Lorsque François accède au siège de Pierre, il sait qu’il héritera du dossier douloureux déjà pris en main par son prédécesseur : les abus sexuels, de pouvoir et de conscience commis au sein de l’Église catholique, dont les révélations en chaîne choquent l’opinion publique. Aucun pays n’est épargné et les proportions sont telles que certains parlent de crise systémique.
Face à ce fléau, Jorge Mario Bergoglio prône la "tolérance zéro", institue une commission pontificale pour la protection des mineurs et accentue les sanctions contre les évêques qui feraient preuve de négligences dans la gestion des cas. Savoir que des prêtres ont violé l’innocence d’enfants "est mon angoisse et ma douleur", confie-t-il à des victimes qu’il reçoit à sa résidence Sainte-Marthe en juillet 2014. François ne mâche pas ses mots, comparant la pédo-criminalité à "un culte sacrilège" ou encore à "une messe noire". Il voit dans cette perversion la main de Satan et engage une lutte sans merci pour "éradiquer la culture de l’abus".
La renonciation collective des évêques chiliens
Mais dans ce combat, le pape argentin boira le calice jusqu’à la lie. Lors d’un voyage au Chili en janvier 2018, il prend publiquement la défense d’un évêque soupçonné d’avoir couvert un prêtre pédophile. Quelques semaines plus tard, mis au fait des dissimulations d’abus généralisées dans l’Église au Chili, le souverain pontife présentera ses excuses dans une lettre : "Je reconnais que j'ai commis de graves erreurs dans mon évaluation et ma perception de la situation, notamment en raison d'un manque d'informations véridiques et équilibrées." Le 18 mai, tous les évêques du Chili, convoqués à Rome, remettent collectivement leur démission sur le bureau du pape. Seules quelques-unes seront acceptées les mois suivants, mais ce geste sans précédent est un coup de tonnerre dans l’Église.
François convoque ensuite un Sommet sur les abus avec tous les présidents des conférences épiscopales du monde. D’aucuns ont pu reprocher au 266e pape son silence prudent sur certaines affaires, ou sa réticence à recevoir la Commission française indépendante sur les abus sexuels dans l'Église en France (Ciase). Mais au fil des ans, il ne cessera de durcir la loi pénale et de responsabiliser la hiérarchie, allant jusqu’à abolir le secret pontifical couvrant les procédures en matière de pédo-criminalité. Car pour François, "un seul et unique cas est déjà en soi une réalité monstrueuse".