près des tombeaux de saint Pierre et de saint Paul, il semble bien que le dernier pape français en soit le véritable moteur. Une petite guerre de chapelle qui n’a pas fini, même si les transalpins ont régné en maître sur le Vatican depuis 1378. Le retour de la France est-il pour bientôt ? Dieu seul le sait.
