PAPE LÉON XIV
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Le pape François est retourné dans la maison du Père. Sa personnalité, sa force, son incessant appel à prendre soin des plus pauvres a marqué son pontificat. Je me souviens d’une analyse de l’abbé Grosjean, peu de temps après l’élection de François. Pour l’un des fondateurs du Padre Blog, nos trois derniers papes — chacun avec son charisme propre — aura plus particulièrement incarné l’une des trois vertus théologales : l’espérance pour Jean Paul II, la foi pour Benoît XVI et la charité pour François. Loin d’être une experte de la pensée du défunt pape, quelques-uns de ses éclairages, enseignements ou "bonnes leçons" m’ont particulièrement marquée. Ils peuvent si bien nourrir notre pensée, nous aider à adoucir et ajuster nos voix comme notre agir.
1Le visage de la miséricorde

Comment ne pas repenser en premier lieu, en ce dimanche de la Miséricorde où j’écris ces lignes, sur sa décision d’instaurer l’an 2015 comme Année de la miséricorde ? Ce Jubilé extraordinaire, il l’a voulu comme un temps favorable pour l’Église pour que le témoignage rendu par les croyants soit plus fort et plus efficace. Grâce à sa bulle d’indiction Misericordiae Vultus ("Le visage de la miséricorde"), nous avons pu découvrir ou redécouvrir, non seulement les œuvres de miséricorde corporelles qui nous semblent assez familières et évidentes, mais aussi et surtout, bien moins connues : les œuvres de miséricorde spirituelles. Personnellement, je n’en avais jamais entendu parler avant cela. Depuis, je ne vois plus les gens ennuyeux avec les mêmes yeux… merci François ! Sous ce vocable d’œuvres de miséricorde spirituelles, on entend le fait de conseiller ceux qui sont dans le doute, d’enseigner les ignorants, d’avertir les pécheurs, de consoler les affligés, de pardonner les offenses, de prier Dieu pour les vivants et pour les morts et donc aussi de supporter patiemment les personnes ennuyeuses…
2La mondanité et les quinze maladies

Je me souviens aussi de son appel pressant à la vigilance contre la mondanité spirituelle, et ses fameuses terribles quinze maladies de la Curie qui, en réalité, sont des maux sur lesquels nous pouvons tous prendre le temps de méditer… : le fantasme de l'immortalité de qui se croit "immunisé" ou "indispensable". Le "marthalisme" ou l’activité excessive, en référence à la parabole de Marthe et Marie. La "pétrification mentale et spirituelle". La planification excessive et le fonctionnarisme. La mauvaise coordination. L'"Alzheimer spirituel". La vanité de la gloire. La "schizophrénie existentielle". La rumeur, la médisance et le commérage. La divinisation des chefs. L'indifférence aux autres. La tête d’enterrement. L'accumulation. Les "cercles fermés". La mondanité, les profits mondains et l’exhibitionnisme…
3Pas d’éthique sans bonté

Dans l’exhortation Evangelii gaudium, le pape François énonce quatre principes pour avancer dans la construction d’un peuple en paix, juste et fraternel. Parmi eux, je repense souvent à celui-ci : "La réalité est supérieure à l’idée." C’est un vrai risque : une idée qui ne se confronte pas à la réalité peut vite devenir une idéologie. De même, il n’est pas rare que dans nos vies, nous faisions face à certaines appréhensions, incompréhensions ou aversions car nous sommes "coincés" dans des idées que nous nous faisons. Et qui, finalement, s’estompent naturellement dans la réalité de ce qui se vit, se rencontre, s’expérimente…
"La réalité est, tout simplement, l’idée s’élabore, explique le Pape. Entre les deux il faut instaurer un dialogue permanent, en évitant que l’idée finisse par être séparée de la réalité. Il est dangereux de vivre dans le règne de la seule parole, de l’image, du sophisme. C’est de là qu’il en déduit ce principe que la réalité est supérieure à l’idée. Cela suppose d’éviter diverses manières d’occulter la réalité : les purismes angéliques, les totalitarismes du relativisme, les nominalismes déclaratifs, les projets plus formels que réels, les fondamentalismes antihistoriques, les éthiques sans bonté, les intellectualismes sans sagesse" (EG, 231).
Et voici ici ces mots que j’ai gardés précieusement : il faut se garder des éthiques sans bonté… !
4Tout est lié

Le pape, dans la continuité de ses prédécesseurs, a ouvert notre compréhension aux besoins impérieux du respect de la vie, dans une vision d’écologie intégrale. François insistait beaucoup sur ce besoin de cohérence. On n’oubliera pas son fameux "tout est lié". Trois mots très simples, mais qui reflètent une vérité éternelle. Oui, tout est lié et rien n’oblige à choisir l’humain contre la nature ou la nature contre l’humain. "Quand on ne reconnaît pas, dans la réalité même, la valeur d’un pauvre, d’un embryon humain, d’une personne vivant une situation de handicap — pour prendre seulement quelques exemples — on écoutera difficilement les cris de la nature elle-même. Tout est lié" écrivait-il dans l’encyclique Laudato si’ (n. 117).
Avec lui, on comprend bien que la dégradation de l’environnement est étroitement liée à la culture qui façonne la communauté humaine, d’où l’impérieuse nécessité de sauvegarder aussi les indispensables conditions morales qui sous-tendent l’agir humain. Car une véritable écologie ne peut être qu’intégrale, portée par l’homme, réconciliant en elle ces deux sœurs que sont l’écologie humaine et l’écologie environnementale, appelant chacun à une douloureuse et exigeante conversion écologique globale.
5Une vision globale de la bioéthique

Plus tard, toujours concernant les sujets qui touchent à la vie, il a insisté sur l’importance d’avoir une "vision globale de la bioéthique". Dans l’exhortation Gaudete et Exsultate il rappelle que "la défense de l’innocent qui n’est pas encore né, doit être sans équivoque, ferme et passionnée, parce que là est en jeu la dignité de la vie humaine, toujours sacrée, et l’amour de chaque personne indépendamment de son développement exige cela. Mais est également sacrée la vie des pauvres qui sont déjà nés, de ceux qui se débattent dans la misère, l’abandon, le mépris, la traite des personnes, l’euthanasie cachée des malades et des personnes âgées privées d’attention, dans les nouvelles formes d’esclavage, et dans tout genre de marginalisation" (GE, 101). Il a souligné l’importance que cette bioéthique globale devienne une modalité spécifique pour développer la perspective de l’écologie intégrale.
Pour lui, la bioéthique doit se penser, non pas à partir de la maladie et du "sale travail de la mort", mais en partant de la conviction profonde de la dignité de la personne humaine. Une dignité irrévocable, à chaque phase et condition de l’existence humaine. Le pape était en effet attaché à rappeler cette continuité de la vie dont il n’omettait jamais aucune étape : "Il existe une vie humaine conçue, une vie en gestation, une vie qui naît, une vie d’enfant, une vie adolescente, une vie adulte, une vie vieillie et consumée — et il existe la vie éternelle." Et sans naïveté, car "il existe aussi la vie humaine fragile et malade, la vie blessée, avilie, marginalisée, rejetée. C’est toujours la vie humaine".
Merci, Pape Francois
Merci, Pape François, pour votre vie donnée. Maintenant, derrière le mystère de la porte du Royaume des cieux, celle dont les clés furent symboliquement confiées à votre saint prédécesseur sur lequel Jésus a bâti son Église, j’imagine avec tendresse ce cœur-à-cœur désormais éternel : "Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime."
