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Le film “Conclave” reflète-t-il bien ce qui va se jouer ces prochains jours à Rome ?

Film "Conclave" avec Ralph Fiennes.

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Agnès Pinard Legry - publié le 28/04/25
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Le film "Conclave" a connu une explosion de son audience à travers le monde depuis la mort du pape François le 21 avril 2025. Un succès qui ne doit pas faire oublier qu’il s’agit d’une fiction absolument pas fidèle à ce qui se passe lors d’un vrai conclave. "Le film use et abuse des catégories venues du monde politique", explique Pascal Ide, prêtre du diocèse de Paris et passionné de cinéma.

PAPE LÉON XIV

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La mort du pape François le 21 avril et la tenue prochaine du conclave a ravivé l'intérêt pour le thriller oscarisé Conclave, réalisé par Edward Berge sorti en 2024. Il est actuellement le deuxième film le plus visionné en streaming en France. Aux États-Unis, le film est passé de 1,8 million de visionnages le 20 avril à 6,9 millions le 21 avril. Un succès qui s'accompagne de précautions nécessaires. "Le film use et abuse des catégories venues du monde politique. Et qui écoute les médias sait combien ils cherchent à placer le pape François sur cet échiquier, sans d’ailleurs y arriver, et vont faire de même avec les candidats potentiels", explique à Aleteia le père Pascal ide, prêtre du diocèse de Pris et passionné de cinéma. "D’abord, ces catégories sont manichéennes : on oppose les libéraux, qui sont obligatoirement les "gentils" sympathiques, aux conservateurs qui sont nécessairement homophobes et islamophobes." Décryptage.

Aleteia : Comment expliquez-vous le succès du film Conclave depuis la mort du pape François ?
Père Pascal Ide :
Depuis sa sortie le 4 décembre 2024, le film a totalisé plus d’un million d’entrées en France, ce qui atteste un véritable et durable succès, sans rien dire des presque 20 millions d’entrées aux États-Unis et l’Oscar 2025 du meilleur scénario adapté. Le fait qu’il soit le deuxième film le plus vu en streaming aujourd’hui s’explique aisément, me semble-t-il. La mort du pape François suscite tristesse, crainte et attente, et c’est bien normal. Or, Conclave est le premier long-métrage qui ne soit pas un documentaire et raconte pourtant en détail tout le processus depuis la mort du Pape jusqu’à l’élection du suivant. Avec "Habemus Papam" (Nanni Moretti, 2011) ou "Les deux papes" (Fernando Meirelles, 2019), la caméra s’arrêtait sur le seuil de la chapelle Sixtine. 

Ce film a été largement plébiscité par le "grand public". Peut-on lui reconnaître quelques qualités ?
Je fus surpris du succès que Conclave a emporté y compris chez un public catholique plus "classique". La première raison que j’ai le plus souvent entendue est, répétons-le, le caractère très documenté qui est d’abord celui du thriller dont le film est adapté. Outre un sens aiguisé du scénario, donc de l’adaptabilité de ses best-sellers à l’écran, le romancier britannique Robert Harris est bien connu pour la minutie de ses recherches historiques. Les autres raisons me paraissent être les suivantes : la satisfaction d’une curiosité sinon légitime, du moins compréhensible, vis-à-vis du déroulement d’un des votes les plus secrets du monde ; une intrigue au suspense soutenu, multipliant les rebondissements et les coups de théâtre les plus inattendus ; la beauté des décors, intérieurs – ah ! la chapelle Sixtine ! – et extérieurs, une photographie de qualité, un casting royal, dont le jeu tout en intensité contenue de Ralph Fiennes, le personnage apparemment tout en équilibre du cardinal Thomas Lawrence – justement joué par Fiennes –, une description bienveillante et éclairante des débats intérieurs de ces prélats qui, face à des choix décisifs, demeurent des hommes, la crédibilité des raisons avancées pour écarter les cardinaux, raisons auxquelles les récentes affaires, et pas seulement sur les abus, nous ont sensibilisés.

Le conclave n’est pas une campagne électorale, mais d’abord, un acte liturgique, une prière pour l’Église et donc pour le monde.

Est-ce une bonne « porte d'entrée » pour celles et ceux qui se posent des questions sur le conclave ?
Assurément, non ! Tous les catholiques m’ayant parlé du film étaient étonnés, voire choqués par la fin – ce qui ne veut pas dire qu’ils aient perçu qu’une telle élection était automatiquement invalide ! Mais j’ai d’abord été surpris que les spectateurs fussent mythridatisés, si je puis dire, d’apprendre que les cardinaux suspendus l’étaient au nom des trois concupiscences (1 Jn 2,16) : l’un pour désordre sexuel, l’autre pour simonie, le dernier pour jeux de pouvoir. Certes, il est heureux de savoir que les fidèles ne confondent plus sainteté et perfection : "Vivre, c’est changer ; être saint, c’est avoir changé souvent", disait Newman. Mais il est plus inquiétant de penser qu’ils ne sont plus choqués par une attitude aussi peu exemplaire au plus haut niveau de responsabilité dans l’Église. Surtout, je fus stupéfait de voir que presque aucun n’avait été scandalisé par le discours sceptique et laxiste du cardinal Lawrence ("j’ai appris à redouter un péché plus que tous les autres : la certitude"), au nom de la tolérance ("La certitude est l’ennemi mortel de la tolérance"), du doute ("Prions pour que le Seigneur nous fasse la grâce d’un pape qui doute") et de la miséricorde ("Et aussi d’un pape qui pèche et soit capable de demander pardon"). La Bible dit tout autre chose qui joint l’amour et la vérité : "Amour et vérité se rencontrent" (Ps 84,11).

Que leur conseilleriez-vous ?
D’abord, de prendre du recul ! Le film use et abuse des catégories venues du monde politique. Et qui écoute les médias sait combien ils cherchent à placer le pape François sur cet échiquier (sans d’ailleurs y arriver !) et vont faire de même avec les candidats potentiels. D’abord, ces catégories sont manichéennes : on oppose les libéraux, qui sont obligatoirement les "gentils" sympathiques, aux conservateurs qui sont nécessairement homophobes et islamophobes. Surtout, cette grille de lecture est-elle adéquate ? L’Eucharistie est-elle de droite ou de gauche ? Or, l’Église "qui fait l’Eucharistie" comme "l’Eucharistie fait l’Église" (ainsi que disait le cardinal de Lubac), n’est pas un mystère moins grand. De même, l’élection du successeur de Pierre. Plus généralement, je ne suis pas bien certain que le visionnement d’un film soit la meilleure manière d’accompagner le conclave qui s’ouvrira dans quelques jours. Bien entendu, notre cœur et notre attention sont tournés vers celui-ci. Toutefois, intérêt n’est pas indiscrète curiosité. Surtout, le conclave n’est pas une campagne électorale, mais d’abord, un acte liturgique, une prière pour l’Église et donc pour le monde. Et, le film ne le montre pas assez, les cardinaux ont une conscience très aiguë de leur immense responsabilité face à Dieu en nommant le successeur de Pierre. Donc, comme eux, supplions pour celui-ci – que Dieu et Dieu seul connaît pour l’instant –, dans la confiance – pour ne regarder que les deux derniers siècles, les papes sont des Saints et des hommes providentiels – et le souci de l’unité – c’est la première des quatre notes de l’Église : "Je crois en l’Église une…".

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