Les tisserands sont évoqués au début de l’Ancien Testament avec des précisions qui attestent de l’importance de leur métier. Le livre de l’Exode, par exemple, fait mention de cette corporation assimilée à de « véritables artistes » : « Il a rempli leur cœur de sagesse pour exécuter tout le travail du ciseleur, du brodeur, du brocheur de pourpre violette et pourpre rouge, cramoisi éclatant et lin, ainsi que le travail du tisserand. Ce sont des artisans de toute sorte, de véritables artistes » (Ex 35,35). Cette référence biblique démontre combien les tisserands occupent une place importante parmi les différents métiers de la Bible.
Ces artisans recherchés pourvoient non seulement aux nécessités pratiques de la vie quotidienne en fournissant vêtements et couvertures, mais s'avèrent également indispensables à la décoration du sanctuaire et à la confection des vêtements liturgiques en raison de leur art. Ce passage du livre de l’Exode que nous venons de citer évoque plus précisément les meilleurs artisans retenus pour la réalisation de la tente de la Rencontre dressée par Moïse pour l’Éternel. Tout ce qu’il y a de plus beau et précieux fut alors requis pour cet espace sacré où le Seigneur s’entretenait avec Moïse pendant l’Exode. Ce même texte nous apprend également que les femmes les plus habiles filaient la pourpre violette et rouge ainsi que le cramoisi éclatant et le lin, sans oublier le poil de chèvre.
Un métier propice aux allégories
La Bible aura régulièrement recours au métier de tisserand afin de rappeler certains traits essentiels de la vie. Ainsi, lorsque Dalila cherche par tous moyens à connaître le secret de la force légendaire de Samson avant qu’il ne soit livré aux Philistins, celui-ci lui confiera : « Si tu tissais les sept tresses de ma chevelure avec la chaîne d’un tissu, et si tu les resserrais avec un peigne de tisserand, alors je perdrais ma vigueur, et je serais comme n’importe quel homme. » (Jg 16-13). Et, si tel ne fut pas tout à fait le vrai secret pour anéantir sa force – il sera en fait nécessaire de lui couper ses cheveux – cette référence montre combien le métier à tisser demeurait au cœur du quotidien du peuple d’Israël. Samson en usant de cette allégorie souligne bien que sa force lui venait de Dieu, à l’image de tous les nazirs (consacrés à Dieu) dont il faisait partie.
Le prophète Isaïe a également recours à l’image du tisserand en une évocation puissante et forte d’enseignements : « Ma demeure m’est enlevée, arrachée, comme une tente de berger. Tel un tisserand, j’ai dévidé ma vie : le fil est tranché. Du jour à la nuit, tu m’achèves. » (Is 38,12). Le prophète souligne par cette métaphore la fragilité de la vie qui peut d’un jour à l’autre être retranchée du monde des vivants et dont le fil peut être coupé comme le ferait le tisserand sur son métier.
Paul, fabricant de tentes
Mais, le métier de tisserand dans la Bible est surtout associé à l’apôtre Paul ; en effet, s’il est un métier attribué à ce dernier, c’est bien celui de fabricant de tentes, métier lui-même lié à celui de tisserand en raison du travail du tissu et du cuir nécessaires pour la fabrication de ces objets. Nous trouvons la première référence au métier de Paul au Livre des Actes des Apôtres alors que celui-ci est parvenu à Corinthe après avoir quitté Athènes : « Il y trouva un Juif nommé Aquilas, originaire de la province du Pont, récemment arrivé d’Italie, ainsi que sa femme Priscille ; l’empereur Claude, en effet, avait pris la décision d’éloigner de Rome tous les Juifs. Paul entra en relation avec eux ; comme ils avaient le même métier, il demeurait chez eux et y travaillait, car ils étaient, de leur métier, fabricants de tentes » (Ac 18,02-03).
Le disciple du Christ tenait particulièrement à subvenir à ses propres besoins afin de ne pas être à la charge des communautés dans lesquelles il s’installait pour prêcher la bonne parole. En plus d’être un prédicateur zélé, Paul est dur à la tâche, ce qu’il rappelle sans équivoque dans ces paroles émouvantes de sincérité : « Je n’ai convoité ni l’argent ni l’or ni le vêtement de personne. Vous le savez bien vous-mêmes : les mains que voici ont pourvu à mes besoins et à ceux de mes compagnons » (Ac 20,33-34). La ville de Tarse, dont était originaire Paul, était alors réputée pour ses étoffes en poil de chèvre portant le nom de cilicium du nom de la province même de la Cilicie située aujourd’hui en Turquie (à ne pas confondre avec silicium) ; des étoffes qui servaient notamment à la construction des tentes et des voiles. Avant d’être le fondateur de la théologie chrétienne, l’Apôtre des gentils exerçait ainsi un métier humble et exigeant, mais qui demeurera à la base de ses enseignements…
