Un conclave à l’ère numérique

« Salut tout le monde, c’est le cardinal Timothy Dolan depuis Rome… » L’archevêque de New York, depuis son arrivée dans la Ville éternelle, communique régulièrement sur les réseaux sociaux - vidéos, podcast… « Je vous emmène avec moi, merci pour vos prières ! », assure le cardinal “vlogueur” à la voix rocailleuse, très à l’aise avec les médias et jamais avare d’un bon mot. Il fait ainsi participer ses followers à son pèlerinage dans des basiliques romaines, et leur partage même son aventure devant la porte de la Salle Paul VI où se déroulent les congrégations générales avant le conclave - mais sans révéler le contenu des discussions en cours, qui doivent rester secrètes.

Sur X, on retrouve aussi les très actifs cardinaux américains Joseph Tobin - qui publie en anglais et en espagnol - et Raymond Burke, ou encore le cardinal guinéen Robert Sarah. Les trois hauts prélats - ou leurs équipes - partagent régulièrement leurs méditations spirituelles sans craindre d’y glisser leurs priorités en vue du prochain conclave.  Sur Instagram, c’est le cardinal français François Bustillo qui appelle ses 200.000 followers à le soutenir dans la prière dans de brèves vidéos. 

Interrogé peu avant la mort du pape François, l’évêque d’Ajaccio avait souligné l’importance d’investir ces nouveaux médias : « Les jeunes arrivent d’eux-mêmes aujourd’hui, souvent après avoir vu des vidéos sur TikTok par exemple, et cela les motive à venir suivre la messe, vivre le temps du Carême, préparer la fête de Pâques ». 

Le cardinal Mykola Bychok, éparche de la communauté gréco-catholique ukrainienne d’Australie, s’est pour sa part récemment mis sur Facebook. Le benjamin du collège cardinalice - 45 ans - se retrouve aussi dans un selfie pris par le cardinal portugais Américo Aguilar (51 ans) avec le cardinal d’Oulan-Bator Giorgio Marengo, préfet apostolique d’Oulan-Bator (50 ans) en habits liturgiques dans la basilique Saint-Pierre. Ils forment un petit groupe de “jeunes” cardinaux dans le collège cardinalice.

Mais la star de Facebook est indéniablement le cardinal Luis Antonio Tagle, avec 600.000 followers. Les vidéos du Philippin en train de chanter lors d’un karaoké - une activité qui passionne les habitants de son pays d’origine - ont beaucoup été partagées ces derniers jours.

L’IA et le conclave 

Il y a aussi tout ce qui échappe aux cardinaux. Les adeptes de l’intelligence artificielle, qui aimaient déjà beaucoup détourner les images du pape François, ne chôment pas en cette période de pré-conclave. Certaines créations sont très inventives, par exemple une vidéo de papabili reprenant le format de la présentation de la grille de Formule 1 ou du générique de Friends. 

D’autres plus étranges, comme celle montrant le pape François avec Jésus au Paradis. Des esprits ingénieux français ont aussi développé un jeu, Namethecardinal.com qui permet de vérifier si vous savez reconnaître les 135 cardinaux électeurs - assez difficile pour les débutants, mais très amusant. Un autre propose de constituer une équipe de cardinaux à la manière d’un onze de football.

La question des nouvelles technologies et du numérique, mais surtout de l’IA, sur laquelle le pape François s’était beaucoup investi ces dernières années, pourrait aussi animer les discussions entre cardinaux. Lors de sa prédication devant ces derniers mardi, l’abbé bénédictin Donato Oglieri avait mis en garde les cardinaux contre « la perspective inquiétante qu'un jour nous puissions être asservis à l'IA ». Les cardinaux devront de toute façon se déconnecter prochainement, car aucun message ne doit filtrer pendant le conclave. Adieu téléphone, ordinateur, compte, etc. jusqu’à l’élection du prochain pape.